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L’animal connaît depuis toujours une place particulière dans la société, selon la culture des peuples : à la fois outil de travail ou apport nutritif, voué au culte religieux ou symbole d’un parti politique, qu’il soit sauvage ou domestiqué, l’animal est un compagnon de route pour l’homme.
C’est en écoutant Répliques, sur France Culture – ou en lisant Des animaux et des hommes – émission fidèlement animée par Alain Finkielkraut, que nous comprenons que la cause animale est un combat qu’il faut mener et que l’Immortel défend avec conviction. Celui qui enfant lisait Les contes du chat perché et adulte affirme son amour pour les vaches [1] reçoit dans son émission différentes personnalités : des auteurs comme Jean-Christophe Bailly ou Benoît Duteurtre, des philosophes comme Elisabeth de Fontenay ou Jacques Dewitte, ainsi que des agriculteurs, des éleveurs et des chasseurs.
Quelques sujets cueillis...
Tous viennent s’exprimer au micro et donner leur avis sur des sujets variés, pouvant parfois révéler quelques animosités entre les intervenants – nous les ressentons même à la lecture du livre – mais intervenants qui – heureusement – savent dialoguer entre eux et ne rendent pas inaudibles – voire illisibles ! – les discours de chacun.
Prenons le sujet de la corrida. Au micro pour en parler, un aficionado et une philosophe. Pour le premier, la corrida évoque une « esthétisation de la violence [2] » où le jeu de séduction et de menace entre l’homme et la bête contribue à la beauté du spectacle et vient rendre hommage à une école de tradition. Portrait élogieux ! Cependant, pour la philosophe Elisabeth de Fontenay, la corrida n’est rien d’autre qu’un déclencheur d’angoisse chez le taureau, car celui-ci est contraint d’entrer dans l’arène, alors
qu’il ne veut pas combattre. C’est pourquoi, il préfère s’abaisser devant le torero. Ce sont du moins les propos tenus par des vétérinaires qui s’accordent sur ce point et que nous rapporte l’intellectuelle.
Autre sujet sensible, autre chapitre, celui de la zootechnie. Cette pratique consiste à gérer l’élevage et la gestation des animaux, en fonction de besoins réglementés. Elisabeth de Fontenay en parle en reprenant la thèse de Jonathan Safran Foer [3] qui dénonce simplement une « monstration de la barbarie ». Réponse à ce problème apportée par la philosophe : il faut réduire la consommation de viande grâce à une intervention politique. Oui, absolument. Après tout, des normes européennes existent, pourquoi ne peuvent-elles pas agir en faveur de la truie qui est condamnée à mettre bas ? Il serait intéressant de voir si nos philosophes se prononceraient dans le même sens pour une éventuelle légalisation de la Gestation Pour Autrui...
La subtilité de la langue française...
Au fil de la lecture, certains mots employés dévoilent un caractère ambigu. Prenons le verbe "produire". L’auteur Isabelle Sorente s’interroge au chapitre 6 sur sa signification. Est-ce qu’il évoque une naissance – avec les animaux qui mettent bas – ou est-il synonyme de mort – avec les animaux qui seront tués pour produire de la viande ? Interrogation similaire avec le terme "outil" qui signifie "abattoir". Outil de travail ou de mise à mort ? Alain Finkielkraut explique que « c’est toujours ce vocabulaire qui dissimule la réalité de la mort [4] ».
Au chapitre 2, "Culture humaine et cause animale", la philosophe Elisabeth de Fontenay compare l’animal d’élevage aux juifs dans les camps de concentration. Et selon elle, « tous les grands auteurs juifs d’après 45 ont écrit de façon saisissante sur la condition animale. » Ces écrivains seraient, à priori, les plus aptes à comprendre la souffrance de l’animal, notamment en raison de ce que le régime nazi a infligé aux juifs. On peut se demander si les éleveurs qui conduisent les bêtes à l’abattoir apprécient cette comparaison au régime nazi, et si les juifs aujourd’hui tolèrent le sous-entendu que leur peuple s’est laissé conduire à la mort comme un des moutons à l’abattoir.
D’autres sujets sont abordés, mais il est préférable de laisser nos lecteurs les découvrir en les invitant à lire cet ouvrage collectif consacré à la condition animale en plein essor de la production industrielle. Car même si l’on ne partage pas le point de vue des auteurs, ce sont tous des personnalités de renom qui sont interrogées par Alain Finkielkraut, et chaque chapitre permet d’alimenter notre réflexion philosophique sur les relations entre l’homme, l’animal et la nature.
Par ailleurs, nous voyons depuis quelques années que la cause animale s’impose dans le débat politique et « Des animaux et des hommes » semble arriver à point nommé. Cette lecture permet aussi de réfléchir à notre manière de nous alimenter : il y a encore une cinquantaine d’années, l’on mangeait peu de viande, mais l’on mangeait une bonne viande, qui donnait les apports nutritifs nécessaires. Aujourd’hui, la viande est moins bonne et nous en mangeons avec excès. Alors sans donner raison aux végétariens, vegans et autres idéologues alimentaires, peut-être devrions nous repenser notre alimentation.
[1] Une fois Académicien, Alain Finkielkraut fait graver un bovin sur l’épée qui accompagne son Habit vert.
[2] Op. cit., p. 30.
[3] Auteur américain du plaidoyer végétarien romancé Faut-il manger les animaux ?
[4] Op. cit., p. 170.
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