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Gardée à vue 18 heures pour avoir obéi à des ordres

A l’issue de la manifestation, je n’ai qu’une envie : m’asseoir et dîner ! La décision est vite prise, nous choisissons avec plusieurs amis d’aller acheter quelques victuailles à l’épicerie pour faire un pique-nique à l’improviste sur les pelouses des Invalides. Mais, en fait de dîner, c’est nous qui sommes le dîner de nos amis les CRS. Impossible de s’asseoir, les pelouses sont jonchées de bouteilles de verre et nous nous retrouvons au beau milieu d’un véritable chaos. Nous sommes à peine arrivés sur la place que celle-ci est déjà entièrement bouclée par des rangées de CRS. Seule solution pour s’en sortir indemne : s’asseoir près des veilleurs qui ne bougent pas d’un poil et qui ne sont pas encore pris pour cible. Je m’assois près d’eux sur un banc sous les arbres et ne fais que commencer à m’étonner.

De loin je vois des bouteilles de verre, voler, venant de personnes capuchonnées, qui ont un brassard orange sur le bras… « Qui sont-ils ? » Demandé-je à une de mes amies – « Des policiers en civil », me répond-elle…… !

Vers 23h, alors que j’écoute des textes lus par les veilleurs, un policier en civil m’approche et me demande d’évacuer la place. Ne demandant que ça, j’obtempère immédiatement tout en lui demandant où se trouve la sortie. Il m’emmène alors vers le barrage de CRS de la rue Saint Dominique. Ces derniers ne devaient pas être de bonne humeur, car à peine arrivée devant ces messieurs, je leur demande de sortir, et on me rétorque un : « NON tu ne sortiras pas, c’est impossible ». On me pousse vers une autre rangée de CRS et je reçois en guise de réponse un formidable jet de gaz destiné à plusieurs personnes qui arrivaient en marchant calmement derrière moi.

Fumée, perte de repères, yeux brûlés… je crache mes poumons et manque m’évanouir, je suis complètement étourdie et sous le choc, je n’ai que très peu de souvenirs de ce moment, je crois que je suis tombée. Quand je reprends mes esprits, un CRS me tient par le bras, et m’emmène sans ménagement au milieu d’un groupe de 300 manifestants environ, complètement encerclé de CRS. Je comprends alors que c’est la fin, nous allons être tous embarqués, je suis dans le panier à salade. [1]

Pourtant, cette situation n’affecte pas notre détermination, les manifestants chantent à pleine voix leur hymne national. Et l’histoire ne fait que commencer. Une haie d’honneur des forces de l’ordre : rien de mieux pour entrer dans la Rolls Royce de l’Etat : les bus des interpellations dans lesquels nous restons pendant 1h sans qu’ils ne bougent. Il fait chaud, il n’y a pas d’air, nous avons soif, la promiscuité nous abrutit quelque peu, mais le désespoir ne nous atteint pas. A peine le bus démarre, nous chantons à pleine voix tous les chants qui nous viennent à l’esprit, depuis : Fanchon jusqu’à Patrick Sébastien en passant par Santiano.

Arrivée rue de l’Evangile : un véritable camp de prisonniers en plein Paris, nous sommes parqués dans une cour entourée de barbelés en attendant de connaître notre sort. Je suis la première à entrer dans le commissariat. On me notifie ma garde à vue. Je demande un avocat et un médecin.


Puis je suis emmenée dans une salle où se trouvent déjà des personnes interpellées dans laquelle je dois attendre de me faire fouiller. Je demande alors à aller aux toilettes. Je me vois répondre un NON catégorique. J’en fais la demande à plusieurs reprises en espérant que les femmes policières en tant que femmes auront pitié de moi. Celles-ci sont adossées au mur et semblent tout à fait désœuvrées, mais toutes refusent d’accéder à ma requête.

Finalement n’y tenant plus, je déclare mon intention d’opérer en plein milieu de la salle. Une policière accepte donc en ronchonnant de m’emmener. Je sais qu’il faut être fouillée avant, c’est pourquoi j’accepte qu’elle laisse la porte entrouverte. Mais au lieu de ça, quelle n’est pas ma surprise de constater qu’elle laisse la porte grande ouverte se plante devant moi et me regarde opérer les bras croisés, sans même détourner la tête…. Je n’ai pas le choix : j’inaugure, ce soir, les toilettes pour tous… [2]
Après cette humiliation règlementaire, je me fais fouiller puis suis placée dans la cellule de la rue de l’Evangile en attendant mon sort. Quinze minutes plus tard, la policière revient et me dit que je vais être transférée avec une autre jeune fille au commissariat de Nanterre…

Quelle n’est pas ma surprise quand je reçois l’ordre de tendre mes poignets pour me faire menotter… Je suis menottée devant tous mes camarades, je le reste dans la voiture, et ce… jusqu’à Nanterre. J’ai les poignets serrés, endoloris, pas le choix. On me déclare que c’est la procédure… [3]

Nanterre est un commissariat où les cellules n’ont de cellules que le nom. Un véritable taudis où règne une odeur d’urine insupportable. Le sol et les murs sont recouverts d’urine, de bolognaise et de crachats. En cadeau de bienvenue : une couverture qui sent la beuh, un matelas collant, des toilettes à la turque, sans lumière, sans clé, et sans papier hygiénique…

A 4 heures du matin, je suis réveillée pour être examinée par un médecin. En fait d’être examinée, il ne me regarde même pas, il prend ma tension, me donne deux dolipranes et s’en va.

Je retourne dans ma cellule, tant bien que mal, j’essaie de dormir, il fait froid et humide, je dors en pointillés. Il n’y a rien d’autre à faire, on perd toute notion du temps. A 11 heures, je rencontre mon avocat avec qui je m’entretiens, puis je me fais interroger. Le policier hallucine devant les faits qui me sont reprochés « absence de dispersion après sommation ». Il ne comprend pas pourquoi je suis là. Il reste surtout interloqué lorsqu’il réalise que 230 personnes sont dans le même cas que moi. « Quelle perte de temps et d’argent ! » s’exclame-t-il.
J’ai été très bien traitée par les policiers dans ce commissariat. Nous avons reçu notre déjeuner, puis nous sommes sorties aux alentours de 18h avec un rappel à la loi. ENFIN LIBRES, nous sentons l’urine…

J’ai passé 18 heures en GAV pour ne pas m’être dispersée après sommations (sous quelles formes se sont-elles présentées ?) de dispersion à un attroupement auquel je ne participais pas. J’ai passé 18 heures en GAV pour être restée assise sur un banc à veiller, pour avoir obéi à un ordre de quitter les lieux, et pour avoir demandé à une rangée de CRS de sortir de la place pour rentrer chez moi, alors même que j’étais accompagnée d’un policier en civil. La réponse a été claire : Non, puis du gaz, puis des menottes, puis 18 heures de GAV. Vive la démocratie, et vive la France ! On ne lâchera rien, JAMAIS, JAMAIS, JAMAIS.


[1article 432-4 CP : « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, d’ordonner ou d’accomplir arbitrairement un acte attentatoire à la liberté individuelle est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100000 euros d’amende » et article 5 de la CEDH droit à la liberté et à la sûreté

[2article 3 CEDH « Nul ne peut être soumis à (…) des « traitements inhumains ou dégradants ».

[3article 803 du CPP « ne doit être utilisé que lorsque la personne est considérée comme dangereuse pour autrui et pour elle-même ou susceptible de prendre la fuite"

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