L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.
Le 14 mai dernier se levait sur la France inquiète un soleil noir porteur d’une affreuse nouvelle. Un homme, menottes aux poignets, épuisé, humilié, escorté par deux hommes patibulaires, était exhibé, tel Vercingétorix lors du triomphe de César, sous les yeux du monde atterré. Dominique Strauss-Kahn était son nom. De Washington à Rikers, du tribunal de New York à Tribeca, nous avons pu vivre le chemin de croix de cette malheureuse victime, happée par les mâchoires de fer de l’implacable machine judiciaire américaine. Mais l’astre du jour s’est à nouveau levé, un beau jour, et a nimbé de ses rayons salvateurs la vertu retrouvée de cet homme, blanchi par la justice (sépulcre blanchi, dites-vous, sycophantes glaireux ?). Il était libre, encensé par la subversive Claire Chazal, adulé par les journaux français, accueilli en liesse par le peuple de France, avant que ne lui fussent remises les clefs de la place des Vosges. La « faute morale » du martyr de Tribeca est à présent oubliée. Il est innocent, c’est tout ce qui compte. En effet, tout au long de cette sinistre affaire, alors que la moralité de la plaignante était remise en question, alors que nos oies blanches s’indignaient du sort de Saint Dominique, ces dernières craillaient en chœur les doux mots de « présomption d’innocence ». « Respectez ce principe fondateur de notre justice républicaine », surtout ! Tous les jours, cette sacro-sainte règle, base de toute justice démocratique, était martelée, chaque jour, par les journalistes, le parti socialiste, même la ligne officielle de l’UMP : Laissez la justice faire son travail, diantre ! Elle l’a fait, à présent, le débat est clos.
Le 13 septembre dernier, une association américaine d’anciennes victimes d’abus sexuels, les « Survivors Network of those Abused by Priests », a annoncé qu’elle avait déposé une plainte devant la cour pénale internationale contre le Pape Benoît XVI, ainsi que d’autres responsables de l’Eglise catholique, pour crime contre l’humanité. On en a la preuve, Benoît XVI a couvert les atrocités commises par les prêtres. Il a délibérément organisé le viol de masse des enfants de chœur comme substitut au mariage des ministres du culte. Ça y est… un nouveau palier est atteint ! Le monde médiatique nous annonce comme un seul homme, à grand renforts de flashs infos et de messages radiophoniques la plainte déposée devant la cour. Benoît XVI est traîné devant le tribunal international comme Milosevic, Goering et d’autres crapules notoires. Quoi de plus normal, me direz-vous, pour le chef du « gang des pédophiles » ? Là, nous n’avons trouvé que des gens pour nous dire que la plainte n’aboutira pas, mais aucune pour défendre « la présomption d’innocence »… Curieux.
Je passerai sur le débat juridique qui s’en est suivi. Benoît XVI ne sera bien sûr pas inculpé, traîné devant le tribunal et guillotiné au lever du jour… Les associations gays et Rue 89 n’ont plus qu’à remettre le champagne au frais. Le pape en est-il tiré d’affaire pour autant ? Il semble que rien ne soit moins sûr. Non pas que l’on puisse voir Ratzinger un jour pieds et poings liés, mais la meute médiatique affolée, humant l’odeur de l’encre, va se délecter de ces affaires sordides pendant encore de nombreuses semaines, sans la moindre déontologie, s’asseyant sur la souffrance des victimes, se moquant de la Foi de millions de fidèles, en attendant un autre scandale… La Place Saint Pierre fascinera les médias toujours plus que la Place des Vosges. Peut-être le Pape devrait-il prendre sa carte au Parti Socialiste pour qu’on lui fiche la paix ? Si seulement les prêtres pouvaient se marier ! L’on aurait pu voir sa fière épouse le soutenir tout au long de cet interminable chemin de croix… Fin de la séquence émotion.
Effectivement, le fond du sujet est d’autant plus grave qu’il touche à l’innocence de centaines, voire de milliers d’enfants, abusés par leurs pasteurs. Le loup travesti en berger a semé la désolation dans le troupeau, et nombre de brebis furent perdues. Depuis des années maintenant, les affaires tombent avec fracas sur l’Eglise. Que ce soit d’Irlande, d’Autriche ou des Etats-Unis, les plaintes s’abattent sur la plus vieille institution du monde. En me penchant sur ces odieuses affaires, il me souvient avoir lu un titre du Figaro, en 2009, assénant « un prêtre pédophile hébergé dans l’ancien évêché du Pape ». L’Express était allé plus loin encore, en affirmant : « Benoît XVI éclaboussé par le scandale d’un prêtre pédophile ». A les lire, l’on pourrait croire que Benoît XVI aurait été complice de pareilles horreurs… Présomption d’innocence ? C’est pas le moment, enfin ! Les journaux allaient même jusqu’à accuser le propre frère du Pape… Là non plus ? NON, ON T’A DIT ! La chasse à l’homme était lancée, pour ne jamais s’interrompre. Aujourd’hui, comme hier je m’insurge face à une telle désinformation, qui porte encore une fois atteinte à l’Eglise catholique, et à son Pape. Il semble que les principes n’engagent que ceux qui y croient.
Mon propos n’est pas d’excuser ces actes odieux qui ont été jugés. Je ne veux ni les minimiser, ni les expliquer. Au cœur de la tempête, en février 2009, l’évêque d’Eichstätt, en Bavière, Monseigneur Gregor-Maria Hanke, rappelait une vérité qui n’a échappé à personne, y compris dans l’Eglise : « Chaque faute est une faute de trop ». La pédophilie est considérée par l’Eglise, comme par la société, comme un acte contre-nature, un crime, une abomination. La faute est d’autant plus grave qu’elle laisse les victimes dans une situation dramatique, et jette sur le message du Christ un voile de suspicion. Combien d’âmes ont-elle été perdues par la faute de si peu d’indignes pasteurs ? Ces hommes doivent être punis, une fois les faits avérés. Je ne le discute absolument pas, et, au contraire, je le réclame. Mais cette punition doit arriver si, et seulement si les faits sont avérés par la justice, et non par les médias. La présomption d’innocence ne s’applique pas qu’aux richissimes libidineux. Elle s’applique également à l’Eglise, et à ses prêtres.
Les prêtres, tiens, parlons-en. A en croire nos pychopathologistes cathodiques, il ne faut pas s’étonner de voir l’éclosion d’autant de cas parmi une population poussée à l’abstinence sexuelle par des règles d’un autre âge… Le lien entre célibat et pédophilie est faux, et grotesque. Il est de plus insultant à l’égard de ceux qui, sans pour autant être prêtres, le vivent. Même s’il est très délicat de parler de chiffres, surtout en cette matière, il existe quelques statistiques venues d’outre-Atlantique, qui démontrent que l’image du prêtre pédophile est bien loin de refléter une vérité générale. Je conviens que ce genre de statistiques est complexe à mettre en place, et peut être très largement discutée sur le plan scientifique. Mais elle a le mérite de donner un ordre de grandeur, et surtout une comparaison par rapport à la population réelle.
Aux Etats-Unis, d’après the Associated Press, et The catholic league, les cas d’accusation de pédophilie concerneraient 1% des prêtres. Si l’on parle condamnation, l’on retombe à 0,06%, avec des gens qui n’ont certainement pas les moyens de payer M. Brafman pour les défendre. Je rappelle pour mémoire que le père Dominique Wiel, accusé à Outreau, a été mis hors de cause. Il a été blanchi par la justice, acquitté, donc. Il ne s’agit ni d’un non-lieu, ni d’un vice de procédure… Si l’on compare avec la totalité de la population, la différence est sans appel, puisque l’on monte à 4% des hommes. The american medical association affirmait, en 1986, suite à une enquête, qu’une fille sur quatre et qu’un garçon sur huit avaient subi au moins un abus sexuel avant l’âge de dix-huit ans. La suite de l’enquête présente des chiffres tout simplement effarants, que je vous présente directement : « It was reported in 1991 that 17.7 percent of males who graduated from high school, and 82.2 percent of females, reported sexual harassment by faculty or staff during their years in school. Fully 13.5 percent said they had sexual intercourse with their teacher. In New York City alone, at least one child is sexually abused by a school employee every day. One study concluded that more than 60 percent of employees accused of sexual abuse in the New York City schools were transferred to desk jobs at district offices located inside the schools. Most of these teachers are tenured and 40 percent of those transferred are repeat offenders. They call it “passing the garbage” in the schools. One reason why this exists is due to efforts by the United Federation of Teachers to protect teachers at the expense of children. Another is the fact that teachers accused of sexual misconduct cannot be fired under New York State law ».
La lecture de ces données m’a fait me lever de ma chaise. Je n’y croyais pas, jusqu’à ce que je lise des données similaires sur le site de l’INED [1], ou dans un rapport du Sénat du 8 octobre 2003. Ainsi, la pédophilie est un « fait social », pour me la jouer sociologue, bien plus présent que nous le pensons. C’est une réalité sociale globale, et pas un fait circonscrit à l’Eglise catholique. Une enquête de février 2004, commandée par The catholic league for religious and civil rights, et réalisée par the chirdren’s bureau of the U.S. department of Human Services présente des données intéressantes et édifiantes. En 2001, aux Etats-Unis, 903.000 enfants auraient été victimes de maltraitances. 10% d’entre eux auraient subi des abus sexuels de toute nature. L’enquête rapporte que 28% des abus sont le fait d’amis ou de connaissances de la famille, que 18% sont des oncles ou des cousins, que 12% sont les beaux-pères, que 10% sont des frères et sœurs, 10% des parents, 9% des amis de la mère, 7% des grands parents, et 4% des étrangers. Cela signifie que 86% des abus sexuels auraient lieu au sein de la famille ou du cercle d’amis. Cette enquête, réalisée parmi des ménages pauvres, donne à peu près les mêmes résultats dans d’autres catégories sociales. Ce constat fait froid dans le dos, et fait réfléchir sur l’ampleur du drame… Pointer l’Eglise du doigt, c’est en somme se plaindre de la paille dans son œil, alors que la société toute entière est aveuglée par une poutre de belle taille.
Malgré tout, il reste une distorsion dans la perception de ce crime par la population, qui estime, d’après un sondage du Wall street Journal en Avril 2002, que 64% des américains pensent que les prêtres catholiques s’adonnent régulièrement à des actes pédophiles. Une idée qui dénote avec la rareté de ce phénomène parmi le clergé, encore que, bien sûr, tout acte de cette nature soit inexcusable. Le problème n’est pas vraiment là. Il faut plutôt se pencher sur les 99,4% de prêtres innocents qui subissent les crimes de quelques brebis égarées.
Il faut également raison garder. Dans ces cas commis au sein des familles, il ne semble pas que ce soit le célibat qui soit en cause. L’organisation de l’Eglise n’a donc rien à voir avec ces cas, absolument rien. J’inviterais les personnes allant de leur petite remarque sur cette question sans toutefois être catholiques, de garder leur opinion pour eux, de même que l’Eglise ne s’occupe pas, contrairement à ce qui est dit, de leurs états d’âme sexuels. (En la matière, il est cocasse de voir qu’on lui reproche son silence en 1943, et qu’on lui demande de se taire aujourd’hui). La surexposition de cette question est purement scandaleuse, non pas parce qu’elle va à l’encontre de ce qui est le fondement de ma vie, mais surtout parce que cette indignation est bien sélective. La vision de la masse étant trop souvent arrêtée à l’humanisme de supermarché de TF1, l’opinion publique pensera que les prêtres sont des pédophiles. Les dogmes prononcés ex-cathedra par les médias de masse revêtent de plus en plus un caractère infaillible. Et la moralité des journalistes ? Les nouveaux tenants de la morale cathodique, véritables gourous d’une nouvelle religion, non plus sacrée, ni politique, mais uniquement médiatique et lobotomisante, nous abreuvent à longueur de temps de leur discours moralisateur à trois drachmes sur la tolérance, la liberté des femmes, des gays, la situation préoccupante des bébés phoques ou encore la protection de la forêt vierge où la main de l’Homme n’a jamais mis le pied... Ils voient des victimes partout, la discrimination se substituant au péché originel. J’hésite à parler de complot, ayant pour ces thèses le plus grand mépris. Mais il faut se rendre à l’évidence : nos médias sont des girouettes : la présomption d’innocence ne semble s’appliquer qu’à deux vitesses… En tout cas, si être catholique devient un crime, je confesse être moi-même un dangereux criminel !
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