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Dans le mouvement actuel de réaction auquel « La Manif Pour Tous » (désormais désignée par le sigle « LMPT ») a donné son élan, sa visibilité et son souffle, se joue « un procès de trois cents ans » pour parler comme Maupéou à Louis XVI : le précédent a été perdu, il appartient à la génération montante de gagner celui qu’elle a intenté aux forces politiques qui mènent actuellement, sinon le monde, du moins notre monde. Pour cela, il faut que cette génération comprenne les ressorts de ce procès, soit au fait de ce qui l’attend, et se prépare à l’épreuve qu’elle ne fait que découvrir, pour ne pas en être la victime.
L’adversaire le plus visible de l’heure, nous l’appellerons, faute d’originalité, « la Gauche », puisque c’est ainsi qu’il se nomme lui-même. Cette Gauche est l’héritière de celui des deux courants révolutionnaires qui prirent forme le 11 septembre 1789 au sein de l’Assemblée constituante, l’un en se rassemblant à droite du président, l’autre en se rassemblant à sa gauche, à propos d’un sujet qui paraîtrait tellement anecdotique de nos jours que ce serait perdre du temps que d’y faire allusion ici. Depuis cette date, ladite Gauche, quand elle est au pouvoir, use d’une stratégie absolument invariable dans son fondement qui lui permet de clouer la Droite au sol avec une efficacité redoutable, en la contraignant à adopter son vocabulaire et sa politique. Cette stratégie est celle de la conscience, non plus regardée comme le lieu du dialogue entre l’âme et son Créateur, mais comme un tribunal dont elle serait le seul juge autorisé puisqu’elle prétend seule représenter « le peuple », contre une Droite qui, selon les époques, serait cantonnée dans la défense des intérêts des « privilégiés » (version XVIIIe), des « dominants » (version XIXe), des « impérialistes » (version XXe) et maintenant de la « finance » (version XXIe). Il faut bien admettre que les Droites successives ont montré avec un art consommé un véritable génie à se parer de ces oripeaux idéologiques dont la Gauche se proposait de la vêtir, creusant ainsi depuis trois siècles une multitude de tombes où la Gauche les enterre sous des tombereaux de bonne conscience.
Car la Gauche n’a jamais mauvaise conscience : ainsi, quand les manifestants LMPT ou simples sympathisants s’étonnent du comportement des « forces de l’ordre », ils oublient qui lui donne ses ordres. Si ce n’était pas dramatique, il deviendrait presque attendrissant de voir combien ceux qui reçoivent des coups, se font menacer ou insulter, se font embarquer en garde à vue et y passent un nombre d’heures inouï — tout cela du fait des forces de l’ordre, et pour des faits mineurs, montés en épingle ou imaginaires —, s’étonnent du nombre de manquements à la loi de la part de ceux qui se permettent en fin de compte de leur administrer un « rappel à la loi »... comme s’ils avaient eux-mêmes respecté la loi ! Ce n’est pas le lieu de faire la liste des infractions commises par les forces de l’ordre envers les manifestants LMPT, mais d’en expliquer le mécanisme : si nous étions sous un gouvernement de Droite, la presse déchaînée aurait dénoncé d’ « intolérables violences policières » et aurait réclamé la tête de ceux qu’elle estimerait s’être rendus coupables de « bavures. » Mais voilà, nous sommes sous un gouvernement de Gauche et celui-ci, comme toutes les Gauches qui l’ont précédé, entretient avec la loi un rapport très particulier : dans son esprit, puisque la Gauche incarne « le peuple » et la « bonne conscience », la loi n’est faite que pour récompenser ses partisans et les protéger de leurs adversaires, au nom du principe selon lequel il n’y a « pas de liberté pour les ennemis de la liberté » selon le mot sinistre de Saint-Just, un orfèvre en la matière. La presse globale, tout autant de Gauche, endosse le même discours sans aucun esprit critique, et tout est pour le pire dans le meilleur des enfers possibles. Dans ces conditions, les manifestants LMPT ne doivent pas s’attendre à voir quelque procédure que ce soit respectée naturellement par les forces de l’ordre et ne doivent pas plus s’attendre à un sursaut de la conscience des grands médias : en s’opposant à la marche irrésistible du progrès que la Gauche prétend seule incarner, ces manifestants se désignent comme des ennemis irréconciliables contre lesquels tous les coups sont permis et même nécessaires. Faute de convaincre les grands médias à brève échéance, les manifestants LMPT doivent au moins prendre toutes les précautions et garanties nécessaires pour contraindre les forces de l’ordre... à respecter la loi en portant à la lumière ce qu’elles cherchent à cacher à tout prix : leurs outrances, leur mauvaise foi, leur partialité, leur agressivité et leur violence injustifiée. En d’autres termes, il n’y a d’autre stratégie en ce domaine que de renverser la charge de la mauvaise conscience en montrant les forces de l’ordre en train d’enfreindre la loi, jusqu’à ce que les journalistes (ou, du moins de leurs rédacteurs-en-chef) soient contraints de changer de discours. Un certain avocat, au nom prédestiné de Triomphe, a ainsi montré la voie à suivre : il ne reste plus qu’à l’élargir.
Faire des rappels à la loi... aux forces de l’ordre, dénoncer à la vindicte populaire les policiers si bien habillés en voyous qu’ils en adoptent le comportement, les huer quand ils agissent au mépris de toutes les règles, s’interposer dès que l’occasion s’en présente, ne pas partir sans moyen de filmer, enregistrer et téléphoner... voilà quelques réflexes qu’il va falloir acquérir, ce qui, dans la civilisation du « smartphone », ne devrait pas être trop difficile. En effet, chercher nerveusement son téléphone portable pour tenter de filmer quelques secondes d’un incident quand celui-ci éclate à côté de soi c’est prendre le risque de ne rien pouvoir rapporter d’exploitable : il faut se professionnaliser un peu, et prévoir dans chaque groupe un cameraman disposant de cette multitude de moyens souples que la technologie moderne met à la portée de tous.
Il ne faut surtout montrer aucun angélisme et croire que les forces de l’ordre sont les amis des manifestants, alors qu’elles n’ont que deux missions : les protéger des agressions extérieures si la manifestation est autorisée (le droit de manifester est un droit constitutionnel), ou les réprimer si la manifestation n’est pas autorisée ou déborde du cadre prévu. Tous ceux qui ont participé aux actions LMPT savent désormais que lesdites forces de l’ordre ont un peu de mal à remplir leur première mission, et mettent au contraire beaucoup d’enthousiasme à remplir la seconde dont ils ont parfois une appréciation toute personnelle, phénomène particulièrement sensible à Paris (du fait de la présence des pouvoirs centraux) mais pas toujours inconnu ailleurs (tout dépend de l’intelligence du donneur d’ordre... et comme celle de n’importe quel autre être humain, elle est assez variable). Croire que l’on pourrait amadouer des hommes dédiés à la répression relève d’une naïveté abyssale. Au contraire quelques attitudes doivent devenir l’habitude : on ne parle pas aux forces de l’ordre, on ne leur sert pas la main, on ne les salue pas, et on ne les remercie pas à moins d’avoir une raison objective de le faire (tout cela est d’ailleurs habituellement le rôle des organisateurs, pas celui des manifestants). De même, on n’obtempère pas aux injonctions d’un excité qui crie « Police » et qui croit que cela l’exempte de faire la preuve de son appartenance à ce corps : on lui impose de faire la preuve de son état, et quand un de ces policiers honteux continue à agir en voyou, on l’entoure, on le filme et on le photographie en ameutant l’entourage. On ne répond pas non plus à un membre des forces de l’ordre qui vous tutoie ou se comporte de façon incorrecte envers vous, et on ne cherche pas à discuter avec lui pour le convaincre. Bien évidemment, cela suppose que l’on s’applique les mêmes règles de courtoisie que celles que l’on attend d’un membre des forces de l’ordre. Quand on mène le combat de la justice, on n’utilise que les armes de la justice, et quand on prétend réveiller les consciences il faut s’assurer que la sienne est éveillée.
Ce faisant, en contraignant ceux qui gouvernent à demander aux forces de l’ordre de respecter le droit, on rendra un fier service auxdites forces de l’ordre parmi lesquelles nombreux sont ceux qui préfèreraient utiliser leur savoir-faire face aux vrais voyous et contribuer ainsi à assurer la protection de la société. Alors, quand le gouvernement aura retrouvé le sens de ses responsabilités, en même temps que celui de l’honneur, les manifestants pourront envisager de changer d’attitude envers des forces qui font certes régner l’ordre, mais un ordre partiel qui recule devant les voyous au Trocadéro et charge les manifestants aux Invalides, et un ordre partial qui protège l’état-agresseur et s’en prend aux familles-agressées par une loi inique.
Michel FAUQUIER
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