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Quelle histoire pour demain ?

Si vous allez sur le site du ministère de l’éducation nationale, vous découvrirez, parmi les onglets « rythme scolaire » ou « égalité filles-garçons », le programme de l’agrégation d’histoire de 2015. C’est à dire le programme que tous les futurs professeurs du secondaire et du supérieur devront potasser pendant six mois afin d’obtenir le concours leur permettant d’enseigner à vos enfants l’histoire de France.
Ne revenons pas sur la nullité d’un concours que doivent passer à la fois ceux qui se destinent au lycée et ceux qui se destinent à l’Université, deux mondes extrêmement différents, surtout aujourd’hui, tant au niveau des savoirs que des méthodes, non plus que sur la pertinence d’un niveau de difficulté si élevé pour se retrouver à enseigner les mathématiques en sixième dans une ZEP, comme c’est arrivé à une mienne professeur, agrégée de lettres classiques.
Intéressons-nous plutôt au contenu de ce programme destiné à élire ceux qui vont apprendre la France aux têtes blondes (ou brunes). Car il s’agit bien de cela : l’Histoire est peut-être une science, mais elle n’est pas neutre ; c’est avant tout un outil de construction de l’identité.
L’Histoire est ce qui nous rattache à nos pères, nous apprend qui nous sommes et où nous allons. En France, c’est par l’Histoire (ou la légende, legenda : ce qui doit être lu) que s’est édifiée la conscience d’appartenir à un ensemble commun, avec ses mythes fondateurs. Au Moyen-Age et à l ’époque moderne, cela se fit autour des Rois et des saints ; après la Révolution autour de « l’épopée » révolutionnaire.

Préparer des hommes globalisés et déracinés

Un des modes d’asservissement les plus noirs est de faire des hommes des individus sans passé. Apprendre ou enseigner l’histoire, c’est partager un passé, donc une identité : mais il est clair que l’on prépare désormais des citoyens d’un monde globalisé, ignorants leur identité propre.
Et ce programme d’agrégation est parfait pour cela.
Jugez-en : Histoire antique, « Le monde romain de 70 av. J.-C. à 73 ap. J.-C. », rien à dire, cela est fort classique et directement lié à nos modes de pensée et notre culture. Mais cela se gâte aussitôt, avec l’Histoire médiévale : « Gouverner en Islam entre le Xe siècle et le XVe siècle (Iraq jusqu’en 1258, Syrie, Hijaz, Yémen, Égypte, Maghreb et al-Andalus)  », l’Histoire moderne : « La péninsule ibérique et le Monde, années 1470-années 1640 » et l’Histoire contemporaine : « Citoyenneté, république, démocratie en France de 1789 à 1899  . »
Après des études chaotiques dans cette matière en premier cycle, celui qui y a survécu étudie vaguement en licence l’Histoire de France, et encore, souvent à travers des questions sociétales ou culturelles, sans jamais approfondir la chronologie ni travailler en profondeur. Je pourrais ainsi multiplier les exemples d’amis chargés de TD, qui doivent restreindre leur vocabulaire et simplifier leurs objectifs pour délivrer encore un peu de savoir. L’obtention du diplôme est presque une formalité. En master, l’étudiant se spécialise sur un sujet, du moins une période, au détriment le plus souvent de tout le reste.
L’agrégation, premier véritable crible pour beaucoup, serait donc idéale pour élargir et approfondir puis tester les connaissances des futurs enseignants sur ce qui est au cœur de leur compétence, l’Histoire de France ?

Que connaîtront-ils des spécificités historiques de notre France ?

Que nenni ! Avec un tel programme très spécifique et orienté, dont on se demande l’intérêt pour l’universitaire déjà spécialisé comme pour le futur enseignant généraliste, comment s’assurer de ce que connaîtra le jeune prof’ des mariages d’Anne de Bretagne et de nos deux rois ? Comment s’assurera-t-on qu’il peut simplifier intelligemment la complexité de la Guerre de Cent-Ans, différencier le catholicisme du luthéranisme, du calvinisme ou du jansénisme, évoquer les guerres de Louis XIV et les rois mérovingiens, Clovis, Hugues Capet, sainte Jeanne d’Arc, Napoléon, De Gaulle, différencier le marquisat de Provence et le comté homonyme, parler de la Franche-Comté ou du Comtat Venaissin : en somme, éclairer nos spécificités géographiques, historiques et culturelles, fruits d’une histoire bi-millénaire ?

Par contre, pour avoir passé des nuits blanches sur ces sujets, les liens entre le Sultan de Damas et le Vieux de la Montagne, l’influence d’Al-Ghazâlî sur la pensée juridique en islam, ainsi que la croyance en l’imam caché n’auront aucun secret pour lui, non plus que le traité de Tordesillas ou que l’incident de Nootka Bay.
La France d’avant 1789 n’existera pas tellement à ses yeux (on n’aime que ce que on connaît) et ensuite il ne connaîtra que la démocratie (rappelons que depuis 1789, nous avons eu presque 40 ans de monarchie, 30 ans d’Empire, et 130 ans de République sans compter la Terreur, les trois Révolutions, l’incertitude 1870-1873 et l’État Français).
Pour le reste il devra débiter son Fernand-Nathan. Mais il est vrai que pour parler du Monomotapa et de l’empire Songhaï, quel besoin a-t-il de connaître intimement l’histoire de son pays...

François de Tainchebraye

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