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Tandis que les candidats fourbissent leurs armes pour s’affronter dans la dernière arène du tournoi présidentiel, rappelons-nous ce que les Français attendent de leur futur monarque élu. L’idée est bien connue : nostalgiques sans vouloir l’avouer de la monarchie qu’ils ont abolie dans un coup de sang, ils n’aiment et n’admirent guère que ceux qui leur donnent l’illusion de vivre encore sous la houlette de Louis XIV ou de saint Louis, un soupçon de “laïcité” en plus. Même les républicains forcenés ne les haïssent finalement que par dépit qu’aucun de leurs grands hommes ne les ait surpassés. C’est ainsi qu’à gauche comme à droite, on regrette le grand général, les “causeries au coin du feu” et la figure hiératique de Mitterrand ; c’est ainsi que le personnage de marchant parvenu hyperactif et celui du calculateur mou et minable font grimacer la France de mépris depuis dix ans.
Puisque nous attendons du président qu’il soit un Roi sans oser le dire, présentons-lui le portrait qui devrait être le sien pour nous satisfaire. Jean de La Bruyère le dressa pour nous en 1688 — si nous, Français, avons quelque mérite, c’est celui de la constance. Ce portrait idéal n’est pas exempt de flatterie ni d’une critique subtile, mais ne voudrions-nous pas flatter et critiquer notre président idéal en de tels termes ?
« Que de dons du ciel ne faut-il pas pour bien régner ! Une naissance auguste, un air d’empire et d’autorité, un visage qui remplisse la curiosité des peuples empressés de voir le prince, et qui conserve le respect dans le courtisan ; une parfaite égalité d’humeur ; un grand éloignement pour la raillerie piquante, ou assez de raison pour ne se la permettre point ; ne faire jamais ni menaces ni reproches ; ne point céder à la colère, et être toujours obéi ; l’esprit facile, insinuant ; le cœur ouvert, sincère, et dont on croit voir le fond, et ainsi très propre à se faire des amis, des créatures et des alliés ; être secret toutefois, profond et impénétrable dans ses motifs et dans ses projets ; du sérieux et de la gravité dans le public ; de la brièveté, jointe à beaucoup de justesse et de dignité, soit dans les réponses aux ambassadeurs des princes, soit dans les conseils ; une manière de faire des grâces qui est comme un second bienfait ; le choix des personnes que l’on gratifie ; le discernement des esprits, des talents, et des complexions pour la distribution des postes et des emplois ; le choix des généraux et des ministres ; un jugement ferme, solide, décisif dans les affaires, qui fait que l’on connaît le meilleur parti et le plus juste ; un esprit de droiture et d’équité qui fait qu’on le suit jusques à prononcer quelquefois contre soi-même en faveur du peuple, des alliés, des ennemis ; une mémoire heureuse et très présente, qui rappelle les besoins des sujets, leurs visages, leurs noms, leurs requêtes ; une vaste capacité, qui s’étende non seulement aux affaires du dehors, au commerce, aux maximes d’État, aux vues de la politique, au reculement des frontières par la conquête de nouvelles provinces, et à leur sûreté par un grand nombre de forteresses inaccessibles ; mais qui sache aussi se renfermer au dedans, et comme dans les détails de tout un royaume ; qui en bannisse un culte faux, suspect et ennemi de la souveraineté, s’il s’y rencontre ; qui abolisse des usages cruels et impies, s’ils y règnent ; qui réforme les lois et les coutumes, si elles étaient remplies d’abus ; qui donne aux villes plus de sûreté et plus de commodités par le renouvellement d’une exacte police, plus d’éclat et de majesté par des édifices somptueux ; punir sévèrement les vices scandaleux ; donner par son autorité et par son exemple du crédit à la piété et à la vertu ; protéger l’Église, ses ministres, ses droits, ses libertés, ménager ses peuples comme ses enfants ; être toujours occupé de la pensée de les soulager, de rendre les subsides légers et tels qu’ils se lèvent sur les provinces sans les appauvrir ; de grands talents pour la guerre ; être vigilant, appliqué, laborieux ; avoir des armées nombreuses, les commander en personne ; être froid dans le péril, ne ménager sa vie que pour le bien de son État ; aimer le bien de son État et sa gloire plus que sa vie ; une puissance très absolue, qui ne laisse point d’occasion aux brigues, à l’intrigue et à la cabale ; qui ôte cette distance infinie qui est quelquefois entre les grands et les petits, qui les rapproche et sous laquelle tous plient également ; une étendue de connaissance qui fait que le prince voit tout par ses yeux, qu’il agit immédiatement et par lui-même, que ses généraux ne sont, quoique éloignés de lui, que ses lieutenants, et les ministres que ses ministres ; une profonde sagesse, qui sait déclarer la guerre, qui sait vaincre et user de la victoire ; qui sait faire la paix, qui sait la rompre ; qui sait quelquefois, et selon les divers intérêts, contraindre les ennemis à la recevoir ; qui donne des règles à une vaste ambition, et sait jusques où l’on doit conquérir ; au milieu d’ennemis couverts ou déclarés, se procurer le loisir des jeux, des fêtes, des spectacles ; cultiver les arts et les sciences ; former et exécuter des projets d’édifices surprenants ; un génie enfin supérieur et puissant, qui se fait aimer et révérer des siens, craindre des étrangers ; qui fait d’une cour, et même de tout un royaume, comme une seule famille, unie parfaitement sous un même chef, dont l’union et la bonne intelligence est redoutable au reste du monde : ces admirables vertus me semblent renfermées dans l’idée du souverain ; il est vrai qu’il est rare de les voir réunies dans un même sujet : il faut que trop de choses concourent à la fois, l’esprit, le cœur, les dehors, le tempérament ; et il me paraît qu’un monarque qui les rassemble toutes en sa personne est bien digne du nom de Grand. »
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