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Le cycle colmarien « Thomas More » organisait une nouvelle fois samedi soir dans cette charmante ville d’Alsace, une conférence prononcée par Madame A. D., assistante à la Sorbonne et agrégée d’Histoire. Pour thème ? « Les femmes au Moyen-âge et à la Renaissance ». Voici succinctement le contenu de son propos que j’espère ne pas trop altérer en vous partageant ces quelques notes. L’intention n’est pas tant de faire l’éloge de cette période, mais d’apporter un esprit critique sur la vision étriquée que nous en avons.
D’emblée ce titre évoque pour le quidam une société dont le pouvoir est concentré entre les mains de seigneurs violents et tyranniques et d’une Église surpuissante, et dont le peuple, accablé par l’impôt, vivait sous la terreur, et les femmes opprimées et réduites à l’esclavage domestique… Bref, une société où il ne fait pas bon vivre pour les bien-pensants féminisant que nous sommes.
Le Moyen-âge est donc l’objet d’injustes et persistants préjugés, faute aux « humanistes » qui lui opposent les panthéonesques « Lumières » qui auraient libérés le genre humain de ce que l’on appelle communément l’obscurantisme, entendez par là, chers amis, le joug de la foi catholique. L’expression même de « Moyen-âge » pour désigner la période se situant entre la grandeur de l’Antiquité et la splendeur de la Renaissance, semble témoigner d’un recul dans tous les domaines de la civilisation et nous fait presque l’associer aux autres « âges de fer et de feu ».
De prime abord, cette période s’étend sur près de dix siècles, de la chute de l’Empire romain en 476 à la création de l’imprimerie au XVe siècle, et l’on ne peut donc donner des caractéristiques propres à cette période dont les situations diffèrent tellement selon les lieux et les époques.
En ce qui concerne les femmes, l’historien ne sait que peu de chose, les écrits étant essentiellement masculins, influencés par le regard de ces messieurs sur ces dames. De façon évidente, nous disposons de plus d’informations sur les femmes de la noblesse et sur la vie des nombreuses saintes que connue la France, que sur la condition des femmes du peuple. Nonobstant, les femmes sont un véritable pilier de la société dite « moyenâgeuse ». Ce sont elles, en effet, qui propagent la foi à travers l’éducation de leurs enfants et c’est aussi une femme, sainte Clotilde qui aida à la conversion de son royal époux Clovis. Par ailleurs, les femmes permettent aussi l’ancrage de la religion dans les campagnes de France en fondant par leurs donations, chapelles, oratoires et monastères, devenant ainsi de véritables mécènes. Elles œuvrent pour l’Église et la foi, mais aussi pour la puissance de leur famille.
Certaines dirigent des monastères comme Pétronille de Chemillé [1] qui très jeune, ut abbesse de Fontevraud ou encore Hildegarde de Bingen [2]. Elles tenaient leurs responsabilités, certes de leur naissance, mais aussi et surtout, de leur grande érudition et de leur force de caractère.
Enfin, bien qu’exclue du sacerdoce, la place de la femme dans l’Église est très importante. En témoigne le culte de la Sainte Vierge Marie, « Reine des cieux » qui prend son essor au XIe siècle. Saint Bernard de Clairvaux nous donne une très belle prière mariale qui commence en ces termes : « Marie est la Noble Étoile dont les rayons illuminent le monde entier, dont la splendeur brille dans les cieux et pénètre les enfers, elle illumine le monde et réchauffe les âmes, elle enflamme les vertus et consume les vices ». L’Église érige à cette époque la Mère de Jésus en modèle, bien qu’inatteignable. Aussi, se développe un second modèle, celui de Marie-Madeleine, figure de la pécheresse repentie, à qui est notamment consacrée la fameuse basilique de Vézelay, haut-lieu de la Chrétienté au Moyen-âge, qui sur la route entre Paris et Lyon, faire resurgir la grande Épopée des Croisades [3]. La France voit naître de grandes saintes, allant de Sainte Catherine de Siennes à la courageuse Jeanne d’Arc, toutes élevées en référence pour les croyants.
Le plus classique des préjugés est sans aucun doute, celui selon lequel les femmes furent exclues de la vie politique jusqu’en 1944, date à laquelle le suffrage universel fut étendu à la gente féminine. Croire cela, c’est être imprégné du discours ambiant, féministe et égalitariste, qui utilise la tragique et déplorable ignorance des français aux fins que nous connaissons. Non, les femmes du Moyen-âge ont eu du pouvoir et en ont usé.
Nous ne pouvons que commencer par Christine de Pisan. Elle est une philosophe et poétesse né en Italie qui s’installe en France à son mariage. Veuve, elle vit de ses écrits, traite notamment des femmes et est considérée par certains, comme l’une des plus grands penseurs politiques du XVe siècle. Dans son œuvre « la cité des Dames », elle pousse ces dernières, non pas à « conquérir de nouveaux droits », mais à ouvrir les yeux sur ceux qu’elles possèdent déjà. En effet, à cette époque, contrairement à une idée trop communément répandue, les femmes peuvent hériter et administrer des domaines ; lorsque leurs preux chevaliers d’époux s’en vont guerroyer, elles assurent pleinement la régence des biens et reçoivent même l’hommage des vassaux. Lorsque Saint Louis part en croisade c’est sa mère Blanche de Castille qui assure la régence du Royaume de France. Il en sera de même par exemple pour Louise de Savoie lorsque François Ier sera trois ans durant, prisonnier de Charles Quint. Les femmes du tiers-état ne sont pas en reste et disposent à leur niveau de prérogatives semblables.
Cependant, lorsque le « miracle capétien » prend fin avec la mort sans descendance mâle des fils de Philippe IV le Bel, et la prétention d’Édouard III d’Angleterre au trône de France, la Loi Salique est exhumée et les juristes lui fond fallacieusement exclure les femmes de la couronne. Toutefois, cela permet aux femmes d’accéder presque systématiquement à la régence du Royaume puisqu’elles ne pouvaient pas y prétendre. Il faut savoir que Marie-Thérèse d’Espagne, épouse du grand Louis XIV, assista régulièrement au très restreint Conseil du Roi. De surcroît, les reines de France se doivent d’incarner la majesté royale au féminin, d’être la Mère du peuple et d’user de leur pouvoir d’intercession et d’influence.
In fine, c’est avec la redécouverte du droit romain à la Renaissance que le pouvoir des femmes s’atténue et c’est le Code Napoléon qui, par la consécration du droit du Pater Familias réduit à peu les libertés féminines.
[1] Née vers 1090 et morte en 1149, abbesse de Fontevraud de 1115 à sa mort.
[2] -Sainte et Docteur de l’Église, née en 1098 et morte en 1179, fonde les abbayes de Rupertsberg et d’Eibingen.
[3] -Bernard de Clairvaux y prêche la deuxième croisade et Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion s’y donnent rendez-vous pour la troisième croisade.
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