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Le R&N : Augustin Sabatié, pouvez-vous tout d’abord nous dire deux mots de vous : vos origines, votre parcours, vos attaches en Côte-d’Or ?
Augustin Sabatié : J’ai 24 ans. Je suis actuellement étudiant à Paris en philosophie politique, après un Master-I de droit public. Mon mémoire de fin d’étude porte sur l’excellent Philippe Muray.
Originaire du Poitou par mon père, le Châtillonnais est pour moi une terre d’adoption. Ma famille maternelle y est implantée depuis deux siècles, et compte parmi ses rangs des maitres de forges, des agriculteurs et des conseillers généraux. Quand j’avais six ans, mes parents ont fait le choix de nous ré-enraciner dans une vieille maison familiale située à Voulaines-les-Templiers, pour y vivre à l’année, dans un confort un peu rustique pour commencer. Mais foin du confort pour des petits gus comme mes frères et moi qui avions un grand jardin pour construire nos cabanes ! J’ai été à l’école Saint-Bernard de Châtillon-sur-Seine, où a vécu saint Bernard de Clairvaux. Au terme de ces quelques années à la campagne, nous avons déménagé à Fontainebleau, sans pour autant oublier que nos racines s’étaient établies là-bas. Nous y revenons depuis à chaque vacances.
Le R&N : Vous n’êtes pas à proprement parler un professionnel de la politique et vous abordez pour la première fois l’exercice si particulier des élections : quels sont les ressorts de votre engagement ? les deux ou trois principes intangibles qui guideront l’accomplissement de votre mandat ? votre définition du bien commun ?
A.S. : « Pas un professionnel de la politique », je ne vous le fais pas dire ! J’ai fait mes classes en 2013 dans les rangs de la Manif pour Tous et mouvements associés, comme des centaines d’autres jeunes. Avant cela, j’éprouvais une certaine curiosité pour la politique mais sans être un militant dans l’âme. L’année 2013 fut décisive, un combat de tous les instants pour mes amis et moi (tractages, collages, réunions publiques etc.). Le dédain d’une certaine élite politique et médiatique, ainsi que les jets de gaz lacrymogènes dans la figure, ont eu, il faut le dire, l’effet paradoxal de susciter des vocations. Beaucoup de jeunes aujourd’hui engagés en politique ont connu un semblable expérience. Sans Christiane Taubira rien n’eut été possible !
En 2014 je me suis engagé avec Force Vie aux élections européennes. Le score très faible des suffrages (1,5 %) m’a fichu une sacrée claque ! En fait, c’est la posture exclusivement « pro famille » de Force Vie qui n’a pas su convaincre. À la vérité, comment s’affoler des lois anti-familles sans s’inquiéter du remplacement de peuple ou du Traité transatlantique ? J’ai approfondi cette réflexion à la lumière des lectures de Jean-Claude Michéa et d’Éric Zemmour sur le mondialisme, qui dans sa traduction française de gauche, choisit l’Autre, c’est-à-dire l’immigré ou l’homosexuel comme prolétaire de substitution contre l’ouvrier de souche « mal-votant » ou la famille traditionnelle un peu trop rustique. Le problème c’est que dans cette nouvelle « lutte des classes », tout le monde est perdant. L’ouvrier de souche car il est laissé pour compte. Et l’immigré car il est voué au chômage et au déracinement. Le dessein de ce nouveau camp du Progrès ? Déconstruire. Pulvériser les cellules traditionnelles, la famille, les nations, l’identité etc. Tous les moyens sont bons. Cela passe aussi bien par l’espace Schengen, que par le Traité transatlantique ou par la loi Taubira. L’issue du projet, et ce n’est pas un fantasme, c’est l’avènement d’une société ultra-nominaliste, composée d’individus hors-sols, déracinés, relativistes, festivistes, stimulés par la seule espérance de communier au supermarché mondial et d’afficher leurs stupide prides. C’est le meilleur des mondes tel qu’en rêvent Jacques Attali et United colors of Benetton.
Pour un mondialiste, l’ennemi s’incarne dans les institutions traditionnelles, patiemment bâties de siècle en siècle, freins naturels aux idéologies et à la circulation illimitée des hommes et des marchandises. Je crois que le multiculturalisme, les luttes LGBT… en bref, le credo de Terra Nova, sont l’avant-garde du mondialisme.
Face au parti de Big Other, je choisis la France. Il s’agit rien de moins que de défendre le bien commun, souverain bien d’où participent tous les biens.
Le R&N : Pouvez-vous nous en dire plus de ce « souverain bien » ?
A.S. : Je crois que l’homme ne se suffit pas à lui-même. Il se rassemble en cité, en famille, et ne se réalise pleinement qu’en se faisant l’auxiliaire des fins qui sont naturellement inscrites dans les rapports avec ses semblables. Les lois du souverain dessinent les contours juridiques de ces rapports, en s’assurant que chacun d’eux participent d’une certaine forme de justice. Le bien commun n’est pas l’addition des intérêts individuels mais un tout. Il ne s’agit pas du vivrensemble mais du « bien vivre ensemble », pour coopérer à une harmonie plus grande. Cette harmonie peut se traduire dans la nation, pourvu qu’elle soit nettement définie, par une histoire, une identité et par des frontières. Comme disait Barrès « un individu ne se développe pas tout seul. Il lui faut mille circonstances propices : une famille, un pays bien déterminés, une atmosphère intellectuelle et morale ».
Je me suis donc posé la question : que faire à présent ? « Pour triompher, le mal n’a besoin que de l’inaction des hommes de bien » nous rappelle Edmund Burke. Il faut bien comprendre que Manif à 1 400 000 ou pas, les lois de déconstructions sont votées. Il s’agit donc de passer à l’action politique, c’est à dire d’investir les organes de décisions publics (mairie, conseils généraux et régionaux, Assemblée...) pour voter à la place des déconstructeurs. Et pour ce faire, rejoindre une formation politique crédible. J’ai adhéré au SIEL de Karim Ouchikh, parti constitutif du Rassemblement Bleu Marine. Certains cadres m’ont proposé d’être candidat aux départementales ; j’ai accepté.
Le R&N : Avec une idée de programme en tête tout de même ?
A.S. : Si je suis élu, trois principes guideront mon action départementale :
La défense de la famille fondée sur un homme et une femme : première cellule de transmission des valeurs, de l’identité, de l’altérité, et de protection des plus fragiles. C’est l’avenir de la France qui est en jeu. Rappelons-nous que la patrie est notre grande famille des familles.
Le soutien aux plus fragiles : retraités (en améliorant le versement de l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) et des handicapés (par un soutien renforcé aux maisons départementales des personnes handicapées).
La défense et le développement du territoire du Châtillonnais, de ses PME (par la commande publique) et de son patrimoine (par la promotion du tourisme par exemple).
Ce ne sont que des exemples parmi d’autres des mesures que nous prendrions.
Le R&N : Vous avez signé dans nos colonnes, il y a environ un an, une série d’articles consacrés au lien conjugal. Apparemment, vos engagements en la matière n’ont pas bougé d’un iota...
A.S. : En effet, si l’on veut déconstruire, tout commence par la famille. Plus encore que le mariage, ce sont toutes les permanences anthropologiques qui sont visées. Le gender intégré dans les programmes scolaires par un ministre UMP insinue le brouillage du repère le plus fondamental chez l’enfant : être un garçon ou une fille. Plusieurs candidats FN de Côte-d’Or, dont moi, avons signé la Charte de la Manif pour Tous pour les départementales.
Le R&N : Justement, quelles seront les implications concrètes de cette charte ? Comment les futurs conseillers départementaux devront-ils en rendre compte ?
A.S. : La Charte de LMPT pour les départementales rappelle l’intérêt supérieur de l’enfant d’être élevé par un homme et une femme et la liberté d’éducation des parents. Concrètement, par la signature de cette Charte, les candidats s’engagent à lutter contre toute intervention dans les collèges publics d’associations LGBT habilitées par le département pour promouvoir le gender, à s’assurer que le personnel éducatif soit à l’écoute des parents, et à veiller à ce que les agréments délivrés par le département pour l’adoption prennent en compte le bien fondamental de l’enfant avant tout. En bref, cette charte vise à protéger l’intérêt supérieur de l’enfant contre les caprices d’une quasi-secte de militants sexuels. Cela devrait constituer un mandat impératif !
Le R&N : Vous êtes l’un des deux candidats, en tandem avec Martine Rossi, sur le canton de Châtillon-sur-Seine. Parlez-nous de ce canton : sa morphologie, sa sociologie, ses atouts et faiblesses, les chantiers prioritaires...
A.S. : Il s’agit d’un canton très rural, et faiblement peuplé aux alentours de 21 478 habitants, et 16 651 électeurs. Il nous revient à nous candidats de coller nos affiches la totalité des 107 communes du canton. Tâche fatiguante, mais qui est aussi l’occasion pour nous d’aller à la rencontre des électeurs, dans des patelins parfois très reculés.
Le chef-lieu du canton est la ville de Châtillon-sur-Seine, dont l’histoire est illustre : haut-lieux de la civilisation celte, industrie sidérurgique dès le Xe siècle, fameux commerce de laine dès le XIe siècle, la ville fut également le théâtre des négociations entre les souverains alliés et le Premier Empire avec le Congrès de Châtillon en 1814. L’industrie tient une place centrale dans l’activité économique (emballage métallique, déroulage de hêtre, fabrication de contreplaqué). La forêt de Châtillon ainsi que l’agriculture sont également des moteurs pour l’économie locale.
La défense des PME me semble être un chantier prioritaire pour le département, qui est en charge du développement territorial. En 15 ans j’ai pu observer le centre-ville se vider petit à petit de ses commerces, au profit des grandes surfaces situées en périphérie de la ville, dans l’une de ces gigantesques aires de consommation sans âme. La commande publique orchestrée par le département peut permettre aux PME de survivre voire de relancer leur activité.
Depuis 2009, un immense projet de parc national se développe sur le canton. Ce projet, dont l’ouverture est prévue en 2017, m’apparaît tel qu’il est conçu aujourd’hui comme un projet défectueux. Un GIP des forêts de Champagne et Bourgogne en charge du dossier prévoit un cœur de parc de 90 000 hectares, dont 19 000 de terres agricoles, qui seront remise en herbe c’est à dire rendues inexploitables, autant pour les agriculteurs que pour les chasseurs. Si, certes, le parc national se défend par certain aspects, notamment écologiques et touristiques, le GIP dans son jusqu’auboutisme ne semble pas tenir compte des inquiétudes paysannes. L’avis des conseillers départementaux, représentants du peuple, doit être entendu par le lobby écologiste.
Par ailleurs, il faut savoir que la carte des cantons de la Côte-d’Or a été sévèrement charcutée par la loi de 2013 : notre nouveau canton regroupe 6 anciens cantons. Notre territoire de 190 000 ha (soit 22,7 % du département de la Côte-d’Or) ne comptera désormais que deux élus (au lieu des 6 pour l’ancien mode de scrutin !), ce qui prouve la déconsidération des partis au pouvoir pour les territoires ruraux.
Le R&N : Qu’est-ce que le département, échelon territorial intermédiaire, aux compétences encore discutées par le législateur, peut apporter à un tel territoire ?
A.S. : Le département est un échelon de démocratie local indispensable aux citoyens, par son caractère de proximité. Le premier volet de la loi NOTRe [1], voté le 10 mars dernier, maintient en principe au niveau départemental l’action sanitaire et sociale, la sécurité incendie, l’enseignement, la culture, l’aménagement durable du territoire et le soutien à l’emploi local. En revanche, les transports scolaires et le développement économique sont transférés à la région. L’essentiel est sauf, toutefois je ne vois guère comment la région pourrait organiser des ramassages scolaires locaux à plus de 250 km des centres de décisions. Idem pour le développement économique transféré à la région, qui dès 2016 détiendra le monopole des aides directes aux entreprises sur son territoire, grâce à un nouveau « schéma régional prescriptif de développement économique, d’innovation et d’internationalisation ». Je crains fort que ces deux dernières compétences transférées n’allongent les circuits, et donc les coûts de fonctionnement.
En outre, la compétence relative au développement du réseau de la fibre optique, que le conseil général de Côte-d’Or s’est engagé à développer sur tout son territoire à l’horizon 2025, est mise en suspens par la nouvelle loi.
Je m’inquiète donc fort pour l’avenir des départements français, qui sont petit à petit liquidés par l’UMPS. La loi NOTRe n’est qu’une première étape. André Vallini, secrétaire d’État en charge du dossier, a confié qu’il s’agissait non moins que de « dévitaliser le département ». Je crains que la Côte-d’Or ne soit laissée pour compte dans la nouvelle hyper-régionalisation.
[1] Loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, NDLR.
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