L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.
« Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part, à sa place. »
Evangile de J.-C. selon st Jean, ch. 20, v.4 et sq
« Ad majorem Dei gloriam »…
Le dimanche 4 octobre 2015, en la saint François d’Assise, la cathédrale de Cahors accueillait la foule des fidèles venus prier avec son nouvel évêque, Monseigneur Laurent Camiade [1], consacré en ce grand jour de liesse après neuf mois de vacances du siège épiscopal, Monseigneur Norbert Turini son précédent pasteur ayant été nommé à Perpignan & Elne, en terre wisigothe.
Le cérémonial de l’ordination annonçait en ces termes l’orientation profonde à valeur prophétique, que le nouvel évêque désirait magnifier pour son onction :
« La Sainte Coiffe de Cahors… l’un des linges mortuaires de Jésus. …. est une relique très vénérée et très vénérable qui nous rappelle que Jésus-Christ est mort par amour pour nous et que sa mort n’était pas une feinte. Ayant recouvert la tête de Jésus-Christ, elle peut rappeler l’Esprit Saint qui reposait sur lui (Luc 4,18, cf. Isaïe 61,1), ce qui se transmet dans le ministère apostolique par le geste de l’imposition des mains et l’onction de Saint-Chrême sur la tête du nouvel évêque. La Sainte Coiffe était traditionnellement vénérée à Cahors de façon solennelle au temps de Pentecôte, où l’évêque la montrait à découvert aux fidèles depuis la chaire. Elle sera disposée au pied de l’autel de la cathédrale pour l’ordination. Elle sera ainsi exposée à la vénération des fidèles en ce jour où le Diocèse doit spécialement prier Dieu d’envoyer l’Esprit qui reposait sur Jésus dans l’âme du serviteur que le Père a choisi pour Le faire aimer dans ce diocèse. En particulier, au moment de la prostration, notre évêque sera allongé devant la sainte Coiffe du Christ, symbole très parlant pour s’orienter vers le Père en qui l’ordinand s’abandonne et qui va lui envoyer l’Esprit du Christ Ressuscité » (Message épiscopal, septembre 2015).
Une telle relique s’inscrit dans un ensemble de témoignages physiques et matériels attachés à la vénération du Christ, singulièrement en Sa Passion. Des convergences dévotionnelles portent un accent eschatologique sur diverses ostensions particulièrement signifiantes en notre temps si versé dans l’incrédulité. Les vêtements du Christ, dont parle avec une insistance prouvant déjà que ces linges ont été estimés majeurs dans leur rôle iconique l’évangéliste Jean (Jn, 19, 20), ont été de ce fait pieusement et très logiquement préservés dès la Crucifixion puis la Résurrection du Seigneur, et préservés par les disciples dès les premières heures.
La sainte Tunique d’Argenteuil [2]
Du vendredi saint, également fête de l’Annonciation [3], 25 mars 2016, au 10 avril suivant, en la fête de la Miséricorde du Christ, la sainte Tunique d’Argenteuil est proposée en ostension solennelle, comme deux fois par siècle seulement [4], à la vénération des fidèles de la basilique Saint-Denys de cette cité qui reçoit, depuis douze cents ans, l’insigne privilège d’abriter cet ultime vêtement du Christ avant sa mort, hormis le perizonium, linge d’intimité lui ceignant les reins [5]. Il ne s’agit point du manteau écarlate dont Hérode, par dérision en parodie de regalia que complèteront la couronne d’épines et le sceptre en roseau (Lc, 19), fit revêtir Jésus par-dessus sa tunique de jour, présenté par Pilate lors des prémices de son procès romain, parodie royale qu’Il portait sans doute encore au moment de la présentation de l’Ecce Homo (Jn, 19, 5), mais bien de sa chemise de corps, ultime protection concédée par ses bourreaux après que « Notre Seigneur fut despouillé de la pourpre et vestu de ses propres robes » [6], et jouée aux dés par les bourreaux après la mise en croix. Tissé très vraisemblablement en laine aux fils torsadés très finement, par les mains incomparables de la Vierge Marie, selon la tradition maternelle judaïque, peut-être aidée de quelques saintes Femmes, et conçu inconsutile, c’est à dire sans couture, à partir du haut, ce vêtement est en soi un tour de force supposant une technique sur métier très élaborée.
Sorte de blouse droite de teinte brune, au schéma de la plus pure simplicité qui devait arriver à mi-mollet sur la haute stature du Seigneur dont on sait par le saint linceul qu’Il mesurait entre 1m80 et 1m90 (haute stature pour son ethnie), imprégnée du sang versé dans les supplices précédant celui de la Croix, essentiellement la Flagellation, vénérée secrètement dès les premiers chrétiens, la Tunique fut offerte par l’impératrice Irène de Constantinople à Charlemagne au début du IXe siècle. Ce présent d’une si inestimable valeur, fut vers l’an 800, un cadeau en prémices d’un projet d’épousailles imaginé par le Pape Léon III entre l’impératrice de Byzance et l’empereur d’Aix-la-Chapelle, alors veuf, afin d’unir ainsi les empires d’Orient et d’Occident : projet magnifique, anéanti par la mort d’Irène en 803.
L’impérial bénéficiaire confia la Tunique au monastère d’Argenteuil dont sa fille Théodrade était alors jeune prieure du couvent de la sainte Humilité de l’Incarnation. Continûment préservée dans cette ville, la précieuse relique se vit cependant, pour la dissimuler aux exactions, découpée en morceaux dans l’urgence à la Révolution par un prêtre du lieu ne pouvant la préserver en son entièreté. Désormais, reconstituée depuis le XIXe s. avec la plus grande partie de ses éléments (certains demeurent toujours absents), d’une couleur assombrie et fragmentée, elle repose enroulée dans un puissant reliquaire [7], présentant tel le Ressuscité Lui-même, les stigmates des turbulences traumatisantes de son histoire.
© Site de la basilique d’Argenteuil. La Tunique avant sa restauration de 2015.
Il faut noter parmi les linges vénérés pour avoir adhéré au Corps même du Christ, la première mention de l’existence d’une image physique du Messie miraculeusement « imprimée » de son vivant terrestre, avérée au VIèmes., dans l’antique ville d’Édesse (auj. Urfa ou Şanlıurfa) : le Mandylion ou Image d’Édesse, littéralement « révélé », dans le sens quasi photographique – écrit avec la lumière - du terme, suite au miracle de la guérison par Jésus du roi lépreux Agbar V, toparque d’Edesse [8]. Ce trait pour trait, ressemblance recherchée donnant le principe du portrait, consiste en une pièce de tissu rectangulaire sur laquelle l’image du Christ (ou Sainte Face mais sans couronne d’épines) s’est imprégnée. Pour l’Église orthodoxe, il s’agit de la première icône (mot grec pour image), parangon du principe même d’une telle représentation vivante de la Personne vénérée. Cette figuration révérée fut transportée à Constantinople au Xes. Le tissu disparaît de la capitale byzantine au cours de la IVe Croisade (Sac de Constantinople) en 1204, puis réapparaît parmi les reliques conservées par saint Louis à la Sainte Chapelle de Paris. L’on en perd la trace définitivement lors de la Révolution française.
Ainsi, un certain nombre d’images réputées acheiropoïètes (du grec αχειροποίητα, littéralement non fait de main d’homme), transmettent l’apparence physique de Jésus par des impressions de Son visage ou de Son corps sur un morceau de tissu [9].
Par ailleurs, les outils de la science contemporaine, par-delà celle des supports — tissus, pollens, investigations atomiques, physiologiques, etc. — permettent d’aller plus loin encore par l’analyse des taches de sang, approchant ainsi du mystère intime de la corporéité et de la physiologie même du Sauveur.
Témoignant de ces linges, portant image ou non du Sauveur, il faut rapprocher, pour le moins dans l’ordre de la vénération et pour l’illustration dévotionnelle du Haut Quercy, de la sainte Coiffe de Cahors, le saint Bandeau du Christ, linge imposé sur Ses yeux [10] lorsqu’Il fut souffleté pendant sa comparution devant Caïphe selon une interprétation des Évangiles, puis lors des outrages de la Dérision imposés par Pilate. Sa destinée parait étroitement jointe à celle du Saint-Suaire. Cette relique se retrouve selon différentes traditions « invraisemblables » dans la cathédrale de Clermont-Ferrand (IIIe s.), puis à l’abbaye Saint-Pierre de Marcillac dans le Lot actuel (IXe s., d’une donation de Charlemagne ou de Namphase, saint quercynois [11]), puis peut-être avant 1468 ou en 1569 lors du sac de l’abbaye par les protestants, en l’église de Saint-Julien de Lunegarde, non loin de Marcilhac et qui attirait de nombreux pèlerins avant la Révolution. Le reliquaire du saint Bandeau (XIIIe s.) est aujourd’hui conservé au musée d’art sacré de Rocamadour.
La tradition [12] veut également que l’église de Lunegarde possédât un fragment de la vraie Croix.
(de vera icona en latin : vraie image ou Bérénice, du grec berenike : porteuse de victoire en grec)
Selon la tradition que ne confirment point les Evangiles, le voile de Véronique a été utilisé pour essuyer la sueur du front de Jésus quand Il portait la croix tout le long de la Via dolorosa. Sous le règne du pape Paul V, six copies furent faites en 1617. La première, très vénérée au Moyen Âge, est toujours conservée dans la basilique Saint-Pierre de Rome. Très estompée, elle a fait l’objet de peu d’études modernes et l’on manque de photos détaillées. En 1907, l’historien d’art jésuite Joseph Wilpert a été autorisé à inspecter l’image [14]. Elle serait le modèle des représentations ultérieures de la Sainte Face.
Redécouvert en 1999 par le père Heinrich Pfeiffer dans l’église du couvent des Capucins, c’est une image de Jésus-Christ imprimée sur un byssus (très précieuse soie de mer), voile de 17,5 x 24 cm, à l’origine plus grand. Cette relique de provenance inconnue, peut-être une copie du voile de Véronique, est arrivée à Manoppello (Pescara) dans les Abruzzes en 1506 (ou 1660 ?), apportée par un pèlerin anonyme disparu sans laisser de traces (miraculeuse ?) aussitôt après la livraison au père Giacomo Antonio Leonelli. Le Pape Benoît XVI a rendu visite au sanctuaire le 1er septembre 2006.
[15]
L’icône « écrite avec le Sang du Seigneur » dans le Linceul de Turin.
Au printemps 2015, le saint Linceul [16] ou Sindôn des Synoptiques a été de nouveau présenté dans la chapelle Guarini de Turin à la vénération des fidèles en ostension extraordinaire, confirmée par la visite du Saint-Père François lui-même tandis qu’il décidait d’un Jubilé universel de la Miséricorde. En 2010 Benoît XVI avait prié devant lui en ces termes : « Que nous dit le Saint-Suaire ? Il parle avec le sang, et le sang est la vie ! Le Saint-Suaire est une Icône écrite avec le sang, le sang d’un homme flagellé, couronné d’épines, crucifié et transpercé au côté droit. L’image imprimée … est celle d’un mort, mais le sang parle de sa vie. Chaque trace de sang parle d’amour et de vie. En particulier cette tâche abondante à proximité du flanc, faite de sang et d’eau ayant coulé avec abondance par une large blessure procurée par un coup de lance romaine, ce sang et cette eau parlent de vie. C’est comme une source qui murmure dans le silence, et nous, nous pouvons l’entendre, nous pouvons l’écouter, dans le silence du Samedi Saint. »
© Site officiel de Turin. Le Linceul de Turin, photographié par Giuseppe Enrie en 1931.
D’autres linges complétaient rituellement l’enveloppement funèbre, comme celui qui précédait le bonnet. Celui dont fut enveloppée la tête suppliciée du Seigneur, à même le visage compris, est conservé à la sacristie de la cathédrale d’Oviedo dans une Arca santa. Cette bande de toile en lin fin est avec la sainte Coiffe de Cahors, la plus ajustée pour être désignée comme suaire. Selon la tradition, tout d’abord conservé à Jérusalem, le soudarion aurait quitté cette ville en 614 lors de l’invasion de la Palestine par les Perses. Il serait ensuite arrivé en Espagne après un périple par l’Afrique du Nord et aurait atteint Oviedo en devançant l’avancée des musulmans. Il est exposé trois fois dans l’année : le vendredi saint, le 14 septembre pour la Fête de la Sainte Croix, et une semaine plus tard, pour l’octave, le 21 septembre.
Diverses autres reliques attribuées à Jésus existent dans le monde [17]
Elles sont souvent objets d’affluences anciennes pour des pèlerinages, à l’origine situées entre légende (litt. : ce qui doit être lu pour fixer une dévotion et une médiation) et véracité historique.
Tout d’abord, le Roseau de la Dérision, qui intéresse plus particulièrement encore une fois le Lot. Il fut divisé en quatre parties, réparties, selon différentes traditions, dans l’église Saint-Julien de Lunegarde [18], mais aussi à Florence, au couvent d’Andechs en Bavière et au couvent de Watoped du Mont Athos [19].
La Sainte Coiffe [20], est en effet une relique infiniment précieuse et pour autant trop méconnue [21].
La tradition attribue à Marie la vénérable réalisation de la Coiffe, comme celle de la Tunique.
Actuellement tenue au secret dans la chapelle Saint-Gausbert de la cathédrale Saint-Étienne, rarement ouverte au public, l’auguste Coiffure post mortem fait donc partie des othonia, ces linges rituels de l’ensevelissement dans la tradition hébraïque en l’occurrence [22]. À cette époque, tandis que le linceul était maintenu avec des bandelettes transversales et que des parfums étaient répandus notamment sur les textures les plus proches du corps, les Juifs couvraient le chef du mort avec un linge conformé au volume de la tête et servant également de mentonnière – cette partie étant sans doute renforcée d’une mentonnière indépendante — grâce à une partie rubanée ou soutache permettant la liaison, celle-ci ayant pour fonction de tenir fermée la mâchoire que la mort et surtout pour le Christ, la torture, avaient laissée affaissée.
L’importance de ce couvre-chef mortuaire doit être reliée ontologiquement avec le linceul de Turin. En effet, celui-ci présente une zone blanche correspondant à l’arrière du crâne, aux joues, aux oreilles et au cou du Seigneur : c’est à cause de la présence de cette coiffure spécifique qui elle, est bien ensanglantée sur ces parties, y compris la zone correspondant à la présence d’une couronne d’épines… ! Les taches de sang sont dès lors à rapprocher de celles du Suaire d’Oviedo.
La Coiffe ou soudarion johannique, de couleur bistre, sans doute écrue à l’origine, apparaît bien comme l’un des linges mortuaires utilisés pour l’ensevelissement de Jésus-Christ, possédant les caractéristiques des coiffes des premiers siècles (matière, forme, coupe, soutache la bordant et retenue par petit bouton, coutures). Elle évoque, en quelque sorte, le pavillon ou voile dont le ciboire est recouvert lorsqu’il contient les saintes espèces.
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© Babinet, Le Témoin secret de la Résurrection, La partie manquante du Saint-Suaire, J.-C Godefroy, 2001 p. 38-39.
Une Notice sur le Saint-Suaire de la tête de Notre Seigneur Jésus Christ vulgairement appelée la Sainte-Coiffe la décrit ainsi en 1899 : « Elle a la forme et les dimensions d’un serre-tête taillé pour s’adapter tout juste à la tête d’un homme, en ne laissant à découvert que le visage, depuis le milieu du front jusqu’au menton. Au toucher, la Sainte-Coiffe paraît ouatée ». Le dispositif est constituée de huit doubles de linges (comme huit coiffes superposées, bordées d’un ourlet), de texture différente, appliqués l’un sur l’autre et cousus ensemble « La première pièce à l’extérieur et la huitième à l’intérieur sont en crêpe-lis, et d’une telle finesse qu’on peut les comparer à une toile d’araignée. Les autres pièces sont d’un tissu moins fin ; mais la deuxième et la septième sont plus fines que la troisième et la sixième, et celles-ci plus que la quatrième et la cinquième qui sont au milieu » [23]
Champollion le Jeune, l’égyptologue figeacois, confirma en examinant la relique, une forme antique et orientale, reconnaissant une matière en fin lin d’Égypte, le tissu indiquant les premiers siècles du christianisme, ainsi qu’une coutume funéraire de l’Antiquité.
L’image sur le tissu se serait formée au moment de l’ensevelissement du divin Supplicié. Les proches de Jésus, malgré la hâte des apprêts tandis que le Shabbat approchait, Lui auraient alors mis ce serre-tête servant à maintenir le menton et donc la bouche fermée. C’est à ce moment-là que la Coiffe aurait été marquée de traces de sang.
Une grande tache de sang est en effet visible à l’intérieur de la Coiffe et perce à l’extérieur au niveau du bas de la joue droite, correspondant à l’arrachement de la barbe visible sur le Linceul de Turin. Une blessure est également visible au niveau de l’arcade sourcilière gauche en correspondance possible avec la blessure sur le Linceul. Plusieurs autres empreintes de sang plus petites représenteraient les blessures infligées par une couronne d’épines. Sur l’image frontale du Linceul, une zone autour du visage se présente sans image corporelle et sans taches de sang. Pour le bas du visage, cette zone non maculée peut être liée à la présence d’une mentonnière qui aura épongé le cruor.
Les disciples de Jésus auraient rassemblé les Linges après la résurrection. La Sainte Coiffe serait ensuite demeurée à Jérusalem.
Appelée également suaire [24] et hautement appréciée, l’auguste coiffure aurait été donnée à Charlemagne soit par le Calife Haroum el Rachid et le Patriarche Thomas de Jérusalem, soit par l’impératrice Irène de Constantinople.
La légende attribuerait, à l’instar du saint Bandeau de Lunegarde, en l’an 803, à Charlemagne le don de la Sainte Coiffe à Ayma (Aymatus), évêque de Cahors. La tradition plus véridique en attribue à Géraud de Cardaillac, évêque de Cahors, son apport à son retour de voyage en Terre sainte au début du XIIe siècle [25].
Parallèlement, les recherches et découvertes de Robert Babinet [26] prouvent magistralement que cette relique était vénérée à Constantinople en la chapelle Sainte-Marie du Pharos — attestée en 1201 avec le saint Linceul, donc alors avec les linges sépulchraux au complet [27] — jusqu’au sac de la ville en 1204 lors de la IVe Croisade : son arrivée à Cahors ne pouvait donc remonter aux dons légendaires de Charlemagne mais dater du début du XIIe s. Mais alors que penser de la consécration de l’autel du Très-Saint-Suaire par le Pape Calixte II, attestée pour la date de 1119, sommet spirituel de la construction de l’édifice roman commencée en 1100 [28] ? Cette dédicace précise ne pourrait-elle s’entendre sans qu’en effet le précieux linge soit présent sous la garde de la cathédrale cadurcienne ? Cependant, si le grand pontife clunisien né Gui de Bourgogne, de très haute noblesse, exécuteur de la réforme grégorienne, a bien consacré, profitant de son déplacement pour le concile de Clermont face aux conséquences du schisme de 1054, le premier autel de la toute jeune cathédrale gothique Saint-Étienne, geste déjà auguste, le rapport entre cette dédicace et la Sainte Coiffe n’est que légende ultérieure relevant de l’excès de zèle pour valoriser la consécration pontificale sur une cité au déjà grand prestige épiscopal, laquelle se suffit cependant à elle-même.
© Badinet, op. cit., p.. 238
En effet, la tradition médiévale, s’appuyant sur le souvenir de la « mémoire d’homme » s’éloigne déjà d’un apport carolingien — pourtant magnifié encore dans le décor peint actuel datant du XIXe s., accordant donc à Gérault III de Cardaillac, l’attribution de la sainte Relique à sa cathédrale, la rapportant de Terre sainte à la faveur de la Ire Croisade (1096-1099) — ne tient pas davantage la route.
Au demeurant la sainte relique est avérée au moins à partir du XIIIe s. à Cahors, ce qui corrobore son arrivée, rapportée par un obscur chevalier quercynois revenant de la IVe Croisade et l’offant à la cathédrale de son diocèse. La passionnante étude de Robert Babinet complète l’épopée.
Différents précieux reliquaires lui ont été consacrés au cours des 900 ans de vénération
Le premier reliquaire connu fut commandé par le chapitre-cathédral en 1458 : « une châsse d’argent, avec reliefs représentant les apôtres et les instruments de la Passion » selon l’abbé de Fouilhac [29]. Il fut disposé dans la Chapelle Profonde au midi de la cathédrale, consacrée par Antoine d’Alaman en 1484. La Sainte Coiffe y était placée sur un globe d’argent afin d’en conserver la forme, d’après la relation que fit Marc Antoine Dominicy du vol du reliquaire lors de la prise de la ville par les Protestants…
1580 : le sac huguenot s’acharne sur la cathédrale. La sainte Relique, jetée comme vulgaire chiffon dans le ruisseau, providentiellement sauvée par une mendiante, est préservée pieusement puis rendue au Chapitre. Celui-ci fait faire en 1585 une nouvelle châsse d’argent sur laquelle il fait graver une inscription commémorative dont le texte a été conservé… [30]. L’abbé Montaigne affirme que cette châsse de 1585 est bien celle qui disparut pendant la Révolution.
Dès 1640, sans doute inspiré dans sa ferveur et avec le sceau de vérité inspiré par le Bienheureux Alain de Solminihac, comte de Cahors, prince d’Eglise pratiquant la pauvreté évangélique, évêque et réformateur du diocèse cadurcien depuis 1636 jusqu’à sa mort en 1659, Marc Antoine Dominicy, né à l’ombre du Pont Valentré, réalisait la première étude de la relique, publiée dans un opuscule accompagné d’une planche gravée, pour répondre à l’historien Chifflet qui l’avait taxée de fausseté.
L’année 1696 voit la Chapelle Profonde habitée d’un nouveau retable monumental sagement baroque, commandé par l’évêque Henri de Briqueville de la Luzerne et conçu selon les prescriptions du Concile de Trente par Gervais Drouet de Toulouse, élève du Bernin. L’ouvrage est en bois sculpté et partiellement doré et le coffre devant accueillir le reliquaire proprement dit, en forme de coffret oblong, muni d’un oculus vitré frontal.
Pendant les exactions de la Révolution, tandis que la cathédrale servait d’écurie et que la Relique était jetée parmi les ordures, l’évêque constitutionnel Jean d’Anglars (1791-1802) la sauvait une nouvelle fois.
En 1825, la Sainte Coiffe fut replacée dans une châsse reliquaire plaquée d’argent par le vicaire général de Cahors et supérieur du Grand Séminaire, Mgr Solacroup. La châsse se présente sous la forme d’un tempietto [31], désormais vide mais toujours conservé à la cathédrale. Ce nouveau reliquaire, coffret carré aux angles verticaux renforcés de colonnettes, sommé d’un dôme surmonté d’une croix, pose problèmes de datation : il semble en effet remployer des éléments du reliquaire Renaissance, lui-même remonté en partie dans celui du XVIIIe s. L’hypothèse est plausible.
© cl. René Peyré - Reliquaire dit de 1825
Aurel Bongiu suivait sur ce point l’opinion de Paul de Fontenilles [32] : la châsse inventoriée en 1790 est sans doute « la nouvelle châsse en argent » commandée sous l’épiscopat d’Antoine Hébrard de Saint-Sulpice, pour remplacer celle détruite par les Protestants en 1580. Mais il est évident que la description de 1790 ne correspond pas à l’objet qui nous a été conservé. Deux hypothèses sont envisageables :
1° accepter la datation de 1825, la châsse s’inscrivant dans un courant néo-classique : l’argumentation demanderait toutefois à être complétée ;
2° supposer une recomposition à partir d’éléments de la châsse de la fin du XVIe siècle, remontés et complétés : seule une étude précise de la châsse permettrait d’en décider [33].
En 1899, Monseigneur Pierre-Alfred Grimardias, prince-évêque vouant sa fortune à l’enrichissement considérable de son diocèse, consacre avec faste la chapelle absidiale ornée de peintures néo byzantines et tableaux commémoratifs. Elle porte la dédicace au saint Sauveur, comme la basilique de Rocamadour, en l’honneur de la sainte Coiffe qu’elle abrite dans un nouveau reliquaire-monstrance où elle se trouve encore aujourd’hui mais mise au secret dans la chapelle saint Gausbert près de la salle capitulaire du cloître cathédral.
Le nouvel écrin est en bronze doré réalisé par l’atelier parisien Poussielgue-Rusand, orfèvre pontifical. La custode est en forme de tourelle circulaire évoquant une lanterne architecturée ouverte d’arcades enveloppant un tube de cristal.Le bandeau supérieur est gardé par des anges entourant une coupole conformé à la voûte crânienne, et surmontée d’une couronne enchâssant une croix dominant la sphère de l’univers. Aux angles de la terrasse, sont assis sur leur trône, l’evêque saint Didier de Cahors, l’empereur Charlemagne et le pape Calixte II. L’œuvre semblerait contenir en remploi certains éléments plus anciens.
© cl. René Peyré – Reliquaire monstrance 1899
L’étude des deux reliquaires de la Sainte-Coiffe a été reprise en juillet 2000 pour l’exposition 20 siècles en cathédrales, Reims, Palais du Thau, été 2001. [34]
En 1960, pour de mornes raisons, la Sainte Coiffe cesse d’être présentée à la dévotion des fidèles comme il était de tradition aux fêtes de Pentecôte. Jusqu’à cette date elle était montrée à découvert par l’évêque du haut de la chaire avec, dans la tribune faisant face, les chanoines et les séminaristes.
Depuis de nombreuses années de déshérence en la cathédrale de Cahors, la chapelle Saint-Sauveur dédiée à la glorification du Messie par le truchement de la vénération de la Sainte Coiffe, s’en est trouvée dégradée. Un programme de restauration sous la direction de l’architecte en chef des Monuments Historiques est fort heureusement en cours pour ces années prochaines, convergeant avec l’exhumation dévotionnelle qu’a marquée Monseigneur Camiade lors de son sacre épiscopal en octobre 2015.
Or cet espace dédié, dédicacé, présente toutes les dispositions nécessaires pour constituer un écrin digne du trésor.
Dans la tradition notamment bénédictine du XIIIeau XVIe siècle, une surélévation accentuée au-dessus de l’autel par le tabernacle et son exposition, puis par l’édifice du reliquaire en arrière du maître-autel, effectue une synthèse entre l’inspiration néo-byzantine harmonisée avec l’évocation de l’origine de la relique vénérée, sa légende de transmission carolingienne, et le goût de la fin du XIXe siècle pour les ordonnances néo-gothiques. Il est à noter que le décor est très proche de celui, contemporain, qui entoure la chapelle en l’abbatiale d’Argenteuil vénérant la Sainte Tunique
La Sainte Coiffe se devait ainsi d’être présentée dans l’axe de l’édifice cathédral, dans la lumière de l’Orient, se détachant sur l’ouverture du vitrail, magnifiée par le tempietto évoquant à lui-seul un sanctuaire. La disposition doit permettre aux pèlerins, ou tout au moins aux officiants, de pérégriner sous le ciborium afin de, rituellement, se soumettre, s’investir des grâces attendues du contenu du reliquaire, y faire référence et révérence.
À l’Orient de l’édifice, cette chapelle axiale est de plan elliptique, avec une voûte en cul-de-four cernée d’une épaisse corniche saillante. Protégé d’une table de communion en fer forgé ouvrant à deux battants centraux depuis le déambulatoire du chœur, l’espace est délimité par un arc de triomphe en plein cintre cantonné de colonnes engagées de moins d’un tiers. Une baie axiale romane s’ouvre sur un vitrail à entrelacs en grisailles. Le rythme de triple arcature animant le pourtour, à partir de cette ouverture, est complété de deux arcades aveugles destinées au discours historique par le biais de peintures sur toile marouflées.
Celle de droite est déposée, traitant de CALIXTE II COMMEMORANT… (la fin de l’intitulé a disparu).
La peinture de gauche présente une thématique héroïsée en style troubadour, avec l’inscription peinte en bandeau inférieur : CHARLEMAGNE FAIT DON DV SAINT SVAIRE / A L’EGLISE DE CAHORS. Sous des voûtes ogivales, l’empereur, nimbé d’un disque doré, s’y trouve debout, en armure et attributs de sacre (basileus sommée d’une croix ou couronne impériale constantinienne, chape sacerdotale, sphère de pouvoir ceinte de la croix) et désigne de la main gauche à l’intention de saint Namphase, proche de la Cour sinon de la parenté caroline, debout sur la droite, la châsse de la Relique en forme d’église gothique, présentée à genoux par un preux casqué, également nimbé : peut-être le vaillant Roland béatifié par la Légende dorée [35], le tout exalté dans cette interprétation du XIXe s. ? Clercs, moines, diacre et chevaliers, bannières, casques et draperies solennisent l’auguste scène.
L’ensemble de l’autel et son édifice reliquaire sont en calcaire massif, sculpté et peint, avec parties rapportées en laiton incrusté d’émaux et orné de gemmes. Rectangulaire, son massif est renforcé en façade et latéralement par des arcatures aveugles en plein cintre (cinq en antependium, deux de chaque côté) reposant sur des colonnettes en ronde-bosse. Les panneaux sont ornés d’un semis de croix en méplat. Un bandeau à décor palmé en relief ceint la table.
En retrait, un module rectangulaire enchâsse au tiers postérieur le tabernacle figurant un temple miniature à fronton triangulaire sommé d’un pédoncule pouvant accueillir une croix. La porte cantonnée de pilastres cannelés est en laiton à décor de pentures à rinceaux en relief rehaussés d’émaux et de gemmes. Une ornementation de frises géométriques et végétale, avec palmettes néo-égyptiennes, en relief élégi couvre l’ensemble de l’ouvrage
Le ciborium-reliquaire, précieusement ornementé, est destiné à l’accueil du reliquaire de la Sainte Coiffe.
Il est composé de trois parties superposées :
© Marie-Lys de Castelbajac & Isabelle Rooryck, 2015.
Constat d’état : à gauche avec la scène carolingienne ; au centre, l’autel et le ciborium ; à droite, détail sur la loge du reliquaire.
En méditant sur le sens d’une telle relique….
« Et l’histoire la plus loyale vous dit que ce suaire de la tête de Jésus est conservé depuis des siècles dans cette cathédrale ; elle vous dit que l’église de Cahors est seule à posséder ce témoin…. ; elle vous fait assister, avec preuves à l’appui, aux péripéties diverses qui ont marqué son séjour dans ce Quercy, à la foi robuste comme son sol… Mes Frères, que vous importent les discussions byzantines ? Vous avez plus que l’Evangile écrit, vous !... vous avez si j’ose ainsi parler, votre Evangile palpable, matériel… vous avez votre suaire… Vous avez le témoin de la mort, de la sépulture, de la résurrection de votre Dieu… Catholiques de Cahors ! Saluez votre témoin. Et hoc vobis signum…
Le Saint Suaire est pour vous un dépôt d’honneur. Et j’entends par ce mot, un dépôt sacré qui vous honore, parce qu’il est un trésor.
Certes, le chantre de votre relique n’exagère point quand il s’écrie : que votre ville a été grandement honorée, en recevant ce don insigne… ai-je besoin de vous rappeler que toute relique est chose précieuse à la piété chrétienne ?… en 1482 (et) en 1653 la peste ravagea le Quercy… La voilà aux portes de Cahors… La science est impuissante… et la terrible messagère de Dieu fauche impitoyablement sur son passage des milliers et des milliers d’existences humaines… Alors on se souvient qu’il y a un traité d’alliance entre Dieu et la ville, et par un acte de Foi dont l’audace n’a d’égal que la simplicité, on va sommer Dieu de tenir sa promesse ! On se précipite dans cette cathédrale, on court au Saint Suaire… On le porte en procession. .. Et tout Cahors est là, suppliant… Ce Saint Suaire, signe vénéré et incontestable de l’alliance entre Dieu et votre cité, préserve la ville de Cahors du terrible fléau…. » [36]
L’une des grâces de notre temps est de permettre la rigueur de la science et de ses outils pour converger, in fine, vers l’adhésion de l’intelligence en sa raison, avec la foi du cœur en son effusion. Il s’agit là, rien moins, que de reconnaître la Résurrection de Notre-Seigneur et de se savoir aimé par Lui jusqu’à l’espérance de Le rejoindre, qui est confiance et certitude, jusqu’à partager, par-delà sa Passion et Sa Croix, le mystère de la Vie éternelle en la sainte Trinité.
Le très remarquable ouvrage historique, philosophique, scientifique de Robert Babinet, ici souvent cité, lumineux autant que rigoureux, inspiré autant que scientifique, fait autorité sur l’état des connaissances autour des linges sépulcraux du Ressuscité, à partir de l’insigne relique dont le diocèse de Cahors et Rocamadour est le dépositaire providentiel. Faisant appel à une prise de conscience théologique et scientifique, il démontre par un argumentaire très rigoureusement mené, qu’au-delà d’une véritable phénoménologie du Christ, par sa profonde méditation [37], Jésus Sauveur en Son humanité habillée, vêtue, revêtue, dépouillée, suppliciée, mortifiée comme la nôtre, saignant de blessures atroces, souffrant un supplice insurpassable, nous rejoint au plus intime et au plus total de notre ontologie créée par le Père, par-delà notre physiologie, et nous en transfigure par les preuves tangibles de Sa résurrection.
La longue période de silence qui a frappé ces dernières décennies ce témoignage inouï dont Cahors a l’insigne honneur de la conservation, autour des devoirs de reconnaissance, d’amour et de vénération des fidèles, exigeant de ne point garder sous le boisseau ce témoin- relai et sacré de la Passion, de la mort mais aussi de la victoire du Christ, lié indissolublement au saint Linceul de Turin comme à la Sainte Tunique d’Argenteuil et au saint Sudarion d’Oviedo, doit faire place, en l’aube miséricordieuse et salvatrice de notre temps, à une ferveur nouvelle autour du Sauveur qui doit embraser l’Univers. Le temps de la descente aux enfers est accompli.
La démonstration est faite que considérer le Bonnet funéraire sans le grand Linceul du tombeau, ou n’en considérer qu’un seul sans l’autre, serait trahir les signes miraculeux que le Rédempteur a bien voulu nous laisser pour éclairer nos esprits en notre époque rationaliste voire nihiliste, contre les errances de laquelle chaque étude scientifique de plus en plus affinée, vient battre en brèche les doutes légitimement posés, et affirmer les faits aussi véridiques que surnaturels qu’épousent alors la foi et la raison de toute âme honnête. Il est aussi temps de dépasser les concepts pervers de simple « dévotion populaire » comme étant vaine voire stupide, véhiculés par les approches sociologiques idéologiquement matérialistes, mais tout au contraire de respecter cette adhésion des cœurs aimantés et de conjurer cet orgueil culturel démesuré qui délecte le Diviseur et ses légions infernales dans son plan d’anéantissement de la Création divine. L’hubris, cette arrogante suffisance, est le thème principal de la tragédie dont les Grecs déployaient la violence des passions pour en démontrer les incidences criminelles : ne serait-il pas scélérat d’étouffer les vecteurs aussi simples, bouleversants que sacrés laissés par Celui qui nous a aimés jusqu’à mourir de la plus terrifiante des morts pour nous, non par la cause pécheresse mais en ses effets au plus infâme de nos misères, et nous délier comme par l’assomption de nos libertés enfin délivrées ?
« La Vérité s’est manifestée dans la découverte de la Sainte-Coiffe de Cahors. La Quête du saint-Graal est terminée. Elle conduit à un « moment de la conscience humaine la conscience vraie qu’illumine « le Verbe de la Vie », Jésus-Christ qui est Dieu » [38].
La vénération d’une relique est une cible signifiante pour telle correspondance de notre corps physique et spirituel, de tout notre être. Cette coiffe insigne touche ici au divin chef torturé : le touche parce qu’y adhérant mais aussi touche, concerne le Seigneur, au cœur. Il parle donc plus particulièrement à la tête du fidèle. Le cœur du mystère de l’Incarnation est ici convoqué pleinement. Lorsque le nouvel évêque Monseigneur Camiade a vénéré la sainte relique lors de sa consécration en la cathédrale de Cahors, s’est révélée l’analogie sacramentelle poignante entre le chef du Christ supplicié et le rite conféré à l’évêque [39] par l’Esprit comportant l’imposition des mains et l’onction du saint chrême. Et l’on atteint ici le sens le plus haut de l’icône, qui transcende l’image, et rend présente, par-delà même sa vérité physique et historique, l’épiphanie divine au cœur de Sa Création par l’incarnation du Fils jusqu’en Sa kénose et Sa résurrection.
De nombreux miracles furent attribués à la présence intercédante de la Sainte Coiffe depuis 1239, date certaine de sa présence, y compris la résurrection d’un défunt au XVIe s. [40]. En septembre 1899, lors du Grand Pardon [41] de Rocamadour, eurent lieu les ostensions pérégrinantes et comblées de grâces [42]. Ainsi, tandis que les manifestations pèlerines se multiplient en 2016, en l’honneur de l’année jubilaire universelle de la Miséricorde [43], les temps sont peut-être proches de participer à l’ouverture des portes saintes des âmes croyantes ou en recherche, toutes en chemin, par une vénération portée par la méditation, la médiation et l’approche concrète de ce Linge bouleversant, permettant d’en découvrir le sens eschatologique par la lecture du message sacré en notre temps de rage démoniaque : croire en la résurrection de Notre Seigneur et dans le salut d’une vie éternelle dans le cœur de la sainte Trinité qu’Il a ouvert et offert à chaque être consentant à Le rejoindre.
Dans la bulle pontificale d’édiction du diocèse de Tulle détaché du grand diocèse médiéval de Limoges, le 13 août 1317, le pape Jean XXII alors en Avignon, déclarait solennellement : « villam tutellensum… quae locus insignis… et populi multitudine copiosa refertam », « la ville de Tulle… lieu insigne… où afflue en masse la multitude du peuple ». Cette étrange prophétie annonce un destin surprenant, dans l’ordre spirituel très certainement pour interpeller une telle sentence pontificale, à ce jour non encore réalisée, la petite ville en général et l’abbaye en particulier, étant sinistrées et en lent mais sûr déclin depuis la Révolution. Ne peut-on alors s’interroger sur l’insolite rapprochement tout de même entre les liens de ce pontife (de 1316 à 1334), né Jean Duèze ou d’Euze dans la capitale des Cadourques (ou Ségur le Château en actuelle Corrèze ?) mais assurément d’origine quercynoise, archiprêtre de Cahors, avec le rôle alors prestigieux de l’abbaye Saint-Martin & Saint-Michel de Tulle en charge du site de Rocamadour, et le Haut-Quercy avec des sanctuaires emblématiques tels que la cathédrale Saint-Etienne, le sanctuaire marial de Rocamadour et l’abbaye Saint-Pierre de Marcilhac, sans oublier l’église de Lunegarde ? Tandis qu’à de nombreuses reprises, les évêques de Tulle et Cahors ont célébré ensemble les Pardons, divers pèlerinages et consécrations autour du rocher vertigineux au-dessus du Val d’Enfer, les plans de Dieu n’excluent sans doute pas le sens de la présence de la Relique complémentaire du saint Linceul.
Enfin, pour conclure, méditons sur l’un des signes, mais plus encore des signaux, dans le sens d’alerte maximale, que représente l’exceptionnel privilège du diocèse cadurcien, avec cette convergence méditative entre l’homonomie de Lot ou Loth, fils d’Haran et neveu d’Abraham, habitant de Sodome (Gén., 18 & sq.). Sa figure biblique représente un questionnement existentiel face aux turpitudes mortifères des Gomorrhiens, parce stérélisantes, de l’être humain plénier aspirant à retrouver en son incarnation, le principe de sa création par le Père. La femme de Lot sera victime desséchée, pétrifiée en sel saturé — qui n’est pas le sel révélant la saveur de la terre— lors de la destruction de la ville impie. Pierre, dans sa deuxième épitre, attribue à Lot le même rôle que Noé face au Déluge. Le Coran le cite comme prophète avertissant des conséquences des mœurs outrancières de ce peuple. N’y a-t-il là qu’une simple coïncidence sémantique entre ce patriarche et le nom même de cette terre bénie quercynoise, entre Passion et Résurrection, en nos temps de si grands bouleversements, nous faisant nous écrier plus que jamais : « Maranatha : Viens Seigneur, viens » ?
« La mort de Jésus conduit au tombeau, non à la décomposition. Le Christ est la mort de la mort, une mort abritée dans la parole de Dieu et donc en rapport avec la vie, cette vie qui ôte à la mort son pouvoir alors que, par la destruction du corps, la mort dissout l’homme dans la terre ».
Cardinal Ratzinger [44]
® Isabelle Rooryck [45]
Conservateur en chef honoraire du Patrimoine
Le 24 mars, jeudi saint de l’an de grâce 2016
en la vigile de la fête de l’Annonciation, du Vendredi saint
& du premier jour de l’ostension bi-séculaire de la Tunique d’Argenteuil
[1] Avec une déférente gratitude, je tiens à remercier vivement Monseigneur Camiade d’avoir accepté le principe de cette étude en son état certes imparfait, la complétant d’une référence pour aller plus loin dans la réflexion : Pierre Milliez, La Résurrection au risque de la Science. Étude historique et scientifique des cinq linges sur la mort et la résurrection de Jésus du Linceul de Turin au voile de Manoppello, Paris, Éditions BoD - Books on Demand, 2015(2), 364 p.
[2] Classée parmi les Monuments Historiques en 1978. Une restauration minutieuse a été effectuée pour l’ostension de 2016 par Claire Beugnot, avec une pratique particulièrement respectueuse de conservation du moindre fragment, sinon parcelle, sans aspiration, recueillant le moindre fragment, afin de préserver chaque atome de ce qui a pu appartenir au Seigneur.
[3] En raison de cette convergence de date, la fête de l’Annonciation sera célébrée exceptionnellement le lundi 4 avril 2016.
[4] La dernière ostension eut lieu en 1984. Mais Mgr Lalanne, évêque de Pontoise, a décidé l’avancement de cette première ostension du XXIe siècle, en fonction de la convergence mémorielle et dévotionnelle que représentent le 150e anniversaire de la basilique d’Argenteuil, le 50e de la création de son diocèse, et la promulgation pontificale de l’année universelle de la Miséricorde en ces années charnières 2015-2016, pour l’Eglise catholique et le Monde.
[5] Rien au demeurant ne prouve qu’un tel linge eut existé : la représentation du Christ pouvant être nu demeure non tranchée quant à l’histoire. Zadkine entre autres, en a réalisé dans son dépouillement total, deux statues colossales, à Caylus (Tarn) et aux Arques (Lot)
[6] Cf. par exemple représentation de la miniature f. 89 de la Vie de Jésus, Tours ou Bourges, vers 1470-1480, ms. 0976, Paris, Bibl. Mazarine, f.001-127v
[7] La sainte Tunique est présumée authentique, sans preuve absolue à ce jour mais avec des convergences convaincantes notamment avec les emplacements des taches de sang visibles sur le Linceul de Turin, le Suaire d’Oviedo et la Coiffe de Cahors. Les observations scientifiques n’en contredisent par ailleurs ni la lignée de son parcours historique ni la foi des fidèles.
Le Moyen-Âge a été le théâtre de fabrication de fausses reliques. C’est pourquoi, à partir du XVIIe s., l’église catholique a souhaité lever les doutes possibles quant à l’authenticité de la Sainte Tunique. Elle l’a fait tout d’abord en étudiant les textes, qui attestaient de la présence pluriséculaire du vêtement à Argenteuil. À partir du XIXe s., plusieurs examens scientifiques de la Tunique ont été menés à l’initiative des autorités ecclésiastiques, grâce aux nouveaux moyens techniques disponibles. Ils ont démontré : que la relique est en laine de mouton (1893) ; qu’elle a été colorée selon des procédés en vigueur au Moyen-Orient au début de notre ère ; qu’elle est bien tissée d’une pièce, sur un métier primitif (1882 & 1892) ; qu’elle correspond au type de tissage identifié en Syrie et au Nord de la Palestine au premier siècle ; qu’elle est tachée de sang (1892 & 1932) ; que le sang figure dans le dos et sur les épaules, à l’endroit où aurait reposé la croix – complète avec le cippe et non pas seulement le patibulum - portée par le Christ lors de l’ascension au Calvaire (1932 & 1934) ; que ce sang est du groupe AB (1986) - présent dans 5% seulement de la population mondiale. La probabilité d’observer ainsi ce groupe sanguin sur les quatre linges s’établit à une chance sur 8000 !) révélant en particulier, comme sur le Linceul de Turin, le Suaire d’Oviedo (et sans doute même conclusion lorsque l’étude en sera faite sur la Coiffe de Cahors), que le sang de la personne concernée montre une dénaturation exceptionnelle, ou hématidrose, des hématies rétrécies, déformées et même déchirées, phénomène ultime dû à une extrémité d’effroi, jusqu’à la détresse de tout l’organisme pouvant même en modifier les cellules, éprouvé par tout l’Être provoquant une anémie traumatique soudaine et majeure, mention bouleversante qui correspond à la sueur de sang mentionnée par l’Evangile (Luc 22, 43-44). Cet élément démontre avec tous les autres, qu’aucun faussaire ne peut avoir imaginé jusqu’à cett élément que seules les techniques contemporaines peuvent déterminer. Des datations au Carbone 14, contradictoires, ont été effectuées. L’on sait que la technique manque de fiabilité pour les tissus anciens dont on connaît mal les états de conservation au cours des siècles et dont les pollutions successives faussent les résultats. C’est le cas de la relique de Turin comme de la Tunique d’Argenteuil, qui a été longtemps enfouie, y compris dans la terre en 1793, et probablement mise au contact de matériaux organiques en décomposition au cours de son histoire tumultueuse. Il faut donc relativiser ces résultats. L’examen technique plaide en revanche pour un tissu du Ier s. De même, la comparaison des pollens présents sur les reliques étudiées – les compléments demeurent à faire pour la relique cadurcienne - est troublante : sept sont communs aux reliques de la Tunique d’Argenteuil, du Linceul de Turin et du Suaire d’Oviedo. Mieux encore, deux proviennent uniquement de Palestine : ceux d’un pistachier, Pistacia palaestina et d’un tamarin, Tamarix hampeana.
Ainsi, différents examens scientifiques menés sur la Tunique d’Argenteuil plaident pour qu’elle ait été portée par un homme soumis à de grandes souffrances, en Palestine, au 1er siècle de notre ère.
[8] Cf. Nathalie & Robert Babinet, La partie manquante du Saint-Suaire. Le témoin secret de la Résurrection, éd. Jean-Cyrille Godefroy, octobre 2001, p. 102
[9] Dans la plupart des cas, ces images font l’objet d’intenses débats et de spéculations. Certaines images existent sous forme physique, d’autres sont seulement connues par des documents écrits.
[10] La plus sublime évocation de ce saint Bandeau se trouve dans la Dérision ou Christ aux outrages, par Fra Angelico, fresque de la cellule 7, couvent San Marco à Florence, circa 1443
[11] Namphase ou Namphaise, fêté par les catholiques et les orthodoxes le 12 novembre, était un officier très estimé de Charlemagne son probable parent. Après les nombreuses batailles auxquelles il participa, il rebâtit plusieurs monastères, dont celui de Marcilhac-sur-Célé, (ou bien peut-être seulement doté), ainsi que l’abbaye de Figeac. Il se retira dans un ermitage de Lantouy près de Cajarc, dans la forêt du Quercy où il creusa de nombreux lacs ou points d’eau à même le roc pour soulager la soif des troupeaux en ces terres pauvres -
Il fut tué par un taureau furieux et selon la légende, il lança avant de mourir le plus loin possible son marteau de mineur qui tomba à Caniac-du-Causse (voir même légende pour la fondation de l’abbaye de Tulle, attachée à Rocamadour, par le seigneur du lieu Adhémar des Echelles au IXe s.)
Les moines de l’abbaye Saint-Pierre de Marcilhac-sur-Célé creusèrent une crypte sous l’église de Caniac-du-Causse pour les reliques de Namphase. Ce fut un lieu de pèlerinage très fréquenté au Moyen Âge par les personnes atteintes d’épilepsie.
[12] Petits Bollandistes (Les), Vies des saints, t. V, Paris, Bloud et Barral, 1876, p. 288 et Clary (Abbé), Dictionnaire des paroisses du diocèse de Cahors, Cahors, Imp. Tardy, 1986, p. 179.
[13] Une tradition chrétienne dont le plus ancien témoin connu semble être Bernard Gui (1261-1331) parle dans ses Sermons d’une Véronique qui serait morte à Soulac sur mer dans le Bordelais. Elle serait venue en Gaule avec son mari Zachée (le Juste). Après la Grande révolte juive et la prise de Jérusalem (70), Zachée, appelé « Apôtre d’Aquitaine » et sa femme auraient été exilés à Rocamadour. Bernard Gui assimile ainsi Zachée avec saint Amadour devenu veuf et ermite et reclus dans une grotte. Bernard Gui attribue à saint Martial appelé au IIIe s., « l’apôtre des Gaules » ou également « l’apôtre d’Aquitaine » d’avoir fondé une église en l’honneur de sainte Véronique à Soulac. Cette église avait été ensevelie sous les dunes, mais a été dégagée entre 1860 et 1864.
[14] Le palais de la Hofburg à Vienne possède un exemplaire du voile de Véronique, authentifié par la signature du secrétaire du pape Paul V. L’image du monastère de la Sainte-Face à Alicante, en Espagne, a été acquise par le pape Nicolas V auprès de parents de l’empereur byzantin en 1453, donnée par un cardinal du Vatican à un prêtre espagnol qui l’a emportée à Alicante en 1489. La cathédrale de Jaén en Espagne en a aussi une copie provenant de Sienne, connue sous le nom de Santo Rostro, pouvant dater du XIVe s.
[15] Les othonia en grec. Voir pour aller plus loin, par exemple, P. Egon Sendler, Les mystères du Christ, les icônes de la liturgie. Desclée de Brouwer, 2001 et Léonide Ouspensky, La théologie de l’icône dans l’Église orthodoxe, Cerf, 1980
[16] Les Évangiles synoptiques évoquent à plusieurs reprises l’usage du Linceul (voir 45 Mc 15, 45, 53 Lc 23, 53) mais ne mentionnent jamais un suaire en tant que tel.
[17] Le plus souvent « fantasmées », attribuées à Jésus depuis sa naissance, des reliques se trouvent un peu partout en Chrétienté. Dans de nombreux cas, il y a des revendications contradictoires d’un vestige unique existant simultanément à différents endroits, multipliant bien évidemment les invraisemblances de leur authenticité. Parmi les plus connues :
le monastère de Saint-Paul sur le mont Athos prétend posséder les reliques des Cadeaux des Rois mages
la cathédrale de Dubrovnik (Croatie), revendique les Langes que l’enfant Jésus portait lors de la présentation au Temple.
À divers moments de l’histoire, de nombreuses églises en Europe ont prétendu posséder, en même temps, le saint Prépuce, le prépuce de Jésus ôté lors de sa circoncision.
Le saint Ombilic se voit conservé au moins à trois endroits différents : Rome, Clermont et Châlons-en-Champagne.
La France possède quelques saintes Dents (de lait) : Paris, Versailles, Soissons, Noyon.
Les saintes Larmes que le Christ aurait versées lors de la mort de Lazare, furent confiées à l’abbaye de Vendôme. On en trouve aussi à Sélincourt (Somme), Allouagne (Pas-de-Calais), Thiers (Puy-de-Dôme), Chemillé (Maine-et-Loire), Fontcarmot, Saint-Maximin (Var), Orléans.
Le couteau, objet bien incongru puisque le Seigneur a « rompu » et non coupé le pain, soi-disant utilisé par Jésus lors de la Dernière Cène, est vénérée au Moyen Âge, selon le Guide des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Un couteau utilisé par Jésus pour trancher le pain a été exposée en permanence dans la Logetta (entrée) du campanile de Saint-Marc à Venise.
Le Saint Calice est le récipient que Jésus a utilisé lors de la Cène pour servir le vin, comme le rapporte l’Évangile de Matthieu (26:27-28) : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude, pour le pardon des péchés. »
Plusieurs « saints calices » ont été signalés. Sur les calices existants, seul le « Santo-Caliz de Valencia » (en la cathédrale) est reconnu comme une « relique historique » par le Vatican, sans affirmer pour autant qu’il s’agit du calice utilisé lors de la Cène. Bien que les papes Jean-Paul II et Benoît XVI aient vénéré ce calice à Valence, il n’a jamais été officiellement authentifié.
[18] qui conserve donc également des reliques de la sainte Croix
[19] En la Sainte Chapelle de Paris, saint Louis vénérait en particulier la sainte Couronne d’épines portée par le Christ en Sa Passion (Jean 19:12) jusque sur la croix, qui fut échangée en 1238 par le roi de France qui la désengage auprès des vénitiens, banquiers créditeurs du roi Baudoin II de Courtenay, roi de Constantinople. – le roi ne l’achètera pas, cet objet ne pouvant être vendu - pour 135 mille livres. Elle est toujours vénérée, conservée au Trésor de la cathédrale Notre-Dame de Paris sus la protection des Chevaliers de Malte.
Fragments de la Vraie Croix : également contenus dans le trésor de la Sainte-Chapelle. De nombreux sanctuaires en prétendent aussi la possession, dont d’innombrables staurothèques ou croix reliquaires de la vraye Croix en contiendraient de minuscules fragments. Ces fragments se sont multipliés par contact…
L’église de Lunegarde dans le Lot en possède cependant un reliquaire du XIIIe s., avec portion plus vraisemblable.
La Scala santa, l’escalier du prétoire de Ponce Pilate, monté par Jésus lors de son procès, aurait également été amené à Rome par sainte Hélène de Constantinople au IV s.
La basilique duSaint-Sangde Bruges, en Belgique, revendique la possession d’un peu du sang du Christ dans une fiole qui contient un chiffon imbibé, offert à la ville par Thierry d’Alsace en 1146.
La sainte Tunique du Christ, donc revendiquée à la fois par la cathédrale de Trèves, en Allemagne, et par l’église paroissiale d’Argenteuil, en France.
La colonne de la Flagellation, où Jésus a été attaché, est revendiquée par plusieurs églises, dont la basilique Sainte-Praxède à Rome.
Le calvaire de la crucifixion, un petit rocher appelé Golgotha, est montré dans l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem. À l’intérieur de l’église se trouve un rocher d’environ 7m sur 3m, d’une hauteur de 4,8m, considéré comme ce qui est maintenant la partie visible du Calvaire.
La Couronne de fer de Lombardie et les Saints Mors de Carpentras et de Milan, supposément forgés à partir des Clous utilisés lors de la crucifixion.
La sainte Éponge tendue avec du vinaigre au Supplicié expirant, dans la basilique Sainte-Croix-de-Jérusalem à Rome, mais aussi à la Sainte Chapelle de Paris
La sainte Lance, dont Longin le soldat romain, (en aucun cas le Centurion de la Parabole in Luc, 7, 1-10, parfois confondu) a percé le côté de Jésus en croix, afin de s’assurer de Sa mort, à la Sainte Chapelle également
L’authenticité de certaines de ces reliques est mise en cause. Par exemple, en ce qui concerne les « saints Clous » rapportés par l’impératrice Hélène, la Catholic Encyclopedia se pose la question, longuement débattue de savoir si le Christ a été crucifié avec trois ou quatre clous : « On ne peut que douter sur l’authenticité de ces trente ou plusieurs saints clous qui sont encore vénérés, ou qui ont été vénérés jusqu’à une époque récente, dans les trésors tels que celui de Santa Croce à Rome, ou ceux de Venise, Aix-la-Chapelle, l’Escurial, Nuremberg, Prague, etc. La plupart étaient probablement au début présentés comme des copies qui avaient touché des clous plus anciens considérés comme réels »
Enfin, l’on pourrait également pour vénérer les reliques du Christ depuis Son enfance, avoir du saint Foin ayant garni la crèche, de saints Cheveux, jusqu’au saint Linge du Lavement des pieds, aux saintes Lanières des fouets de la Flagellation par exemple. Certains excès en effet entachent l’abondance de ces saints « souvenirs »… En revanche, quid du perizonium ceignant les reins du Christ en croix qui pourtant, pourrait avoir été recueilli plus vraisemblablement ?…
[20] ou soudarion comme le suaire d’Oviedo, en grec & pathil en hébreu
[21] L’historien Jean-Christian Petitfils par exemple, auteur de l’excellent Dictionnaire amoureux de Jésus-Christ, Plon, 2015, qui évoque la Tunique d’Argenteuil en lien avec le linceul de Turin et le sudarion d’Oviedo, semble totalement ignorer l’existence de la sainte Coiffe de cahors, qu’il n’évoque pas davantage dans une émission sur KTO présentant l’ostension d’Argenteuil, 23 mars 2016, en présence de Monseigneur Lalanne
[22] L’historien Jan Wilson, spécialiste britannique du Linceul, confirme que la loi juive, inscrite dans le Mishnah, prévoit que le corps du défunt doit être apprêté dans le tachrichim, c’est-à-dire dans un ensemble complet de vêtements funéraires comprenant en particulier, une pièce de vêtement recouvrant la tête.
[23] Voir la description complète in Babinet, op. cit., p. 34 & sq.
[24] La confusion entre suaire et linceul, peut-être issue d’une interprétation erronée du terme soudarion (Év. de Jean), n’est pas nouvelle. Dans l’ancien français, l’usage a produit une certaine confusion entre ces termes. Au XIIIe s., le mot suaire est employé pour parler du linge ayant enveloppé le corps du Christ. Aujourd’hui, pour les francophones, le terme le plus employé lorsqu’on évoque le linge de Turin est celui mais à tort, de suaire de Turin.
[25] C’est l’hypothèse qui prévaut auprès des historiens du XXe s : R. Rey 1937 ; M. Durliat 1979, Robert Babinet, 2001. L’histoire générale de la province du Quercy de Guillaume Lacoste, écrite entre 1800 et 1830 et dont le 2e volume révoque également en 1884 la légende, qui trouve cependant de nombreux défenseurs, comme l’abbé Montaigne dès 1844, puis l’abbé Boulade, dont la notice de 1885 correspond sans doute à la position officielle du clergé au moins jusqu’au début du XXe s.. Elle trouve encore un avocat en 1972, en la personne de J. Juillet in Bulletin de la Société des Etudes du Lot.
[26] Cf. Babinet, op.cit.
[27] Ibid., 99
[28] « La consécration de l’autel majeur indique que le chevet, constitué d’une abside à déambulatoire et chapelles rayonantes, est alors construit. Le regain de ferveur provoqué par l’arrivée de la relique… aurait permis la relance des travaux dans les années 1120… » in Archives de pierres. Les églises du Moyen Age dans le Lot, article Cahors n° 39, p. 158, Silvana Editoriale, 2011
[29] Chroniques de Quercy, cité par l’abbé Montaigne, p. 46-47, et par Guillaume Lacoste qui ne donne pas sa source : Lacoste, t. III, p. 418
[30] Signalons que le meuble renfermant la châsse détruite en 1580 se trouve toujours à la garde de la Maison des Marquis de Braquilanges, au château de Cènevières (près Saint-Cirq-Lapopie 46). Une histoire légendaire autour de la table d’autel en marbre qui aurait été consacrée par le Pape Calixte II, transportée et partiellement brisée lors des Guerres de Religion, jetée dans le Lot à hauteur d’Arcambal, trouverait une autre partie conservée dans la chapelle castrale de Cènevières.
[31] Plus proche de celui de Cahors par la géographie et la qualité, un reliquaire du début du XIXe s., conservé à la cathédrale de Rodez, est en forme de temple, un niveau de colonnes portant la boîte reliquaire en forme de tempietto à pilastres et dôme (Claire Delmas, Cinq ans de protection des objets d’art en Aveyron, Rodez juillet-août 1980, n° 64).
[32] Ibid., p. 92.
[33] La châsse aurait donc été commandée à un orfèvre local resté anonyme peu avant de recevoir, en 1825, la Sainte Coiffe ? L’absence de tout poinçon est étonnante pour un reliquaire des années 1820, et le fait qu’en 1844 l’abbé Montagne ne fasse aucune allusion à la fabrication du reliquaire, permet de suggérer une telle réutilisation en 1825 d’un reliquaire ancien, mais ne provenant pas nécessairement de la cathédrale ?
[34] Notice sur La Sainte Coiffe.
[35] et vénéré par le truchement de son épée Durandal fichée dans la falaise de Rocamadour, lorsqu’il la lança depuis Roncevaux de toute la force de sa foi et de son appel désespéré avant de succomber aux Sarrazins…
[36] Discours prononcé à la Cathédrale de Cahors, 25 mars 1904, par M. l’abbé Boniface, prédicateur, in Revue religieuse de Cahors et Roc-Amadour, Cahors, 25 mars 1904, 486-492. In R. Badinet, 207-213
[37] Cf. notamment op. cit., 178 & sq.
[38] Babinet, op. cit., 202
[39] évêque : episcopus – celui qui voit, et rayonne, tout à l’entour, littéralement
[40] Cf. le Chanoine Montaigne, et Dominicy qui les relatent au XVIes., ainsi que Babinet, op. cit. 98 & divers
[41] Rappelons, pour les incidences incalculables que ces démonstrations de ferveur peuvent revêtir, que le Grand Pardon de 1428 à Rocamadour se révéla lié à la mission de sainte Jehanne d’Arc tandis que Charles VII, dans sa reconquête de son titre magnifique de « roi capétien de toutes les républiques » y vint en l’année de son sacre, 1429, toujours en « Grand Pardon » - cf. le merveilleux ouvrage d’Henry Montaigu, Rocamadour ou la pierre des siècles, SOS Editions, 1974, p. 42, 97-98 & autres - Il semble peu probable qu’il ait pu alors ignorer, revenant des Etats du Languedoc à Toulouse et se dirigeant sur l’abbaye de Tulle, l’existence de la Relique christique à Cahors.
[42] 32 stations furent visitées, en plus de celle de Rocamadour : à St Henri, St Pierre-Lafeuille, Maxou, Francoulès, St Pierre-Liversou, Mechmont, Ussel, Puycalvel, Lamothe-Cassel et Murat, Beaumat, Labastide-Murat, Vaillac, Montfaucon, Carlucet, Couzou, Roc-Amadour le 8 septembre. Relation A.-J. Bessières, Revue religieuse de Cahors et Rocamadour, 6-19. Retour à Cahors par Rignac, Gramat, St-Chigne, Reilhac, Lunegarde, Fontanes, Caniac, Sénaillac, Artis, St-Cernin, Lauzès, Cours, Vers, La Madeleine, Laroque-des-Arcs. Ibid., 19-23
[43] Cf. la Mission Zachée initiée par le Père Ronan de Gouvello et élevée à la force du témoignage de la Miséricorde divine par Monseigneur Camiade, l’effigie médiatrice de Notre-Dame de Rocamadour pérégrinant à dos d’âne dans chaque paroisse du Lot en avril, mai et juin.
[44] Ibid., 197
[45] Je remercie particulièrement le Père Bertrand Cormier pour m’avoir éclairée de ses archives autour des études scientifiques initiées sous l’autorité de l’évêque de Cahors en 2004, alors qu’il était en service à la cathédrale Saint-Etienne. Il suscita un protocole d’examen scientifique par le Groupe d’étude et de recherche Rhône-alpin du Linceul de Turion (GERRALT) sous la direction du Dr Commerçon, spécialiste de biologie moléculaire, et la création d’une association de fidèles pour soutenir cette étude et contribuer au rayonnement de la dévotion envers la Relique, qu’il conviendra sans doute de réanimée en ces temps nouveaux.
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