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Panem et circenses

18 septembre 2012 Benjamin

Cette expression semble assez juste, du moins pour le premier mot. Il est clair que l’homme qui a faim ne peut pas bien vivre, ainsi nous ne reviendrons pas là-dessus. Et l’image du pain pour parler de nourriture est évidente pour tous, à plus forte raison pour un français, me semble-t-il.

En revanche, la seconde notion est moins évidente à cerner. C’est pourquoi c’est sur cela que notre réflexion portera. Des Jeux ! Très équivoque… Est-ce la parole d’un philosophe, qui se demande ce qui est bon pour l’homme ? Ou bien est-ce la parole d’un homme politique qui cherche à amadouer le peuple ? Et qu’entend-on par jeux ? Le sens en est bien changé selon l’option que l’on prend. Mais il ne s’agit pas ici d’une considération historique sur celui qui le premier a dit cela, mais d’une réflexion sur la place des jeux dans notre vie.

Nous ne parlerons pas ici de la place du jeu au sens de jeu de société, ou jeu de carte. Circenses, ce sont les jeux du cirque. C’est donc ce spectacle populaire où le peuple n’est que le public, mais auquel il aime croire qu’il a sa part. Cela fait bien longtemps que les jeux du cirque ne sont plus d’actualité. Quelle horreur en effet que de se réjouir du spectacle d’hommes s’entretuant, sachant que c’est sans effets spéciaux, que la mort est donc réellement présente. Mais ceux qui s’en réjouissaient en avaient-ils conscience ? Ce ne serait pas leur faire excuse que de dire qu’ils n’y prêtaient pas attention : étant dans une arène, devant un spectacle, ils cessaient sûrement de penser à la réalité des choses pour se laisser griser par leurs passions. C’est pourquoi je pense que l’on peut dans une certaine mesure séparer la réalité de ce qui réjouit le public de son enthousiasme pour celle-ci. Ainsi, la question que nous revenons à poser est celle-ci : Est-il bon de se retrouver dans un stade plein à crier son enthousiasme pour encourager ses favoris ? Car c’est finalement de cela qu’il s’agit.

Le fait est que les hommes aiment cela. En tout cas à notre époque, les exemples de tels grand rassemblements de manquent pas. Et pour la majorité, il s’agit du sport. Cela forge une certaine identité, pourrait-on dire. S’agissant par exemple des supporters de football, tous ont en commun une passion, qui leur permet d’échanger afin de faire connaissance. Ainsi cela favorise le lien social. Et dans ce cas, on pourra retrouver cette passion dans une activité commune, qui serait en l’occurrence la pratique du foot entre camarades.

L’homme est un animal politique, c’est à dire qu’il est fait pour vivre en société. Il a donc besoin de lieux communs pour que le lien social se constitue, avant de s’approfondir. Si le lien que procurent des manifestations très populaires est assez superficiel, il est possible de commencer de cette manière avant d’avoir de vrais amis, avec qui on peut partager même ce qui est moins agréable. Ainsi, ce sentiment d’appartenir à un grand groupe, et les moments forts qui y sont associés ne sont pas mauvais en tant que tels.

Il faut donc regarder plus loin que ce seul fait pour pouvoir juger de tel ou tel comportement. Et donc revenir à l’objet de cet engouement. Comme toujours pour trouver ce qui est bon, il va falloir s’appuyer plus sur la raison que sur la sensibilité, et au besoin remettre en question des habitudes pour en voir le fond. Finalement, il faudra voir au cas par cas. Ce qui aujourd’hui suscite le plus d’engouement populaire est le sport. Mais peut-on encore parler de sport ? On voit que certains sports sont plus populaires que d’autres, et je crois ne pas me tromper en donnant la palme au football, du moins en France. Mais la question de savoir si c’est du sport se pose effectivement. Car le sport est une activité physique qui vise à l’origine à améliorer sa condition physique, et qui se présente sous la forme d’un jeu, d’un loisir. Le sport n’est donc pas premièrement une compétition, même si la compétition est une motivation pour ceux qui naturellement ont plus de mal à se fatiguer, à aller au bout d’eux-mêmes. Mais dans le cadre du sport professionnel, il n’y a pas de loisir (puisque c’est payé) et ce qui compte n’est pas la bonne condition physique mais la performance, au point que les sportifs de haut niveau sont bien plus souvent blessés en général que la plupart des gens. Ainsi le sport y perd son essence même. Mais cela en est-il mauvais pour autant ? Il est un peu tôt pour conclure. Pour le moment, il suffit de savoir que l’on parle de sport dans un autre sens, celui de la performance, que d’ordinaire.

Mais l’autre aspect du sport professionnel est le salaire des sportifs. Déjà le fait qu’ils vivent de leur sport peut poser question, mais cela entre dans la redéfinition du sport dans le cadre du sport professionnel. Mais quand on voit l’ampleur de la démesure qui s’y trouve, comment peut-on encore avoir de l’admiration. Le monde du football n’a rien en commun avec notre monde. Le « SMIC » y est 40 fois plus élevé, mais ceux qui ne touchent pas plus ne gagneront pas dans leur carrière la moitié de ce que d’autres gagnent chaque mois. Et ceux-là sont acclamés par le français moyen qui se plaint de son petit salaire, sans la moindre incohérence. Je n’en dirai pas plus.

Un autre événement sportif majeur retiendra maintenant mon attention. Nous avons pu y assister cet été : il s’agit des Jeux Olympiques. On y retrouvera si l’on veut la question du sport professionnel : même si tous les athlètes ne sont pas professionnels, ceux qui le sont ont le droit de participer. Mais pour la plupart on n’atteint pas les mêmes excès, bien au contraire. En revanche, les jeux olympiques ont quelque chose de plus. Ils permettent une compétition pacifique mais acharnée entre les nations du monde. Cela l’était déjà dans l’antiquité au sein du monde grec, et c’est dans cet esprit que le baron Pierre de Coubertin les a modernisés pour retrouver cet esprit. L’identité nationale y retrouve donc de la force, à une époque ou on peine à l’affirmer. Mais un autre point fondamental que l’on peut retenir des Jeux Olympiques est l’évidence qui y est présente de l’identité sexuelle, tellement mise en péril aujourd’hui, niée ou insidieusement oubliée.

Ainsi, la seule chose que l’on peut déplorer peut être l’aspect excessif de certains salaires. Je ne remets pas en cause l’ouverture des JO aux professionnels dans la mesure où il faut aller au bout de soi-même pour gagner, au prix de nombreux efforts que ne permet pas forcément une vie professionnelle en plus. Mais il est bon de rester cohérent, et donc de donner un salaire à la mesure des besoins, non des performances. Et j’en viens par là aux Jeux paralympiques. Lorsqu’on voit ces athlètes, il nous apparaît à quel point la participation peut autant compter que la victoire. À l’exemple d’Oscar Pistorius, premier athlète paralympique à concourir avec les valides, pour qui la victoire était de participer. Ces athlètes ont beaucoup à nous apprendre, puisqu’ils parviennent à aller au-delà de leur handicap. Combien de choses nous "handicapent" sans que nous arrivions à les dépasser ?

Ayons donc des héros, mais que ces héros soient des modèles. Que l’admiration que nous pouvons leur porter et l’enthousiasme qu’ils peuvent susciter soient féconds et bénéfiques dans nos vies. Et finalement, ceux qui répondent le mieux à cela ne sont pas des sportifs, mais des saints. Les sportifs ont des choses à nous apprendre, et ils sont plus accessibles pour la plupart de nos contemporains à qui la sainteté fait peur. Mais nous, n’ayons pas peur de prendre exemple sur ceux dont toute la vie est au Christ, et qui par conséquent vont au bout d’eux-mêmes, et plus loin encore.

18 septembre 2012 Benjamin

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