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Avortement, santé et droits des femmes

La légalisation de l’avortement a grandement amélioré, du fait de sa médicalisation, la santé des femmes. Pour les défenseurs de l’avortement qui brandissent cintres et épingles à tricoter, symboles des avortements clandestins, la cause est entendue.

Que se passe-t-il si l’on interdit l’avortement dans un pays ?

Certains pays ont interdit l’avortement, d’autres l’ont dépénalisé. Quelles en sont les conséquences en termes de santé publique ?

Prenons l’exemple bien connu du Chili qui a mis en place en 1965 une politique d’éducation à l’hygiène puis a interdit l’avortement en 1989.

L’étude des données montre que cette interdiction permit de diminuer la mortalité maternelle [1]. L’étude montre en effet que l’éducation et l’hygiène sont les principales causes de l’amélioration de la santé des femmes - et que l’autorisation de l’avortement n’y a pas contribué - mais que l’avortement, même pratiqué légalement était lié à une forte part de la mortalité maternelle.

Cette observation se confirme aussi au Mexique où d’un État à l’autre la législation diffère. L’étude « Koch et al. 2015 » [2] démontre que dans les États ou l’avortement est réduit, non seulement la mortalité maternelle est plus faible, mais que la mortalité due aux avortements - legaux ou clandestins - y est réduite.

L’on pourrait objecter que nous avons affaire ici à un pays en développement et que les résultats d’un pays développé ne présenteraient pas les mêmes conclusions. Comparons donc le cas de l’Irlande et du Royaume-Uni :

L’avortement étant légal au Royaume-Uni mais pas en République d’Irlande, la comparaison est assez simple. On observe que la mortalité maternelle en Angleterre et au Pays de Galles est deux fois plus élevée que celle de l’Irlande et que l’écart se creuse encore plus avec Ecosse. On observe donc que l’interdiction de l’avortement n’est pas cause d’une plus grande mortalité, mais que l’on peut même observer le contraire [3].

L’on peut aussi d’évoquer d’autres exemples, comme le Salvador ou bien le Nicaragua, pays où l’avortement est illégal et où la mortalité maternelle y a baissé de 44% depuis 1990 [4], alors qu’en Afrique du Sud où l’avortement a été libéralisé en 1997, le taux de mortalité maternelle a presque doublé (+94% sur la période 1990-2008) [5].

D’autres paramètres que la mortalité pourraient être pris en compte, comme par exemple la Pologne qui, ayant limité l’avortement en 1993, a vu son indice de bien-être maternel augmenter depuis [6].

On le voit donc, l’affirmation que l’interdiction de l’avortement mettrait la santé des femmes en grand danger n’est pas confirmée par ces études.

Impact de l’avortement sur la santé physique

L’avortement augmente le risque de cancer, notamment le cancer du sein. Le débat scientifique ne porte plus désormais sur l’existence d’une augmentation du risque de cancer, mais sur le % exact d’augmentation du risque. L’étude « Bhadoria et al. 2013 » [7] indique que le risque serait 6 fois plus grand tandis que « Jabeen et al. 2013 » [8] évalue que ce risque serait 20 fois plus grand. Une liste de toutes les publications à ce sujet peut être trouvée sur cette page.

D’autres cancers sont également favorisés par un avortement, et, en règle générale, l’espérance de vie diminue suite à un avortement [9]. On observe aussi, lors des des grossesses suivantes, un risque plus élevé de pré-éclampsie [10].

Dans les effets non mortels, plus d’une centaine d’études ont mis en évidence des risques gynécologiques allant de la stérilité à des complications occasionnant des troubles lors des grossesses suivantes [11] ainsi que des risques de complications lors de l’accouchement (telles que induction du travail, césarienne, ou rétention du placenta) [12].

Impact de l’avortement sur la santé mentale

En 2008, une revue avait complètement nié les problèmes de santé mentale liés à l’avortement [13] ; cependant, plusieurs autres articles académiques publiés la même année mettaient en évidence le syndrome post-avortement.

Ce tableau issu de l’étude « Coleman et al. 2009 » [14] met en évidence la fréquence plus élevée de toute une série de pathologies chez les femmes ayant subi un avortement. Une autre étude, « Dingle et al. 2008 » [15], confirme certains points tout en en détaillant d’autres.

L’on pourrait objecter que comparer les femmes ayant avorté avec celles ne l’ayant pas fait n’est pas forcément la meilleure façon de procéder et que les femmes qui se retrouveraient obligées d’élever un enfant auraient une prévalence encore plus forte.

Ces données issues de l’étude « Fergusson, Horwood, and Boden 2008 » [16] vont jusqu’à présenter la différence entre une femme qui avorte et une autre qui garde l’enfant non voulu. Si la différence n’est pas significative en ce qui concerne les dépressions, ce n’est pas le cas d’autres paramètres. Les auteurs se veulent prudents dans l’analyse des résultats, les qualifiant de moyens, ni en faveur ni contre l’avortement. Mais la vraie question devrait être ici : à quoi bon tuer l’enfant si cela n’apporte rien de significatif pour la santé de la mère ?

Impact de l’avortement sur la santé des éventuels enfants suivants

Un ou plusieurs avortements favorisent le risque de prématurité des enfants suivants [17].

Ce risque de prématurité n’est pas anodin pour l’enfant car le risque de troubles neurologiques est alors plus élevé et son pronostic vital plus faible. De nombreuses recherches ont montré que l’avortement favorisait l’infirmité motrice cérébrale qui peut occasionner un handicap à long terme [18]. Un autre risque durant la vie utérine des enfants suivants est l’infection intraamniotique dont la prévalence est multipliée par quatre [19].

L’autisme fait aussi des pathologies plus fréquentes chez les suivants suivant un avortement (Burd et al. 2005 ; Lyall et al. 2012 ; Wilkerson et al. 2002 [20]). Le lien entre avortement et autisme, s’il n’est pour le moment pas expliqué, est significatif.

Pour finir, un enfant né d’une mère ayant avorté par le passé aura 58 % de risque supplémentaire d’avoir une malformation cardiaque congénitale [21].

Conclusion

Les études cités montrent soit que le risque d’apparition de diverses pathologies n’est pas réduit par l’avortement, soit que, le plus souvent, la prévalence de ces pathologies ou de ces risques de complications ou de développement d’autres maladies, soit pour la femme, soit pour ses enfants suivants, est significativement plus élevée chez celles ayant subi un avortement.

On le voit, le droit à l’avortement ne peut donc être justifié par des arguments sanitaires au titre d’un droit à la santé. Ne reste donc que l’idéologie...

Benjamin Leduc

[1Koch, Elard, John Thorp, Miguel Bravo, et al.
2012 Women’s Education Level, Maternal Health Facilities, Abortion Legislation and Maternal Deaths : A Natural Experiment in Chile from 1957 to 2007. PLoS One 7(5) : e36613.

[2Koch, Elard, Monique Chireau, Fernando Pliego, et al. 2015 Abortion Legislation, Maternal Healthcare, Fertility, Female Literacy, Sanitation, Violence against Women and Maternal Deaths : A Natural Experiment in 32 Mexican States. BMJ Open 5(2) : e006013.

[3Calhoun, Byron C., John M. Thorp, and Patrick S. Carroll 2013 Maternal and Neonatal Health and Abortion : 40-Year Trends in Great Britain and Ireland. J Am Phys Surg 18 : 42–6.

[4OMS Trends in Maternal Mortality

[5MCCL GO 2011 How South Africa is failing women and children, disponible ici

[6Lire ceci pour références

[7Bhadoria, A. S., U. Kapil, N. Sareen, and P. Singh 2013 Reproductive Factors and Breast Cancer : A Case-Control Study in Tertiary Care Hospital of North India. Indian Journal of Cancer 50(4) : 316–321.

[8Jabeen, Suraiya, Musarrat Haque, Md Johirul Islam, et al. 2013 Breast Cancer and Some Epidemiological Factors : A Hospital Based Study. Journal of Dhaka Medical College 22..

[9Reardon, David C., and Priscilla K. Coleman 2012 Short and Long Term Mortality Rates Associated with First Pregnancy Outcome : Population Register Based Study for Denmark 1980-2004. Medical Science Monitor : International Medical Journal of Experimental and Clinical Research 18(9) : PH71–PH76.

[10Yang, Jae Jeong, Sang-Ah Lee, Ji-Yeob Choi, et al. 2015 Subsequent Risk of Metabolic Syndrome in Women With a History of Preeclampsia : Data From the Health Examinees Study. Journal of Epidemiology 25(4) : 281–288.

[11Pour une vue d’ensemble, lire « Shah and Zao 2009 » : Shah, P. S., and J. Zao 2009 Induced Termination of Pregnancy and Low Birthweight and Preterm Birth : A Systematic Review and Meta-Analyses. BJOG : An International Journal of Obstetrics and Gynaecology 116(11) : 1425–1442.

[12Hiersch, Liran, Eran Ashwal, Amir Aviram, et al. 2015 The Association between Previous Single First Trimester Abortion and Pregnancy Outcome in Nulliparous Women. The Journal of Maternal-Fetal & Neonatal Medicine 0(0) : 1–5.

[13Tanne, Janice Hopkins 2008 Abortion Does Not Cause Mental Health Problems, Says Large Review. BMJ 337 : a2902.

[14Coleman, Priscilla K., Catherine T. Coyle, Martha Shuping, and Vincent M. Rue 2009 Induced Abortion and Anxiety, Mood, and Substance Abuse Disorders : Isolating the Effects of Abortion in the National Comorbidity Survey. Journal of Psychiatric Research 43(8) : 770–776.

[15Dingle, Kaeleen, Rosa Alati, Alexandra Clavarino, Jake M. Najman, and Gail M. Williams 2008 Pregnancy Loss and Psychiatric Disorders in Young Women : An Australian Birth Cohort Study. The British Journal of Psychiatry 193(6) : 455–460.

[16Fergusson, David M., L. John Horwood, and Joseph M. Boden 2008 Abortion and Mental Health Disorders : Evidence from a 30-Year Longitudinal Study. The British Journal of Psychiatry 193(6) : 444–451.

[17Swingle, Hanes M., Tarah T. Colaizy, M. Bridget Zimmerman, and F. H. Morriss 2009 Abortion and the Risk of Subsequent Preterm Birth. J Reprod Med 54 : 95–108.
Lemmers, M., M. A. C. Verschoor, A. B. Hooker, et al. 2015 Dilatation and Curettage Increases the Risk of Subsequent Preterm Birth : A Systematic Review and Meta-Analysis. Human Reproduction : dev274.
Shah, P. S. & Zao, J. Induced termination of pregnancy and low birthweight and preterm birth : a systematic review and meta-analyses. BJOG 116, 1425–1442 (2009).

[18Lumley, Judith 1998 The Association between Prior Spontaneous Abortion, Prior Induced Abortion and Preterm Birth in First Singleton Births. Prenat Neonat Med 3 : 21–24.
Lumley, Judith 1993 The Epidemiology of Preterm Birth. Baillière’s Clinical Obstetrics and Gynaecology 7(3) : 477–498.
Levin, Ann Aschengrau, Stephen C. Schoenbaum, Richard R. Monson, Phillip G. Stubblefield, and Kenneth J. Ryan 1980 Association of Induced Abortion with Subsequent Pregnancy Loss. JAMA 243(24) : 2495–2499.
Moreau, Caroline, Monique Kaminski, Pierre Yves Ancel, et al. 2005 Previous Induced Abortions and the Risk of Very Preterm Delivery : Results of the EPIPAGE Study. BJOG : An International Journal of Obstetrics & Gynaecology 112(4) : 430–437.
Stang, P., A. O. Hammond, and P. Bauman 2005 Induced Abortion Increases the Risk of Very Preterm Delivery ; Results from a Large Perinatal Database. Fertility Sterility : S159.
Smith, Gordon CS, Imran Shah, Ian R. White, et al. 2006 Maternal and Biochemical Predictors of Spontaneous Preterm Birth among Nulliparous Women : A Systematic Analysis in Relation to the Degree of Prematurity. International Journal of Epidemiology 35(5) : 1169–1177.
Klemetti, R., M. Gissler, M. Niinimäki, and E. Hemminki 2012 Birth Outcomes after Induced Abortion : A Nationwide Register-Based Study of First Births in Finland. Human Reproduction 27(11) : 3315–3320.
Bhattacharya, Siladitya, Alison Lowit, Sohinee Bhattacharya, et al. 2012 Reproductive Outcomes Following Induced Abortion : A National Register-Based Cohort Study in Scotland. BMJ Open 2(4) : e000911.
Scholten, Brenda L., Godelieve CML Page-Christiaens, Arie Franx, Chantal WPM Hukkelhoven, and Maria PH Koster 2013 The Influence of Pregnancy Termination on the Outcome of Subsequent Pregnancies : A Retrospective Cohort Study. BMJ Open 3(5) : e002803.
Raisanen, Sari, Mika Gissler, Juho Saari, Michael Kramer, and Seppo Heinonen 2013 Contribution of Risk Factors to Extremely, Very and Moderately Preterm Births-Register-Based Analysis of 1,390,742 Singleton Births. PLoS One 8(4) : e60660.
Hardy, Ghislain, Alice Benjamin, and Haim A. Abenhaim 2013 Effect of Induced Abortions on Early Preterm Births and Adverse Perinatal Outcomes. J Obstet Gynaecol Can 35(2) : 138–143.

[19Krohn, M. A., Germain, M., Mühlemann, K. & Hickok, D. Prior pregnancy outcome and the risk of intraamniotic infection in the following pregnancy. Am. J. Obstet. Gynecol. 178, 381–385 (1998).

[20Burd, Larry, Robin Severud, Jacob Kerbeshian, and Marilyn G. Klug 2005 Prenatal and Perinatal Risk Factors for Autism. Journal of Perinatal Medicine 27(6) : 441–450.
Lyall, Kristen, David L. Pauls, Donna Spiegelman, Alberto Ascherio, and Susan L. Santangelo 2012 Pregnancy Complications and Obstetric Suboptimality in Association with Autism Spectrum Disorders in Children of the Nurses’ Health Study II. Autism Research 5(1) : 21–30.
Wilkerson, Diana Sue, Alessandra G. Volpe, Raymond S. Dean, and Jeffrey B. Titus 2002 Perinatal Complications as Predictors of Infantile Autism. International Journal of Neuroscience 112(9) : 1085–1098.

[21Feng, Yu, Song Wang, Liyan Zhao, et al. 2014 Maternal Reproductive History and the Risk of Congenital Heart Defects in Offspring : A Systematic Review and Meta-Analysis. Pediatric Cardiology 36(2) : 253–263.

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