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Je précise tout de suite que je ne suis un spécialiste ni de la politique, ni même de la pensée sociale de l’Église. Cependant, l’an prochain, nous allons à nous prononcer une fois de plus dans des élections. Et avant que le climat ne devienne trop polémique, empêchant ainsi toute prise de parole un peu distanciée mais qui pourrait tout de suite être vue comme une prise de position de l’Église, j’ai pensé qu’il serait bon de vous donner quelques éléments de réflexion sur l’engagement politique des chrétiens. Et cela d’autant plus que nous assistons à une remise en cause et à une méfiance croissante vis-à-vis de la politique et des hommes politiques dans notre pays.
Beaucoup de catholiques éprouvent un sentiment de malaise vis à vis du monde politique. Ce malaise est d’abord celui de tous nos compatriotes. Avec eux, nous sommes face à deux écueils possibles : tout d’abord, la survalorisation de la politique, en s’imaginant que l’on va changer le monde par la politique… Or, nous savons que ce qui change le monde, c’est la conversion des cœurs par l’amour ; la politique, elle, permet normalement au monde de vivre aussi justement et paisiblement que possible, pour que le monde puisse se développer. L’autre écueil est la dévalorisation de la politique. Ces deux écueils sont d’ailleurs liés : trop souvent, on dévalorise la politique parce qu’on la survalorise d’abord : on demande aux politiques de satisfaire tous les besoins de l’humanité, et comme ils ne le font pas (puisque, par définition, ils ne peuvent pas le faire), on trouve que la politique est inutile et inefficace.
Mais ce malaise est renforcé, surtout dans notre pays, par ce que nous pouvons imaginer du rapport entre foi et politique, et par le concept de laïcité. D’où les questions : les chrétiens doivent-ils rester à l’écart du débat politique ou y participer ? Et si oui, comment ? Qu’en dit l’Église ?
Pour répondre à ces questions, je crois qu’il faut absolument voir ce qui est noble dans la vie politique et comprendre que la participation politique de chacun est nécessaire. Pie XI, en 1927, disait que la politique est une « forme éminente de la charité, le champ de la plus vaste charité », c’est-à-dire du service des autres. Cette phrase reste tout à fait vraie. Dès lors, participer à la vie politique, c’est aimer son pays. Et c’est pour cela que le message des évêques pour ces élections présidentielles de 2002 était basé sur la fraternité, c’est-à-dire sur l’amour du prochain. L’action politique est une forme indispensable de l’amour du prochain. On peut même dire que s’intéresser à la vie politique et sociale relève du quatrième commandement, celui qui nous demande d’aimer nos pères et mères. Et donc un chrétien ne peut rester indifférent à la vie politique de son pays.
Ainsi, quand on lit les Actes des apôtres et les différents textes ecclésiaux, on s’aperçoit que dès le début de l’ère chrétienne, l’Église a préconisé le partage des biens, et a cherché à remédier aux inégalités et aux injustices sociales des différentes époques. Au fil des siècles, les chrétiens ont rivalisé d’imagination et d’ingéniosité pour aider les pauvres, former les intelligences, éduquer les consciences ; l’Église s’est employée à contenir la démesure des détenteurs du pouvoir, à tempérer les ardeurs guerrières, à préciser les exigences de la justice, à rappeler les gouvernants à leurs responsabilités, à favoriser les corporations... Et tout cela est révélateur de l’engagement de l’Église dans les problèmes de société. Dès lors, l’Église a organisé sa pensée sociale, et elle dispose d’une expérience multiséculaire en ce domaine.
En deux mille ans d’histoire, l’engagement du chrétien dans le monde s’est réalisé de manières diverses. L’une d’elle a été la participation de chrétiens à l’action politique comme citoyens. L’engagement politique peut même être un chemin de sainteté. L’Église vénère, parmi ses saints, bien des hommes et des femmes qui ont servi Dieu par leur engagement généreux dans les activités politiques et de gouvernement. Parmi ceux-ci, St Thomas More, proclamé patron des gouvernants et des politiciens, a su témoigner jusqu’à la mort la dignité inaliénable de la conscience. Il a refusé tout compromis, bien que soumis à diverses formes de pression psychologiques. Sans renier la fidélité constante à l’autorité et aux institutions légitimes, il a affirmé par sa vie et sa mort, que l’homme ne peut séparer de Dieu ni la politique ni la morale. Plus récemment, nous en avons un autre exemple avec un Robert Schuman, qui s’engagea en politique à la demande de l’évêque de Metz, Mgr Benzler. Il le fit sans aucune ambition personnelle, et s’acquitta de ses tâches comme d’un apostolat, note André Philip, député socialiste et plusieurs fois membre de gouvernement de la IVe République : « Ce qui m’a frappé en lui, c’était le rayonnement de sa vie intérieure ; on était devant un homme consacré... d’une totale sincérité et humilité intellectuelle, qui ne cherchait qu’à servir, là et au moment où il se sentait appelé... ».
Voici aussi, en guise « d’apéritif », quelques citations sur le lien entre politique et charité :
La connaissance de la pensée sociale de l’Église et de sa pertinence en matière politique est devenue aujourd’hui, à mon sens, une urgence. On en trouve un résumé dans le Catéchisme de l’Église catholique, et un bon exposé dans le Compendium de la Doctrine sociale de l’Église, édité en 2005. On peut ainsi repérer deux registres dans le discours de l’Église :
La catéchèse sera constituée de quatre grandes parties :
[1] Conseil Pontifical Justice et Paix, Compendium de la Doctrine sociale de l’Église, Paris, Bayard Éditions, 2005, n° 208, p. 118.
[2] Les Évêques de France, Pour une pratique chrétienne de la politique, 28 octobre 1972, Paris, éd. du Centurion, 1972, p. 57.
[3] Paul VI, Octogesima adveniens, La Documentation catholique, n° 1587, 1971, p. 512. cf. Jn 15, 15-18.
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