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Désobéissance et entrave à la liberté en Droit Pénal

Les arrestations arbitraires qui se multiplient à Paris plongent l’Etat français dans la plus totale illégalité. Elles rappellent à cet égard les heures les plus sombres de notre histoire [1]. Néanmoins, il convient de rappeler que la France reste un Etat de droit, pourvu d’un arsenal judiciaire censé protéger le citoyen moyen contre les possibles abus de pouvoir.

La désobéissance est aujourd’hui à la mode. Il est nécessaire de rappeler que la désobéissance a, en France, un cadre juridique. Cet article a pour objectif pratique de vous expliquer ce cadre, afin que vous puissiez faire le malin devant vos amis le rappeler au policier ou au CRS qui vous détiendrait illégalement.

Rappelons au préalable que participer à un attroupement [2] ou à une manifestation non déclarée [3] constitue une infraction , de même que le blocage de la circulation publique [4]. En revanche, le port d’un sweat-shirt ou le fait de parler à un délinquant, par exemple, ne constituent nullement une infraction.

L’article 122-4 du Code Pénal dispose que « N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal. ». A contrario, cela signifie que celui qui accomplit un acte manifestement illégal, quoique commandé par l’autorité légitime, est pénalement responsable. Pour la petite histoire, il s’agit de la consécration modérée de la théorie de la baïonnette intelligente.

Une autorité légitime est une autorité publique supérieure à la personne. Par exemple (parfaitement au hasard), le préfet de police est une autorité légitime [5]. De plus, cette autorité, pour être légitime, doit être compétente, c’est-à-dire que la loi doit lui avoir donné le pouvoir de commander ce qu’elle demande. Étant donné que, dans le cas qui nous intéresse, l’autorité n’aura jamais le pouvoir de commander ce qu’elle demande, il suffira ici que l’autorité présente les apparences de la légitimité.

Afin que puisse être engagée la responsabilité de l’individu, il est par ailleurs nécessaire que l’acte qu’il a accompli soit manifestement illégal. La jurisprudence est très discrète sur les critères permettant de déterminer le caractère manifeste de l’illégalité. Ce n’est pas tous les jours que cette théorie trouve à s’appliquer [6]. Deux types de critères sont possibles. Il y a, d’une part, un critère objectif, fondé sur la nature et la gravité de l’infraction commandé. D’autre part, le critère subjectif sera centré sur la personnalité, la position sociale et la culture juridique de l’auteur des faits. La seule jurisprudence récente disponible, relative à l’affaire des Paillotes Corses, remonte à 2004 et utilise de façon indéniable le critère subjectif [7].

Il convient par ailleurs de faire une station aux détentions illégales dont sont victimes de nombreux sympathisants de la Manif Pour Tous. L’article du Code Pénal applicable a déjà fait plusieurs fois le tour des réseaux sociaux, mais instruire, c’est répéter.

Le fait, pour un policier ou un CRS, d’ordonner ou d’accomplir arbitrairement une « un acte attentatoire à la liberté individuelle » est puni de 7 ans de prison et 100 000 € d’amende par l’article 432-4 du Code Pénal.

Le fait, pour un policier ou un CRS « ayant eu connaissance, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, d’une privation de liberté illégale » de ne pas y avoir mis fin ou, le cas échéant, de ne pas avoir prévenu une autorité compétente est puni de 3 ans de prison et 45 000 € d’amende par l’article 432-5 du Code Pénal.

Le fait pour un policier ou un CRS, dans les mêmes conditions que précédemment, « de s’abstenir volontairement soit de procéder aux vérifications nécessaires si elle en a le pouvoir, soit, dans le cas contraire, de transmettre la réclamation à une autorité compétente » est puni de 1 ans de prison et de 15 000 € d’amendes lorsque la privation de liberté illégale a été poursuivie.

L’agent public qui fait face à des détentions arbitraires a donc l’obligation de chercher à y mettre fin par tous les moyens légaux à sa disposition. Nous avons bien entendu conscience des inévitables contraintes morales qui subsistent, mais la loi reste la loi.

Bien entendu, et comme vous le savez, il vous reste fortement conseillé d’appeler un avocat dès que possible, en cas d’arrestations arbitraires, ainsi que de ne fournir que les informations contenues dans votre carte d’identité.

Loriquet

[1Nous remercions (ou pas) à cet égard la Préfecture de Police de Paris de nous permettre le luxe de la traiter de vichyste

[2Article 431-3 et 431-4 du Code Pénal

[3Article 431-9 et 431-10 du Code Pénal

[4Article R. 644-2 du Code Pénal

[5Chambre Criminel de la Cour de Cassation, 13/10/2004 ; BC n°243, AJ Pénal 2004 451 obs. C.S. Enderlin, RSC 2005.66 obs. E. Fortis

[6Au passage, les juristes pénalistes peuvent remercier la Manif Pour Tous et la Préfecture de Police de leur fournir matière à jurisprudence dans ce domaine, et peuvent éventuellement se cotiser pour que ça remonte jusqu’à la CEDH

[7Chambre Criminel de la Cour de Cassation, 13/10/2004, précité

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