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Richard Williamson entra dans le salon chauffé de son luxueux appartement de fonction de Chichester, à deux pas de la cathédrale de la Sainte-Trinité, où il venait de célébrer les vêpres avec l’évêque du lieu, Son Excellence John Hind.
Depuis qu’il avait accepté la fonction de vicaire à la cathédrale, il jouissait d’un confortable statut, qui le changeait de sa vie passée. Après avoir été enseignant de français au Ghana dans sa prime jeunesse, il avait été reçu comme professeur associé à Oxford. Là, l’anglicanisme "tradi" de la Haute-Eglise, avec ses dorures, son faste liturgique, sa pompe, son caractère britannique si impérial, le subjugua et ne lui fit aucunement regretter ni le strict presbytérianisme austère de son père, ni la désacralisation totale prônée par la doctrine de la "Science chrétienne" de sa mère.
Anglican, Richard Williamson le fut à la passion. Il fut ordonné pasteur en 1976, et muté dans une paroisse rurale du Devonshire, puis fut nommé professeur de métaphysique au séminaire de l’Eglise d’Angleterre de St Bees.
Aujourd’hui, le révérend Williamson était un clergyman comblé. Il servait dans un des diocèses où l’on célèbrait encore l’antique rite de Sarum, pure merveille de la liturgie médiévale, qui faisait passer les papistes pour de médiocres calvinistes. Il n’aimait certes pas l’Eglise de Rome, et se félicitait que Graham Leonard, l’archevêque anglican "tradi" de Londres, ait fini par renoncer à se convertir au catholicisme, sous ses conseils, lors de la délicate année 1994 [1].
Grâce à une fronde victorieuse menée par Williamson et ses amis, l’anglicanisme était resté dans le giron de la morale puritaine et du traditionalisme liturgique, assorti d’une loyauté sans failles à Sa Majesté, incarnation de l’alliance de l’Etat et de l’Eglise.
Le révérend Williamson était donc de retour chez lui, dans son salon. Déjà, ses neuf enfants âgés de dix-sept à trois ans couraient vers lui pour le saluer (ils l’appellaient "Sir" ou "Reverend", par respect). Son épouse était dans la cuisine, un livre de couture à la main, vêtue d’une modeste robe bleue. En effet, Williamson était connu dans tout le Royaume pour sa fidélité au principe du Deutéronome : « Une femme ne portera point un habit d’homme, et un homme ne mettra point des vêtements de femmes ; car quiconque fait ces choses est en abomination à l’Eternel, ton Dieu ».
Le patriarche familial s’assit dans son fauteuil, et commença la lecture du quatrième volume du Poème de l’Homme-Dieu de Maria Valtorta, condamnée par Rome, mais pas par Canterbury. Il avait remplacé la télévision et Harry Potter par la lecture à haute voix de ces recueils mystiques tous les soirs pour ses enfants. Son épouse et lui avaient pris la décision que toute la famille en écouterait des passages jusqu’au départ des enfants du foyer. L’aîné, David, reçu à Oxford, semblait déjà regretter ces lectures paternelles tardives...
Soudain, Mgr Richard Williamson se réveilla. Il s’était endormi devant son ordinateur, à la page d’accueil du site Commentaire Eleison. Trois nouveaux messages clignotaient dans sa boîte de réception. Le premier, provenant de Mgr Bernard Fellay, était sobrement intitulé "Tu es viré".
Le second, du site Les Intransigeants, demandait : "Monseigneur, nous n’avons plus d’articles de vous sur le complot sionisto-inverti du 11 septembre !!!! Que se passe-t-il ?? Are you Oké ???"
Le troisième venait de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X de Stricte Observance, récemment créé, et le suppliait de se placer à la tête de ses trois prêtres dissidents.
L’évêque soupira. Il prit du thé, et réprima une envie de téléphoner à Canterbury pour demander son retour à l’anglicanisme.
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[1] Date à laquelle le Synode de l’Eglise d’Angleterre proposa d’ordonner les femmes pasteurs.
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