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Vers une « somalisation » de la Libye ?

Alors même que les différents gouvernements ayant eu parti prenante à la chute du régime de Kadhafi se félicitent de leur intervention pour l’instauration d’une démocratie, un phénomène quelque peu imprévu est en train de se dérouler en ce moment même. En effet, la chute du régime, dont Kadhafi incarnait la pierre angulaire, pourrait avoir pour conséquence l’application involontaire du plan Bevin-Sforza rejeté par les Nations Unies en 1949.

Ce plan consistait à créer deux états, à savoir la Tripolitaine, ayant des ressources considérables en gaz, et la Cyrénaïque, possédant par ailleurs des ressources conséquentes en pétrole. Cette partition commence à voir le jour avec la proclamation unilatérale de l’autonomie de l’Est libyen par des dignitaires locaux, chefs de tribu et commandants de milice réunis à Benghazi, deuxième ville du pays et berceau de l’insurrection ayant renversé Muammar Kadhafi, devant des milliers de personnes qui les ont applaudis.

Moustapha Abdeljalil, président du Conseil national de transition (CNT) au pouvoir, répliquait aussitôt à cette « provocation » par la menace de « recourir à la force » pour mater les « séparatistes ». S’il réprime la rébellion de ces derniers avec la vigueur d’un Bachar al-Assad, quel dilemme pour Nicolas Sarkozy qui, le 1er septembre à l’Elysée, et au nom des « Amis de la Libye » (dont le Britannique David Cameron, l’onusien Ban-Ki-Moon et l’émir du Qatar), remettait au même Abdeljalil 15 milliards de dollars pour la « reconstruction de la Libye nouvelle » ! Les pays étant intervenus se verraient alors responsables, d’une part, d’un durcissement d’un CNT à la stabilité incertaine, en sus d’être responsable d’éventuels massacres.

Ceci ne ferait qu’aggraver une fois de plus la mauvaise image que l’occident peut avoir dans le monde arabe, en soutenant les gouvernements au nom des intérêts, non pas au nom d’une certaine moralité. C’est ce que l’on pourrait appeler, en matière de relations internationales, la théorie dite du "son of a bitch" si chère à Kissinger, et ceci au nom d’une Realpolitik au combien dévastatrice à long terme.

S’ajoute, en plus de l’intention séparatiste de la région de Benghazi, les problèmes liés à l’abondance de l’armement présent dans la région. Ces armes fournies aux milices dans le but de faire chuter Kadhafi suppose des factions surrarmées mais, hélas, parfaitement hors de contrôle. Le diplomate français Patrick Haimzadeh ne s’étonnerait guère que les tribus autonomistes de Benghazi "aillent à l’affrontement avec le gouvernement central, en cas de refus ", "tant ils sont convaincus que " la révolution a été déviée et qu’elle leur a été confisquée par Tripoli". Armin Arefi, journaliste au point, apporte une conclusion criante de lucidité

« Si le candidat Nicolas Sarkozy peut se targuer d’avoir évité le bain de sang que promettait Muammar Kadhafi à Benghazi, il semble bien moins se soucier aujourd’hui du sort d’un pays miné par les intérêts personnels et les rivalités, tant régionales que tribales […] Nicolas Sarkozy s’attendait à une guerre pliée en une semaine, car il ne connaissait pas la société libyenne. Or on ne change pas une culture politique en quelques mois. Cette situation va durer au moins dix ans ».

Enfin, il convient de relever que l’intervention Libyenne, poussée par un triste sire n’ayant aucune connaissance régionale, aura coûté, selon un article de l’express en date du 28/09/2011, la coquette somme de 350 millions d’euro ; dépense dont le contribuable Français aurait pu se passer en ces temps difficiles.

Franz

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