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J’ai mal à l’Unité

Décidément, l’actualité fait honneur aux anglicans ! Hélas, nous aurions aimé que cela soit sous la forme de nouvelles meilleures que celles qui viennent de nous parvenir.

Ci-dessus : Messe célébrée selon la liturgie traditionelle anglicane dans la basilique du Sacré-coeur de Newark, New Jersey (Etats-Unis), en juin 2010.

Réunis à Johannesburg (Afrique du Sud) du 28 février au 1er mars, 12 des 20 évêques « actifs » de la Traditional Anglican Communion ont rejeté la Consitutiton apostolique Anglicanorum Coetibus, proposée par le pape Benoît XVI aux groupes d’anglicans désireux d’intégrer l’Eglise catholique. Le Collège des évêques a également accepté la démission de leur primat, l’archevêque australien John Hepworth. L’archevêque indien Samuel Prakash a été nommé pour lui succéder.

La Traditional Anglican Communion (TAC) fut crée en 1990 par Louis Falk, pasteur de l’Eglise épiscopale des Etats-Unis, la province anglicane américaine, en réaction à l’ordination de femmes à la prêtrise dans « l’Eglise-mère » de la Communion anglicane, l’Eglise d’Angleterre. Dissidente de la Communion anglicane officielle, dont le primat est l’archvêque de Canterbury Rowan Williams, la TAC compte 400 000 fidèles dans le monde, répartis en 33 évêchés. En 2002, l’archevêque John Hepworth succédait à Louis Falk en tant que primat de cette fédération de « tradis » anglicans, qui se rattachent à l’anglo-catholicisme et au Mouvement d’Oxford.

Les Très-Révérends Falk et Hepworth n’ont eu de cesse de rechercher l’unité avec Rome, en portant un projet crédible de coporate reunion ("réunion de corps") du clergé et des fidèles anglicans dans l’Eglise catholique. Le premier contact eut lieu en 1991 avec le président d’alors du Conseil Pontifical pour l’unité des Chrétiens, Mgr Pierre Duprey. En octobre 2007, en l’église Ste Agathe de Portsmouth, en Angleterre, les évêques de la TAC réunis autour de Mgr Hepworth signèrent sur l’autel le Catéchisme de l’Église Catholique, et envoyèrent au Cardinal Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi, un courrier demandant à Rome l’entrée en communion avec elle. Cette « réunion de corps » fut rendue possible, avec la Constitution Apostolique Anglicanorum Coetibus , promulguée par Benoît XVI en novembre 2009.

Malgré ces avancées prometteuses, les dissensions internes à la TAC ont coûté la place de son primat, l’archevêque John Hepworth, qui annonça sa démission en décembre 2011, sous les pressions de la majorité des évêques. Les causes du conflit ne sont pas encore très claires. Il semblerait que certains clergymen de la TAC aux Etats-Unis soient hostiles à revenir dans l’Eglise catholique, par souci de garder leur indépendance et par manque de conditions favorables, ce qui revient au même. Récemment, le refus de l’archevêque de Philadelphie, Mgr Charles Chaput, d’ordonner prêtre dans l’Ordinariat de la Chaire de Pierre (la structure prévue par Anglicanorum Coetibus en Amérique du Nord) l’évêque local de la TAC, Mgr David Moyer, a pu renforcer les arguments des opposants à la réintégration dans l’Eglise.

Nous sommes en attente de précisions sur les causes et les conséquences de ce refus de la part de la Communion traditionelle anglicane. D’ici là, nous ne pouvons que regretter cet obstacle supplémentaire à la quête de l’Unité de l’Eglise, déjà malmenée avec la complexe affaire des lefebvristes.

Jésus fut sévère avec les pharisiens : « Guides aveugles, qui arrêtez au filtre le moustique et engloutissez le chameau ! » (Mt. 23.24). Tandis que les uns et les autres semblent pour l’instant préférer leur ghetto mental, leur si précieuse indépendance ou leurs exigences personnelles à la pleine communion avec le Saint-Père, reconnaissons au primat démissionnaire de la TAC Mgr John Hepworth une remarquable passion pour l’Unité.

Cet homme a été violé pendant des années par trois prêtres, alors qu’il était séminariste catholique à Adélaïde (Australie), de 1960 à 1968. Ses agresseurs lui avaient imposé le silence au nom du secret de la confession. Lorsque John Hepworth rencontre en 1972 l’archevêque d’Adélaïde, James Gleeson, pour lui confier les sévices qu’il a subi, celui-ci aurait déclaré : « Si vous êtes venu ici pour me dire cela, vous pouvez partir maintenant ».

Abusé, défroqué, excommunié à cause de son ordination anglicane, divorcé-remarié (ce qui impliquait sa réduction automatique à l’état laïc en cas de retour), John Hepworth a beaucoup souffert, et aurait pu être animé d’une haine terrible contre l’Eglise. Pourtant, il n’a pas abandonné son désir de servir le Christ et Son Eglise, une, sainte, catholique et apostolique : tel était le sens de son action à la tête de la TAC.

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