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Nouvelles Causeries japonaises – Le juste doit être fort

XXXI – Le juste doit être fort

Avril 2014, à Hiyoshi

La volumineuse documentation du Tribunal international de l’Extrême-Orient est d’un grand intérêt pour les historiens, mais on aurait tort de dire que le procès de Tôkyô fit une profonde impression sur les Japonais ; ils l’acceptèrent comme l’inévitable punition que les vainqueurs pouvaient infliger aux vaincus [1].

Je demandais récemment à un Japonais honorant la royauté sacrée de son pays pourquoi donc le Japon acceptait depuis si longtemps de vivre sous le joug d’une constitution absurde et délétère, en particulier cette interdiction ubuesque d’avoir une armée. Silence un peu gêné et, en substance, il me dit que c’est parce que le Japon avait perdu la guerre…

Le vaincu a toujours tort et le vainqueur toujours raison : voilà la règle dure mais bien réelle de la vie que connaissent bon nombre de Japonais. Rien ne sert, dans les luttes ouvertes et violentes, d’avoir raison pour triompher : si l’on perd, on aura tort devant les vainqueurs, quelles que soient sa bonté et sa probité. Le martyr peut avoir toujours raison face à la mort et touché son bourreau par sa Foi inébranlable, mais il ne reste pas qu’une aventure et une vocation personnelles ne pouvant et n’ayant jamais exclu le devoir de la victoire et du triomphe.

La modernité nous montre, en effet, tous les dégâts que produisent les victoires des illuminés et des diablotins idéologiques. L’abattement est chaque fois plus sévère et la destruction totale plus proche. Ceux qui pensent réellement avoir une vérité, à la fois humaine dans sa chaleur et divine dans son essence, sont condamnés à vaincre. Ne pas être fort et accepter la victoire du faux lorsqu’on voit le vrai, sur tous les plans de la vie et de la société, à notre pauvre niveau individuel également, revient à un crime devant toutes les victimes des vaincus et des vainqueurs.

Constamment chercher la vérité et marcher sur le chemin du bien sont des prérequis nécessaires mais insuffisants et inutiles s’il ne peuvent briller dans notre nuit contemporaine. Le fort qui vainc, et il y a toujours des vainqueurs, impose aux vaincus ses vues. Tant que l’homme sera homme, il y aura des luttes : il est illusoire de vouloir les faire disparaître. On peut les nier, on peut lâchement les éviter en abdiquant d’emblée tout combat et en désertant le terrain au profit des envahisseurs, d’autant plus puissants et intègres qu’ils n’auront même pas rencontré la moindre résistance… ! Tous espèrent toujours la clémence du vainqueur, mais où est l’espoir quand les destructeurs et les pilleurs des âmes sont légion et que personne n’ose se dresser devant eux ?

Il n’est plus temps de faire son petit bout de bien timide et faiblard : il faut vaincre nettement, même dans les petites choses, afin de restaurer le bien dans notre royaume. Il ne faut donc pas avoir peur d’être fort, car cette force – guidée par le bien – n’a rien à se reprocher. Elle ne peut que protéger le faible, résister au mal, et reconquérir le royaume. La peur de la force signale la maladie du bien, maladie si profonde qu’elle ne croit plus en elle, qu’elle ne brille plus, et que l’on se demande encore si elle existe.

Que le Japon ait perdu fut un drame pour lui, mais au moins il aura, par sa résistance en quelque sorte victorieuse, au moins préservé l’essentiel de lui-même.

Le vainqueur a toujours raison ; le vaincu subit. Que les justes et les bons s’affermissent et grandissent pour être les plus forts afin, enfin, de se trouver du bon côté de la vérité soutenue par la force, et non du mensonge imposé par la violence. Que le vainqueur soit notre bon roi très chrétien : Vive le Roy !

— Paul-Raymond du Lac
Pour Dieu, Pour le Roi, Pour la France

[1Shinshô HANAYAMA, La Voie de l’éternité, Paris, Guy Le Prat, 1973, p. 146, note du traducteur : « Dans son livre A History of the modern Japan, l’Anglais Richard STORRY a écrit : [citation ci-dessus] »

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