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Nous commémorons aujourd’hui l’anniversaire de la victoire sur « l’Axe » après les six années de « sang et de larmes » que fut la Seconde Guerre mondiale. La suite, nous la connaissons ! Les responsables politiques de tous bords vont se montrer : les députés assisterons à une prise d’armes dans leur circonscriptions respectives et le Président Hollande se rendra sous l’Arc de Triomphe y déposer une gerbe, prononcera quelques mots et hommage sera fait au général de Gaulle.
Par leurs discours, il ne s’agira pas tant de rendre hommage à tous ces Français morts pour la France, mais surtout de nous mettre en garde contre « l’ultra-droite » qui serait en recrudescence depuis les Manifs pour tous et qui rappellerait, selon la formule consacrée, « les heures de les plus sombres de notre histoire » et d’ainsi tirer les leçons du passé. Ces gens-là oublient souvent que ce ne sont pas, hélas pour eux, des députés de l’Action française qui votèrent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, mais bien la même majorité que celle qui forma le Front populaire.
Ainsi, par exemple, le 8 mai 2013, le ministre délégué aux Anciens Combattants, M. Kader Arif, qui jouissait de par sa fonction d’une certaine autorité — nonobstant le fait qu’il soit pour le quidam tout-à-fait inconnu au bataillon — s’exprimait en ces termes : « Ainsi s’achevait une tragédie qui, pour la France, avait commencé cinq ans plus tôt par la défaite de son armée, se poursuivant par une avilissante occupation dont les conséquences sont désormais bien connues de tous : collaboration, humiliation, déportation, extermination… »
Ce discours n’est pas faux, mais son auteur a la vanité de le croire « historiquement correct » parce que les faits qu’il rapporte le sont. Il n’est pas correct car incomplet — même si je conçois que la parfaite exhaustivité soit impossible. En effet, alors que le Gouvernement français signait l’armistice, des jeunes gens s’engageaient dans la Résistance, combattaient et mourraient pour le salut de la France ; et se tenait aussi la première représentation de la pièce Antigone de Jean Anouilh à Paris sous l’Occupation.
Telle est, en substance, l’idée de Sacha Guitry lorsqu’il se demande « quel sentiment peut-on éprouver devant tant de malheur, qu’aucun avantage ne vient immédiatement contrebalancer ? » Il continu ainsi : « Mettre en les mains d’un enfant l’histoire politique de son pays, commencer par là son éducation et ne pas le prévenir tout de suite qu’il y a eu autre chose que des guerres, autre chose que des victoires et des défaites, que des assassinats, des pillages, et des persécutions, oui, ne pas le lui dire tout de suite, c’est un crime. » Et de poursuivre : « Si vous croyez devoir apprendre à vos enfants que les Français furent défaits à Pavie en 1525, faites-le, mais qu’ils sachent aussi qu’en cette même année Rabelais concevait son Pantagruel tandis que s’élevait le château de Chambord. Si vous leur racontez avec tant d’horribles détails le massacre de la Saint-Barthélemy, ne manquez pas de leur apprendre que, quelques mois plus tard, Montaigne a fait paraître un immortel chef-d’œuvre. [1] Si vous ne leur dites pas, vous aurez menti. »
Il est pourtant notoire que depuis notre prime jeunesse, dans l’esprit conformiste et coupable du siècle, on nous apprend l’histoire de France à travers le prisme soixante-huitard de la lutte contre le fascisme et l’extrémisme qui menèrent le monde à cette Seconde Guerre mondiale en oubliant de rappeler que ces idéologies furent les fruits de la dépression financière et économique de 1929, des économies ultralibérales, du chômage de masse, et de beaucoup des fléaux que nous connaissons aujourd’hui. La repentance de la collaboration, comme la colonisation, est un dogme, et ces fonctionnaires cauteleux parviennent à faire oublier à la jeunesse de France sa glorieuse histoire, et ses grandes figures.
Nous en oublions également tous ces héros anonymes qui, par amour de la France, de leur patrie, donnaient leur vie dans les maquis comme leurs aïeux l’avaient fait dans les tranchés de l’an 1914. C’est aussi, et surtout, à tous ces héros que nous nous devons de penser, ne serait-ce que par gratitude, car leur sacrifices furent essentiels à la Libération.
Habitant Strasbourg depuis un peu plus d’un an, j’ai découvert il y a peu l’histoire de la Main Noire grâce à une discrète plaque commémorative accrochée à la croisé de plusieurs rues. La Main Noire est un groupe de très jeunes résistants, fondé par Marcel Weinun, seize ans en octobre 1940 ; les plus jeunes ont une quinzaine d’année, les plus âgés tout juste dix-huit ans. Leurs actions seront de la ré-information, le sabotage, etc. Arrêtés, certains seront envoyés au camp du Struthof, d’autres enrôlés malgré eux, comme beaucoup d’Alsacien, dans la Wehrmacht. Ceslav Sieradzki, un membre du groupe d’origine polonaise fut fusillé au Struthof, selon les archives du camp avec la mention « pour fait de résistance ». Marcel Weinun, quant à lui fut décapité à Stuttgart le 14 avril 1942. Voici un extrait d’une lettre à ses parents de Marcel Weinun en date du 7 mars 1942 : « Ces gens ne savent pas que notre religion est sainte et constitue notre tout. Ils croient en Dieu, mais à quoi sert la foi sans la prière et les œuvres ? Dieu ne leur permettra pas de réussir dans leur folie raciale et leur existence athée. Chère Maman, je garderai toujours la religion. Je réalise maintenant ce qu’elle vaut. C’est pour elle aussi que j’ai combattu. Malheureusement, j’ai perdu. Mais j’ai combattu, c’était indispensable. Je n’ai rien fait de mal. »
Rendons donc hommage en ce 8 mai 2014 à tous ces hommes qui par la beauté de leur engagement, la force de leur foi, et le don total de leur personne, firent la gloire de la Résistance française, l’honneur de la France et par leur seules actions, supplantèrent les bassesses commises par leurs compatriotes. Ainsi, appliquons la leçon de Guitry, lorsque nous apprenons l’histoire, veillons à ce que chaque fait tragique ou honteux soit contrebalancé par des faits remarquables.
Terminons sur un extrait du très beau poème d’Hélie de Saint-Marc à l’adresse de la jeunesse ou il exalte la beauté de l’engagement et du respect de la parole donnée.
« La vie est un combat, le métier d’homme est un rude métier. Ceux qui vivent sont ceux qui se battent, (…) et de toutes les vertus, la plus importante, parce qu’elle est la motrice de toutes les autres et qu’elle est nécessaire à l’exercice des autres, de toutes les vertus, la plus importante me paraît être le courage, les courages, et surtout celui dont on ne parle pas et qui consiste à être fidèle à ses rêves de jeunesse. Et pratiquer ce courage, ces courages, c’est peut-être cela, l’honneur de vivre ! » — Hélie de Saint-Marc.
[1] NDLR : il entame la rédaction de ces Essais en 1572.
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