L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.
La publicité faite à ce livre, que nous n’achèterons pas, nous oblige à admirer une magnifique leçon de communication de crise donnée par les services de l’Élysée. Et comme spectateur, nous ne pouvons résister au secret plaisir de voir les choses tenues cachées par les Grands dévoilées le temps d’une scène, fût-elle moins bonne que le Cinna du grand Corneille.
Acte I : La loi de l’audimat obligeait les grandes groupes audiovisuels à faire grande presse de ce bouquin bas de l’ex première concubine. Cette presse même donne aux différents directeurs de journaux un avantage stratégique pour la suite de la pièce : ils seront présumés du côté de Valérie Trierweiler, qui est en outre des leurs. Il ne s’y rangeront pas plus longtemps que Maxime du côté de Cinna.
Acte II : Le pouvoir est obligé de concéder deux défaites, qui n’en sont pas réellement, car elles serviront à la riposte. Hollande qualifie les pauvres de "sans-dents" ? L’opposition pourra se concentrer sur cette position, la seule qu’il lui est permis d’attaquer. De toutes les façons, aucun journal télévisé ne sera validé par la rédaction sans qu’un quidam "à-qui-on-ne-la-fait-pas" s’étonne que ses compatriotes nés-de-la-dernière-pluie soient surpris d’un tel mot de la part d’un président cynique — comme sa profession le lui exige — mais rigolo — comme le spectacle l’exige aussi.
Reste la tentative de récupération de François Hollande, par peur, entend-on, que son ex écrive un livre. Mais c’est parfait qu’il en ait peur, il paraîtra ainsi démuni devant la publication de l’ouvrage, à laquelle il ne se serait pas attendu d’après ses services de communication : « Nous n’avons pas lu ce livre. ». Qui peut croire que le chef des armées soit démuni et impuissant ? Qu’importe ! L’avantage est pris, et toutes les analyses de la maîtresse délaissées porteront la marque de la paranoïa et de l’exaltation. Il lui sera inutile de surjouer ce que ses regards et ses mimiques arborent déjà. François Hollande prétend la "regagner" comme on gagne une élection ? Qu’à cela ne tienne, en France, la vertu est toujours aux chevaliers courtois qui regagne les coeurs plutôt qu’aux demoiselles effarouchées, surtout si elles ont autant de concubins à leur palmarès que leur débonnaire concubin. Déjà, n’étant pas maîtresse du dénouement, elle prend la clémence de François Hollande pour de la lâcheté [1], au lieu d’y voir son coup d’éclat final.
Il n’est pas étonnant que l’ex première regrette aujourd’hui l’emballement autour de ces extraits.
Acte III : Le tyran des coeurs abat sa carte "maîtresse", Ségolène Royal, dont personne n’imaginerait qu’elle se constituerait volontairement salaire de son ancien compagnon [2]. Pourtant, elle le fait, et qui mieux qu’elle, seule "compagne légitime" aux yeux des Français, trahie mais miséricordieuse, pourrait établir l’innocence de celui dont elle a partagé l’intimité encore plus longtemps ? Non, François Hollande aime bien les pauvres. Si les soupirs de Valls et Le Foll accablent déjà Valérie, la mansuétude de Ségolène est la dernière preuve de son hystérie.
Acte IV : N’était ce visage dont le maquillage ne peut effacer la suffisance arriviste et l’ambition séductrice, la femme la plus détestée de France aurait pu aller au bout de sa logique en Émilie, maîtresse totale, à l’honneur intransigeant, et sublime vengeresse.
Mais les apparences la condamnaient de toute façon, et de Cinna en Maxime, elle prenait la place couarde et calculatrice de ses confrères journalistes. Valérie aura beau se peindre en Cosette [3], la rançon des actes lâches et perfides est toujours la pitié : "Pathétique", titre le Parisien, "Ridicule", enfonce Causeur. Même pour les zélateurs de la transparence, on ne s’attaque pas à la vie privée des Grands, car on pourrait finir par s’essayer à la leur. La répugnance pour l’immixtion dans la vie privée est un sentiment trop partagé par les Français pour ces demi-habiles n’en profitent pas.
Acte V : Puisque François Hollande n’a pas de Livie — Ah comme Corneille avait tout compris ! — c’est des dieux eux-même qu’il trouvera l’inspiration du dénouement ; mais puisqu’il n’est pas Auguste, il n’est pas taillé pour dispenser grâce et clémence. Alors, qu’attendre pour ce grand final ? Alors, qu’attendre pour ce grand final ? Un François Hollande "superbe", au-dessus de la mêlée, pendant que les ingrats s’échinent à s’agiter, dans le silence plus nouveau que décent des médias, après un sommet de l’OTAN avec Barack Obama, dont la voix donnera le coup d’éclat final. Un coup dont l’éclat devra se réduire au don d’un peu de lui-même, avec toute l’émotion à laquelle il puisse prétendre sans heurter notre conception de sa médiocrité, mais aussi de son humanité. C’est le maximum que la vraisemblance pourra lui accorder. Il voudra ensuite "oublier" et "aller de l’avant" (au nom de la fonction présidentielle et la sécurité internationale), mais ce que sa fébrile popularité ne permettra (c’est-à-dire, la maîtrise du temps), c’est la fabuleuse insouciance de certains Français qui le lui servira sur un plateau. Tirez le rideau. Dormez, je le veux.
Commentaire ajouté au lendemain de la parution de l’article, le 5 septembre à 17h30, suite à la conférence de presse du Président au sommet de l’OTAN
Le Président, mal en point, a effectivement donné tout ce que sa popularité et la vraisemblance lui permettaient de donner : quelques trémolos, à défaut de clémence, au moment d’évoquer l’engagement de toute sa vie, les plus fragiles et les plus pauvres. Naturellement, il a également appelé au respect des institutions, et même à l’oubli de la personne qui endosse la fonction présidentielle, dans l’intérêt de la sécurité internationale et la nôtre.
[1] Merci pour ce moment, p. 50 : « Je te demande pardon parce que je t’aime toujours. » Cela ne fait redoubler mes larmes. Alors pourquoi ? Est-ce sincère ou est-ce encore une trace de lâcheté ? »
[2] Sans compter qu’elle protège ses arrières : comment aurait-elle pu, femme de gauche, supporter aussi longtemps le cynisme de son concubin ?
[3] Merci pour ce moment, p. 185
Le R&N a besoin de vous !
ContribuerFaire un don
Dernières dépêches : [NOUVEAUTÉ] Sortie du jeu de société chrétien « Theopolis » • Retour de la communion sur les lèvres à Paris • Etats et GAFA : l’alliance impie est en marche • [CHRISTIANOPHOBIE] Retour sur le concert raté d’Anna von Hausswolff • [ÉGLISE] Les hussards de la modernité à l’assaut des derniers dogmes de l’Eglise • [IN MEMORIAM] Charles, entre idole des jeunes et divinité laïque • [CHRÉTIENTÉ] L’épée d’Haïfa et la chevalerie rêveuse • Le service public l’a décrété : le wokisme n’existe pas • [IN MEMORIAM] L’Heure des comptes viendra-t-elle bientôt ? • [IN MEMORIAM] 4 novembre 1793 : Louis de Salgues de Lescure
Le Rouge & le Noir est un site internet d’information, de réflexion et d’analyse. Son identité est fondamentalement catholique. Il n’est point la voix officielle de l’Église, ni même un représentant de l’Église ou de son clergé. Les auteurs n’engagent que leur propre conscience. En revanche, cette gazette-en-ligne se veut dans l’Église. Son universalité ne se dément point car elle admet en son sein les diverses « tendances » qui sont en communion avec l’évêque de Rome : depuis les modérés de La Croix jusqu’aux traditionalistes intransigeants.
© 2011-2025 Le Rouge & le Noir v. 3.0,
tous droits réservés.
Plan du site
• Se connecter •
Contact •
RSS 2.0