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Arrivé dans un Etat en proie à la guerre des narcotrafiquants (plus de 40 000 morts depuis 2006), le pape a reçu l’accueil chaleureux de la société mexicaine en quête d’espérance. La messe en plein air, qui concluait sa visite, à Leon, a rassemblé 350 000 personnes.
Benoît XVI a salué la figure du Christ-Roi : « Le règne du Christ ne consiste pas dans la puissance de ses armées pour soumettre les autres par la force ou la violence. Il se fonde sur un pouvoir plus grand qui gagne les cœurs : l’amour de Dieu qu’il a apporté au monde par son sacrifice, et la vérité dont il a rendu témoignage. C’est cela sa seigneurie, que personne ne pourra lui enlever, et que personne ne doit oublier »
Après le Mexique, la visite de Benoît XVI à Cuba est très attendue et fut soigneusement préparée par le régime. Les médias officiels souhaitent la bienvenue au pape : « Cuba se sent honorée de montrer son hospitalité, le patriotisme et la vocation humaniste et solidaire de son peuple ». La dénonciation par le Saint-Siège du blocus de l’île par les Etats-Unis et la « même analyse humaniste » du régime et du Vatican sur la justice sociale sont abondamment repris. L’anticatholique et castriste de salon Jean-Luc Mélenchon apprécierait…
Malgré les manœuvres de Raul Castro, qu’on décrit « pire que son frère », pour assurer la transition du communisme cubain vers les modèles chinois et vietnamien, le régime est fragilisé par l’explosion de la société. Le Père Jean-Yves Urvoy, de la communauté Saint-Martin (qui fut l’aumônier de mon collège, jadis…), dépêché à Cuba en 2006, témoigne dans Valeurs Actuelles : « Les Cubains sont un peuple fatigué et humilié par des années de dictature. Ceux qui gardent un peu d’espoir sont ceux qui ont un “plan d’évasion”. Les pères partent faire fortune en Floride et beaucoup ne reviennent pas, subjugués par la société américaine de consommation. (…) Le problème des familles éclatées est immense. Notre priorité est la jeunesse, en manque de tout. » [1]
Quand Fidel Castro s’empare du pouvoir en 1959, il est soutenu par les Etats-Unis, lassés de la dictature mafieuse de Batista. Son premier voyage officiel fut à Washington, mais suite aux pressions américaines et à l’épisode de la Baie des cochons, il se tourne vers l’URSS et adopte le marxisme-léninisme. Il fait expulser et emprisonner le clergé catholique (ainsi que les protestants et les animistes) d’une île officiellement athée. Mais en 1992, l’irréligion d’Etat s’adoucit en laïcité, et Jean-Paul II est reçu à Cuba en 1998.
Tout comme le dernier leader soviétique Mikhaïl Gorbatchev dans les années 1980 avec l’Eglise orthodoxe, la dictature cubaine agonisante souhaite se servir du catholicisme pour pallier à la démoralisation générale. Il se murmure en outre que Fidel Castro serait en pleine quête spirituelle… Quoi qu’il en soit, si le retour de la pratique religieuse se fait attendre, l’Eglise redevient peu à peu une institution majeure à Cuba. « Nos évêques ne doivent pas se laisser phagocyter » avertit Don Jean-Yves, comme le craignent certains dissidents du régime.
Se garder des récupérations politiques est une vieille exigence de l’Eglise en Amérique latine. D’une certaine lecture de la « théologie de libération » flirtant avec le marxisme aux « régimes chrétiens » conservateurs vantés par feu Mgr Lefebvre, le message de l’Evangile doit défendre sans cesse son appartenance spirituelle… même s’il n’est pas indifférent aux réalités de ce monde, comme l’a déjà affirmé le pape, à Cuba : « Il est évident que l’Église est toujours du côté de la liberté de conscience ».
Au Mexique, pays à 80 % catholique, le nombre de fidèles s’est toutefois érodé depuis les années 1970, au profit des Eglises protestantes évangéliques et pentecôtistes, comme le démontre le chercheur du CNRS Sébastien Fath, qui parle de « shift confessionnel » : si le centre mexicain reste exclusivement catholique, l’Etat du Chiapas, au Sud, ne l’est plus qu’à 50-60 %, tout comme le Guatemala et le Belize voisins.
Dans toute l’Amérique latine, la progression de ces communautés, à côté des mormons et des Témoins de Jéhovah aux subventions nord-américaines qui s’engouffrent dans la brèche, est constante : les évangéliques et pentecôtistes constituent aujourd’hui 15 % de la population du Chili, 13 % au Pérou, 13 % en Colombie, et 26 % au Brésil. Ce dernier pays, bastion du catholicisme, est le théâtre d’une considérable mutation religieuse. « L’Eglise catholique a choisi l’option préférentielle pour les pauvres, et les pauvres ont choisi l’option préférentielle pour les évangéliques », me résumait un jour un ancien missionnaire.
"Importé" par des pasteurs suédois au début du XXe siècle, le pentecôtisme au Brésil, grâce à la dimension émotionnelle du culte, suscite un repli communautaire autour d’un prêcheur charismatique, rend la frontière particulièrement floue entre les Eglises et les sectes, et attire à lui de plus en plus de catholiques. S’en résulte également un émiettement à l’infini des communautés religieuses, favorisé par une fiscalité avantageuse. Il est méprisant de réduire cette bataille spirituelle à une lutte pour des parts de marchés, mais certaines sectes poussent la comparaison assez loin : l’une d’entre elles, l’Eglise universelle du royaume de Dieu, est tout simplement une entreprise, qui possède des chaînes de télévision, des supermarchés et des groupes de presse, dont le symbole n’est pas la croix, mais un oiseau blanc, et qui promet la réussite matérielle moyennant finances.
Face à cette nouvelle réalité religieuse, l’Eglise catholique s’accroche à sa solidité institutionnelle et doctrinale, et répond par l’envoi de communautés nouvelles, comme le Chemin Néocatéchuménal, et par l’encouragement du renouveau charismatique. Très sollicitée en Amérique du Sud, la Légion du Christ avait suggéré une stratégie plus radicale, consistant à revenir à un strict formalisme dans les séminaires, et à combattre les évangéliques sur leur propre terrain, à grand renfort de moyens financiers. La déchéance que traverse le mouvement à la suite de son fondateur mexicain Marcial Maciel, escroc de haut vol et prédateur sexuel, a malheureusement coupé cet élan. Benoît XVI ne fut pas insensible à ce dramatique scandale, et ne l’est pas non plus des nouveaux défis sud-américains.
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