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Mais qu’on nous lâche, avec la laïcité !

25 janvier 2012 Jean Herbottin

Dans la catégorie « débat qui n’existe pas », je sors aujourd’hui la « Laïcité ». C’est un peu ce qu’a balancé dimanche le sémillant François Hollande. « Je serai le président de la fin des privilèges », a-t-il dit… Bonnet phrygien sur la tête, face à la grande peur des marchés, François promet, François balance, François pose des principes, François part en guerre. Le 4 août, je vous dis ! Il est par ailleurs amusant de voir à quel point M. Hollande fait ce que son camp reproche à la droite… Sur la question de la laïcité, chaque fois que fut pointé le débat, il y eut une bonne âme socialiste pour nous dire : « cela n’intéresse pas les Français ». Mais pourquoi un sujet qui n’intéressait pas les fFançais hier les intéresserait davantage aujourd’hui ? La laïcité se serait-elle vue menacée depuis, au point qu’il faille la « sacraliser » ? Quelques chapelets dans les rues auront sans doute suffi à déclencher la fureur laïcarde du candidat socialiste.

Alors M. Hollande veut inscrire la loi de séparation des Eglises et de l’Etat dans la constitution. Oh, mais quelle révolution ! Il est vrai que cela manquait, car on parlait trop peu de laïcité dans un pays qui ressort le chiffon rouge à chaque manifestation religieuse. Mais à quoi diantre cela servira-t-il ? M. Hollande ne l’a pas expliqué dans son discours fleuve. A rien, de fait, puisque la laïcité est présente dans le premier article de la constitution de notre république : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». La constitution dispose de fait que la république est laïque avant d’être démocratique, ce que chaque citoyen doué de raison aura retenu, puisque on condamne plus facilement les manifestations bien innocentes de chrétiens protestant contre une pièce de théâtre qu’une meute de syndicalistes représentant certes des travailleurs, mais également beaucoup d’égoïsmes. Vous me direz mauvaise langue, mais l’ordre des mots n’est pas ici innocent. Mais passons là-dessus, et interrogeons-nous plutôt sur le « pourquoi » de cette déclaration. En quoi la France devrait-elle relancer le débat de la laïcité, alors que, quand même, les relations sont apaisées entres les cultes et l’Etat ? Pour un candidat qui prétend rassembler les Français, il est assez cocasse de voir qu’il entend de couper des croyants.

Car la laïcité que propose M. Hollande, quelle est-elle ? Le problème, avec les concepts un peu flous, c’est qu’il existe plusieurs interprétations, et que personne ne s’accorde sur la réalité de « l’esprit » de la loi. La laïcité est une forme de séparation du politique et du religieux. Sur cela, chacun trouve un terrain d’entente. Mais alors que certains y voient la neutralité de l’Etat vis-à-vis des cultes et l’éviction du religieux de la décision politique, d’autres voient l’évacuation du religieux de la sphère publique en général, c’est-à-dire l’idée très répandue selon laquelle les religions n’auraient pas à intervenir dans le débat public. Il suffit de voir les crispations sitôt qu’intervient un évêque ou le pape pour se rendre compte qu’à gauche, c’est davantage la deuxième option qui semble avoir été retenue. Les religions seraient-elles si dangereuses pour qu’on doive les museler ? Dangereuses pour qui ? A partir du moment où est actée pour tout le monde l’idée que le religieux ne remplit aucun office public, alors cela devrait suffire. La paix civile, première tâche des gouvernants, en est de facto assurée, puisqu’aucune religion ne pourra espérer façonner la loi à sa convenance. Eliminer les religions de la sphère publique revient à interdire le pluralisme. De quelle laïcité parle M. Hollande ? Je n’entends pas lui faire de procès d’intention, c’est pour cela que je laisserai la question ouverte… En attendant, rassurons-nous, comme le dit mon camarade Carl Moy-Ruifey, il n’a pas l’intention de nous guillotiner, comme le témoigne son communiqué à l’épiscopat, affirmant qu’il s’agissait là d’une « simple formule de meeting ». Admirons au passage la force de la conviction.

Pour le reste, il nous faudra patienter, afin de voir ce que M. Hollande veut faire concrètement. Car s’il a invoqué de grandes figures, de grands combats, quelques mesures très générales, il n’a pas dit ce qu’il voulait mettre dans la constitution. La loi de 1905 entière, au risque de provoquer un tollé en Alsace-Moselle et dans les départements d’outre-mer, de rendre le système irréformable, alors que la France de 2012 n’a plus rien à voir avec celle de 1905 ? Alors nous qui avons tendance, par mépris pour notre propre pays, à chercher des solutions ailleurs, regardons l’exemple de l’Allemagne, où les religions, séparées de l’Etat, en sont partenaires. L’Histoire de l’Allemagne est certes différente de la nôtre, mais les allemands ont compris ce que les Français refusent de voir : les religions ont quelque chose à apporter. Elles en ont même le devoir, car, constituées de citoyens, elles ont une vision du monde qui dépasse les excès du temps. Dans une société chrétienne, même si les négationnistes sont nombreux, l’Eglise catholique en particulier, a un message à apporter. En réaffirmant les fondements de notre société, elle est parfaitement à sa place, encore qu’on puisse regretter qu’elle ait abandonné, contrairement à l’Eglise italienne, sa dimension politique active. Chesterton écrivait : « Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles ». L’intégrisme laïque est le cancer qui s’est développé sur l’idée chrétienne de séparation du religieux et du politique. Il nous appartient donc, chrétiens, d’en extraire les métastases avant que la maladie ne tue le corps entier… Nous saurons en mai prochain si l’opération est un succès.

25 janvier 2012 Jean Herbottin

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