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A l’extrême occident de la vieille Europe, l’Irlande jouit encore d’une réputation conservatrice. « L’île des saints et des savants » [1] évoque toujours un parfum d’encens mêlé à la tourbe. Il est vrai qu’en 2011, plus de 82 % de la population se réclamait de l’Eglise catholique. Sous les auspices de la Très Sainte Trinité, « de laquelle découle toute autorité et à laquelle toutes les actions des hommes et des États doivent se conformer, comme notre but suprême », la Constitution de 1937 [2] fait grand cas du bien commun et de la loi naturelle. S’ils l’apprenaient, les étudiants thomistes brûleraient de prendre le ferry en direction de Cork.
La plupart des observateurs européens ont fait leur cette équation séduisante : l’antique Hibernia, pays isolé, influencé par les courtes vues de clercs obscurantistes, se refuserait aux lumières du Progrès. Et pour cause : à Dublin, l’avortement est prohibé, sauf dans les cas où la vie de la mère est en danger. La notion de « droits procréatifs » est inconnue du droit positif irlandais. En droit de la famille, le pays que l’on surnommait il y a encore dix ans le « Tigre celtique » ne brille pas par son avant-gardisme : les relations homosexuelles y sont licites depuis 1993. Quant au divorce, il n’existe que depuis une loi votée par le Dail en 1996. La patrie de Michael Collins affiche le taux de divorce le plus bas en Union européenne : une statistique que le quotidien La Croix qualifiait en 2013 d’ « anomalie ». Le même journal établissait, sans surprises, un lien de causalité entre la catholicité de l’île verte et ces chiffres éloquents : « L’influence de l’Église catholique, et par là même la culture de fidélité du couple qu’elle transmet, semble confirmée par le fait que 68 % des mariages sont enregistrés dans une paroisse catholique. » L’Irlande, bastion de la Doctrine sociale de l’Eglise ? L’image d’Epinal était si belle qu’il eût été dommage de l’écorner.
Et pourtant. L’Irlande n’est pas hermétique aux revendications de dénaturation des structures traditionnelles. L’Angleterre, ennemie d’hier, se révèle la meilleure alliée des irlandaises désireuses d’avorter : Liverpool n’est qu’à deux heures de ferry depuis Dublin. En sens inverse, la propagande libertaire s’est introduite en Irlande depuis plusieurs années. La croissance économique des années 1990 a apporté, dans les bagages des multinationales de l’Internet, des idées jusque là confidentielles. En vingt ans, le visage du pays a bien changé, et le discours féministe et LGBT n’épargne pas le pays du trèfle.
Sans surprises, la dialectique de l’ouverture des droits est mobilisée par les thuriféraires du mariage homosexuel. Ces derniers ont trouvé des alliés au cœur du pouvoir dublinois, où règne depuis 2011 une coalition formée par le Fine Gael (centre, membre du PPE) et les travaillistes. Leur travail a payé. Le 30 mars dernier, un projet de loi autorisant l’adoption par les couples de même sexe était approuvé par le Seanad Éireann (Sénat) [3]. Enda Kenny, premier ministre (Fine Gael) annonçait en février dernier l’organisation d’un référendum sur le mariage homosexuel. Les citoyens de la République d’Irlande seront appelés aux urnes le 22 mai prochain. Derrière le choix du bulletin – Tá (oui) ou Níl (non), les Irlandais se prononceront sur un changement de civilisation. La société irlandaise en a-t-elle pris la juste mesure ?
A en croire les sondages, 72 % des Irlandais sont favorables au « mariage » homosexuel [4] . S’agit-il d’un acquiescement servile et passif, ou bien d’une conviction enracinée dans les esprits ? La tendance se traduira-t-elle concrètement dans les urnes le 22 mai ?
Retrouvez très prochainement la SECONDE PARTIE de l’article.
[1] Evangélisée dès 431 par S. Patrick, l’Irlande, jamais romanisée, devient au Haut Moyen Âge une ruche intellectuelle, où le dynamisme du monachisme irlandais fournit des contingents de missionnaires sillonnant l’Europe entière.
[2] Entrée en vigueur le 29 décembre 1937, la Constitution de l’Irlande est l’oeuvre du conservateur Eamonn de Valera. La citation provient du préambule de cette constitution, dont vous pouvez consulter la version française des articles ici
[3] Les débats ont duré une semaine au Sénat et, après une séance longue de huit heures, la haute assemblée a approuvé le Children and Family Relationships Bill
[4] Une statistique relayée par de nombreux media, comme le Irish Central.
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