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« C’est pourquoi cette idée du “Coup” nous a toujours paru le complément inévitable et nécessaire de tout mouvement d’idée royalistes et pour ma part, je l’ai toujours professée »
Charles Maurras.
Qu’est ce qui fait qu’un mouvement comme La Manif Pour Tous ne peut, et ne pourra, devenir un courant putschiste ? L’état d’esprit du peuple assurément. Les esprits ont changé entre 1910 et 2013. Au début du siècle passé, le peuple vivait politique à tous moments, il en parlait au travail, allait tracter à la sortie de l’usine, fréquentait des cercles de pensées ou politiques, en venait aux poings ou à l’épée pour défendre ses idées. Aujourd’hui, la majeure partie des gens ne pense plus. C’est tout juste s’ils s’informent avec des prothèses électroniques. Le monde ouvrier en est devenu l’exemple le plus flagrant : il y a encore peu la majorité d’entre eux connaissait le fond de la pensée syndicale et avait de réelles revendications. Aujourd’hui, pour beaucoup, ils ne peuvent guère faire davantage que répéter la prose des gourous syndicaux. C’est pourquoi nous pouvons penser que les nouvelles occasions de coup de force, avec une réelle volonté de changer les choses, ne se produiront qu’une fois les télévisions éteintes et les réfrigérateurs vides. Tant que ces deux conditions ne seront pas réunies, nul ne voudra prendre le risque de perdre son confort dans une action politique. Malheureusement, cette conditio sine qua non du coup de force passe par une paupérisation réelle des classes défavorisées. Au rythme où vont les choses, il est possible que nous soyons toujours en vie à ce moment …
Comme le furent les auteurs, nous pourrions être accusés de souhaiter les mauvaises nouvelles. Ces derniers répondront mots pour mots :
« On dira :
Mais alors, vous calculez les mauvaises nouvelles ! Vous comptez sur les Prussiens, comme au lendemain de Sedan. Ou sur les Alliés, comme après Waterloo !
Nous prions les lecteurs de ne pas se laisser démonter par des mouvements oratoires. Ce ne sont pas des arguments. Ce sont des bêtises. »
Et le trio appuiera son propos, affirmant qu’il « vaut mieux calculer les mauvaises nouvelles que de les rendre inévitables comme font les drôles au pouvoir ou leur innocents collaborateurs ». Ces propos n’ont pas besoins d’être actualisés, ils sont déjà assez clairs. Si le pouvoir reste en place ces malheurs arriveront, pourquoi les nier quand nous pourrions en tirer profits pour éviter que de nouveaux malheurs ne frappent la France ? Pour conclure, le trio argue : « le véritable crime, ce serait de ne pas faire ce calcul, et de ne pas prévoir ces maux, de ne pas prendre des mesures de précautions ».
La morale catholique n’est pas plus une limite au coup de force maintenant qu’elle ne l’était il y a un siècle, en cela qu’elle est universelle et atemporelle. Cependant, il est intéressant d’étudier si un catholique peut, oui ou non, se rebeller contre l’autorité sans aller à l’encontre de Notre Seigneur. Commençons par citer le point n°2243 du Catéchisme de l’Église Catholique :
« 2243 La résistance à l’oppression du pouvoir politique ne recourra pas légitimement aux armes, sauf si se trouvent réunis les conditions suivantes : (1) en cas de violations certaines, graves et prolongées des droits fondamentaux ; (2) après avoir épuisé tous les autres recours ; (3) sans provoquer des désordres pires ; (4) qu’il y ait un espoir fondé de réussite ; (5) s’il est impossible de prévoir raisonnablement des solutions meilleures. »
Actuellement, le point numéro un ne s’oppose absolument pas à un coup de force. Prenons l’exemple des 200 000 enfants tués chaque année et ce depuis 1975 et la Loi Veil. Pensons également à Notre Seigneur qui est bafoué et insulté chaque jour. Nous pourrions, malheureusement, faire une liste d’exemples bien — trop — longue.
Le point numéro 2 est plus sensible. Peut-on vraiment dire que tous les moyens légaux ont été tentés ? Il est difficile de prendre position ouvertement sans tomber dans la pensée politique. Néanmoins, restaurer une monarchie — ou à minima une morale catholique — dans notre pays par les élections est quasiment impossible. Inutile de songer au référendum : la société est tellement avilie que rien de bon ne pourrait en sortir. Quels sont les autres alternatives ? Convertir et ré-informer ? Certainement. Il semble toutefois difficile de faire changer les choses seulement par ces moyens. Car même si nous parvenions à convertir une majorité de Français, les “élites” ne tiennent que trop bien le pouvoir, appuyés en outre par l’ingérence mondiale — UE en tête — nous reviendrons sur ce point par la suite.
« Sans provoquer des désordres pires », ce point ne saurait souffrir d’aucunes contestations, si — et seulement si — les adeptes du coup n’ont pour seule vision que celle de relever le peuple de France qui souffre. Et pour cela, il faudrait appliquer une constitution en accord avec la Doctrine Sociale de l’Église. En clair, tout dépend du but de cette prise de pouvoir : renverser une république tyrannique pour improviser un gouvernement ne sachant quelle direction prendre serait une erreur grotesque, le seul et unique but valable pour un coup de force est le peuple de France. Les auteurs écrivaient à propos des réticents à la monarchie, qu’il nous fallait « servir leurs intérêts en tuteurs généreux ». Ainsi, même nos contradicteurs doivent être pris en considération, et ce de par la nature même du pouvoir : le service. Ainsi, en poursuivant comme seul but le bien commun du peuple de France, en organisant une société souveraine, et en érigeant la morale chrétienne comme absolu, alors, une amélioration est possible.
Aux yeux des auteurs de l’ouvrage que nous étudions, le garant moral est le roi. En effet, si le roi ne peut — et ne doit — participer au renversement, son ombre est présente lors du coup de force, car seul un putsch “moral” peut conduire au rétablissement de la monarchie, et dans notre cas de la morale catholique. Même si l’on peut souhaiter le retour du roi, il faut se rendre à l’évidence que la monarchie ne peut subir l’affront d’un échec lié à un putsch raté. En outre, elle ne peut actuellement se présenter comme une solution salvatrice instantanée. Une solution qui pourrait apparaître comme plus probante serait celle d’un gouvernement transitoire, c’est-à-dire un pouvoir fort et central qui assurerait ses fonctions jusqu’au moment, où, la crise passée il réinstaurerait une monarchie stable dans le temps. Cette théorie se retrouve dans l’histoire, et notamment avec le Franquisme qui a permis à l’Espagne de retrouver un roi. A une époque plus lointaine, la République romaine avait mis en place — pour les périodes de crise — des régimes dictatoriaux au sens antique du terme. Cette théorie de pouvoir de crise et de pouvoir stable se retrouve notamment chez Vincent Reynouard [1]. Et actuellement, cette solution semble la seule envisageable, seul un pouvoir fort et autoritaire pourrait redresser la France avant de la laisser au seul souverain légitime de ce pays : le Roi.
Les points 4 et 5 du cathéchisme de l’Église Catholique ont été abordés, respectivement dans la partie III et la partie II.
La question de la violence mérite que l’on s’y attarde. Les auteurs n’en parlent que peu et, lorsqu’ils le font, c’est à travers l’affirmation de la nécessité du coup. En effet, en 1910, les échauffourées politiques étaient courantes — l’AF étaient alors représentés par les camelots du roi — de même, les policiers étaient plus ou moins habitués à faire feu sur les manifestants lorsque ceux-ci commettaient l’impudence de s’avancer un peu trop près des organes du pouvoir. Évidemment, dans notre cas nous entendons par violence, une violence mesurée, nécessaire et contrôlée. Sans tomber dans la guerre civile, il est difficilement pensable de réaliser un coup sans avoir à utiliser à cette option. Il n’y a pas de réponses toutes faites pour légitimer — ou non — le recours à la violence afin d’acquérir le pouvoir. Cela dit, si la prise du pouvoir entraîne la fin de la culture mortifère que nous connaissons, ce sont des millions d’êtres humains qui peuvent être sauvés. De plus, l’instauration d’une morale catholique n’est-elle pas une forme de charité ? Briser la déchéance du peuple de France pour en faire un peuple prêt à accueillir Notre Seigneur est une mission éminemment belle, mais légitime-t-elle que du sang soit versé ? Sur le plan comptable, la légitimité est assurée, mais la Vie ne se mesure pas avec des chiffres ...
Par ailleurs, de quelle légitimité disposerait un gouvernement instauré par la violence ? Si la république est née dans cette dernière, ce n’est qu’en la maintenant durant une certaine période, qu’elle a su faire perdurer. Nous en revenons toujours au même point : celui d’être suffisamment formé à la morale catholique afin d’être en mesure de juger une situation, non sur le plan politique, mais par la pensée morale. De même, seuls la formation et un idéal fort peuvent permettre à un homme de tenir un engagement jusqu’au bout. La pire situation qui puisse arriver durant le coup, est l’abandon de l’opération par certains membres : si la violence peut se légitimer par l’espoir du succès, il faut être prêt à aller au bout quoi qu’il puisse en coûter. Dans la cas contraire, la violence n’a plus aucune légitimité.
Ce qui rend le coup encore plus difficile à notre époque est lié au le changement de société que nous vivons depuis des années. En effet, du temps des auteurs, les forces en présence étaient clairement identifiées : les patriotes et nationalistes, les républicains purs et durs et les socialo-marxistes. De nombreux paramètres sont venus changer la donne. Si les communistes ont logiquement disparu, d’autres groupes sont apparus. Au rythme où vont les choses, il est peu probable qu’en cas d’émeutes ou de coup de force, les immigrés — et notamment les musulmans — restent dans leurs maisons à regarder s’installer un gouvernement catholique et français. Si les républicains existent toujours, ils ont beaucoup changé : ils sont passés de petits franc-maçons va-t-en-guerre à franc-maçons mondialistes. Ainsi, ils assoient considérablement leur emprise sur la France. Que dirait Berlin Bruxelles en cas de coup de force souverainiste et catholique ? Nous pouvons difficilement penser que les européistes donneraient leur aval bienveillant. C’est peut-être ici une la limite majeure du coup de force. Les relations diplomatiques de l’époque faisaient qu’un pays ne se préoccupait que très peu du gouvernement du voisin. Aujourd’hui, il est fort plausible que la brigade mondiale américano-européenne vienne jouer les troubles fêtes. Mais si tel était le cas, cela pourrait devenir un moyen de rassembler le peuple derrière l’étendard Français, à l’image des guerres post-révolutionnaires.
Maurras et ses compagnons prônaient comme feuille de route de « constituer un état d’esprit royaliste ; et préparer le coup de force pour établir la royauté », tout devait être fait dans ce but. De même aujourd’hui, il nous faut, en tant que catholique français, affirmer nos valeurs et nos idéaux. Mais par là même, il nous faut nous former. Mussolini, lors de sa prise de pouvoir a dû s’appuyer sur les anciennes élites Italiennes, car ses soutiens n’étaient pas assez formés pour devenir les cadres du pays. Ne commettons pas la même erreur. Pour que la France redevienne chrétienne il lui faut une élite qui en soit vraiment une.
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