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Migrant spirituel, exilé parmi mes pairs, qui pourrait l’être plus et mieux que moi ? Au risque d’occuper trop d’espace, je me permettrai d’ajouter un poème récent, où la déréliction reçoit un sens esthétique. Que l’on n’y voit pas de l’autosatisfaction ; je n’aime pas tant ce poème, choisi parmi bien d’autres, plus attrayants [1], et qui s’impose ici comme une conclusion des remarques précédentes.
Son titre, Tomber dessus, comporte deux sens opposés : un événement inopiné, chanceux ou malencontreux. L’idée majeure est de conjuguer le passé et le présent, parmi d’autres notions. Ses dix-neuf vers sont centrés sur « Deux souliers dans la pluie », dont je laisse le lecteur imaginer le symbolisme, qui implique jusqu’au genre de ces deux motifs. La symétrie des éléments que l’on « distingue mal » et des pavés « mal vêtus », suggère la confusion du sujet regardant et de ce qu’il regarde, ou déchiffre. Des « lumières de novembre » à la « lumière bleue », c’est la mise en rapport du temps et de l’espace, eux aussi confondus.
Tomber dessus
Les lumières de novembreont moins de cœur que-- tout au fond d’une couroù le jour se meurt sur les frondaisons.On distingue mal entre la pierre et le cielcomme entre le portail et les cailloux viergesdu terre-plein. L’aile des anges s’effiloche,au réveil d’une mauvaise nuitsous l’abri du mur déteint.Deux souliers dans la pluiedérangent un souvenir sans âgeaux couleurs de plaque de rue.Les pavés trop frais, mal vêtus par l’asphaltese lisent de droite à gauche.Une ombre exacte jette sa lumière bleuesur un compagnon de parages, tombé de la pluie.Mais on ne sait devant quoi l’on reculeen préférant l’oubli.
25 novembre 2017
Le décor évoqué dans ce poème est en fait le télescopage de l’intérieur d’une église et de différents points de vue extérieurs, sans rapport avec elle. L’aile des anges qui « s’effiloche » (dans une peinture religieuse) ne suffit pas à donner sa valeur mystique à ce fractionnement du sens : à mi-chemin de la division de l’être, qui hante le poème, et de la plénitude du Verbe ; une ambiguïté qu’expriment les « cailloux vierges » du terre-plein.
La symétrie est d’ailleurs mise à l’épreuve, par des détails qui font douter de l’équilibre du poème. L’ « ombre exacte », projetée sur une figure incertaine, exprime cette ambiguïté de la forme, harmonisée au contenu du poème. La reculade finale exprime l’incertitude, sur le sens même de ce qui est vécu : détachement spirituel propice à la contemplation, — ou introspection perverse qui, en confondant le passé et le présent, le partage amical et la solitude, ne spiritualise qu’une contradiction mortifère, inscrite dans nos êtres, et que les anges n’ont plus le pouvoir de pacifier.
[1] Ma singularité n’est pas d’avoir écrit tant de poèmes, mais d’avoir multiplié les modes d’expression : séries thématiques, collages de toute sorte, à une époque où je n’imaginais pas qu’on puisse leur accorder de l’intérêt. On ne les comprendrait pas mieux aujourd’hui : j’ambitionnais de confectionner des microcosmes, les universitaires n’y verraient aujourd’hui que des exercices de déconstruction ou pire de détournement : notions toujours étrangères à ma pensée. J’ai tardé à rassembler quelques exemples de ce travail dans des recueils (Effets de serre, Paysages sous tension, et surtout Histoire de l’art), après quelques parutions confidentielles, et parfois des bilans autocritiques dans des revues.
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