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Editorial & revue de presse n°5

11 mars 2012 Bougainville

Naïvetés et confiance

L’Occident est pavé de bonnes intentions. Au nom des bons sentiments et de l’émotion, des valeurs sont piétinées, des mensonges sont tus, et la réalité est ignorée. La revue de presse de cette semaine nous en offre quelques exemples. On ne peut toutefois pas reprocher à nos contemporains d’être animé d’un humanisme aigu, de se sentir concerné par ce qui se passe dans le monde, et d’avoir des projets très légitimes. Citons la campagne lancée ce 5 mars par l’ONG américaine Invisible Children, qui vise à déclencher une mobilisation virtuelle mondiale contre Joseph Kony, haïssable écorcheur ougandais. Cet évènement électrise le monde des geeks anglo-saxons, et le film qui circule mérite d’être vu. Comment ne pas partager les buts de cette ONG, qui prend la défense d’enfants-soldats ? L’émotion et l’efficacité des moyens de communication aveugle l’internaute jusqu’aux tripes. Impossible d’émettre la moindre objection, comme de se demander quel impact un clip pour jeunes occidentaux a réellement sur le terrain africain. Ou pourquoi cette ONG vole au secours d’un Ouganda chouchou des Américains, alors que Joseph Kony n’y opère plus, et qu’il s’est replié en Centrafrique et en République démocratique du Congo ? Au fond, peut importe. Le but des auteurs de cette campagne, c’est promouvoir un « nouveau monde », un nouvel ordre mondial, basée sur la communion des internautes, et l’Evangile des bons sentiments.

Le monde est plein de vertus chrétiennes. Mais dès qu’elles se séparent de leur tronc spirituel, et qu’elles ignorent les autres vertus, elles deviennent folles. La charité seule enrôle les âmes sensibles dans le droit d’ingérence occidental. La foi isolée se meut en fanatisme. Quant à l’espérance, « elle seule portant les autres », écrivait Péguy, mais se fondant sur Jésus-Christ, c’est elle qui donne aux chrétiens la force de poursuivre leur chemin dans le monde. Sans être sourds à ses préoccupations, mais sans être naïfs - ni cyniques, d’ailleurs. En ayant toujours confiance en Dieu, qui S’est fait homme pour partager nos souffrances et nos joies.

Scandale en Russie, tabou aux Etats-Unis

Le 4 mars voyait la victoire annoncée de Vladimir Poutine au premier tour de la présidentielle russe. Malgré l’hystérie des médias occidentaux et l’appréciation peu diplomatique de notre ministre des Affaires étrangères, il semble que les Russes aient préféré renouveler l’expérience de ce « Tsar » populaire, qui leur a redonné leur dignité sur la scène internationale. Pourquoi donc recourir à des fraudes massives, constatées ici et là ? Ce fait devrait inviter les admirateurs du camarade Poutine à rester lucide sur les moyens employés par le personnage pour rester au pouvoir.

Des soupçons de fraudes ont également été émis... aux Etats-Unis, gardiens du dogme démocratique, lors du « Super Tuesday » du 6 mars. Un scrutin remporté haut la main par Mitt Romney, milliardaire propre sur lui mais sans réel écho populaire, tel est le paradoxe. Rick Santorum s’accorche dans les Etats conservateurs. Quant à Ron Paul, il est définitivement distancé, et son état-major de campagne cède à la panique et à la frustration.

Le fait est que depuis le début des primaires, le vieux congressman n’a remporté aucun Etat, alors que, dans le New Hampshire, des villages ayant voté à l’unanimité pour lui ne lui ont officiellement donné aucune voix, que 200 bulletins contestés le séparaient de Mitt Romney dans le Maine, et que dans le Nevada, ses partisans ont été exclus de certains caucus sur l’ordre du mécène de Newt Gingrich, le lobbyiste pro-israélien et anti-Paul Sheldon Adelson, qui ne fit entrer que des Juifs orthodoxes et des Adventistes du 7e jour (protestants observant le Shabbat). Trop intègre, ou trop confiant dans la démocratie américaine, pour se plaindre, Ron Paul a cependant remporté un succès symbolique, en obtenant plus de 50 % des voix lors du caucus Jews only d’Adelson à Las Vegas !

Le pharisien et l’évêque de Rome

« Héros catholique » pour certains, et alternative conservatrice possible à Mitt Romney pour l’investiture du Parti républicain, Rick Santorum apparaît comme la vertu chrétienne incarnée, avec ses sept enfants et sa charmante épouse. Toutefois, le chercheur au CNRS Sébastien Fath, spécialiste du protestantisme évangélique américain, a exhumé un détail gênant : dans un pays où le don a une valeur importante (surtout quand on est riche), le millionnaire Rick Santorum n’a versé que 2 % de ses revenus à des oeuvres charitables en 2010, contre 14, 2 % pour l’horrible Barack Obama.

De son côté, le Saint-Père a délivré son enseignement épiscopal, en tant qu’évêque de Rome, lors de l’entrée dans la deuxième semaine de carême, le 4 mars. Voici son adresse à des jeunes francophones, après l’angélus :

Chers jeunes francophones, n’ayez pas honte d’être chrétiens et de vivre le Carême dans vos lieux de vie. Offrez chaque jour au Seigneur un temps de prière ; montrez-vous bons et charitables avec qui est dans le besoin ; et privez-vous, non de la nourriture terrestre, nécessaire à votre âge, mais de ce qui vous éloigne de Dieu et du prochain. Il existe d’innombrables manières de jeûner qui sont adaptées à tout âge. À l’exemple de la Vierge Marie, accueillez en vous la vie de Dieu, enracinez votre vie en Dieu ! Je vous souhaite à tous une belle montée vers Pâques !

Voilà un Carême beaucoup plus exigeant qu’il n’y paraît...

This is Middle-East

On nous avait promis la démocratie immédiate, la paix et la concorde des peuples. Ce 6 mars, la Libye fraîchement libérée du joug kadhafiste a cessé d’exister. L’assemblée des tribus de Benghazi a proclamé l’autonomie de la Cyrénaïque, et a prêté allégeance à un membre de l’ancienne famille royale libyenne, originaire de la région, Ahmed Zubaïr al-Sanussi. Une conséquence logique de la guerre civile lybienne, Tripoli contre Bengahzi, tribus de l’Ouest contre celles de l’Est, mais qu’avait refusé d’envisager les Occidentaux.

Même désillusion pour le sieur Alain Juppé, baron du Quai d’Orsay, qui avait écris une lettre froide aux chrétiens d’Orient, les appelant sollenelement à se rallier aux révolutions arabes, notamment en Syrie. Réponse le 7 mars du Père Rif’at Bader, directeur du Centre catholique d’études des médias en Jordanie. Extraits du cri d’un homme subissant la réalité, loin des théories parisiennes :

"J’écris justement cette réponse après avoir dit adieu à une famille irakienne, les Rassams, qui vivaient dans notre paroisse en Jordanie depuis huit ans. Ils ont frappé aux portes de chaque ambassade, et finalement, l’ambassade de Nouvelle-Zélande a eu pitié d’eux. Ils partiront dans deux jours."
 
« Dans votre lettre, vous avez mentionné votre rencontre avec les survivants de l’attaque de l’église Notre-Dame du Perpétuel Secours [en Irak]... Qui a préparé le terrain pour ce ’travail’ contre nos lieux de culte ? Les gouvernements occidentaux n’ont-ils pas conduit le monde à croire en la présence d’armes chimiques dangereuses et en la nécessité de renverser le dictateur ? N’aurait-il pas été préférable d’employer des moyens éducatifs et humains au lieu d’essayer d’imposer avec des tanks une démocratie illusoire ? L’occupation étrangère n’est-elle pas la cause essentielle de ce que nous voyons aujourd’hui ? Nous n’avions pas vu depuis des générations des églises en feu ou détruites avec des gens priant à l’intérieur. Nous avons dû attendre pour le 21e siècle pour voir de telles horreurs en direct à la télévision. La cause réelle nous vient de l’extérieur ».

A ne pas en douter, Alain Juppé déposera soigneusement cette missive sur son bureau Louis XVI, et rédigera sur un papier qu’il aura personnellement choisi les mêmes mots d’encouragement qui furent les siens pour les familles des soldats tués en Afghanistan : « Ce qui compte est de garder son sang-froid. »

La faillite du sarkozysme

Malgré le débat du 6 mars face à Laurent Fabius, qui a rappelé aux Français qu’ils avaient pour président un candidat offensif et habile, les sondages prédisent toujours une défaite cinglante de Nicolas Sarkozy en mai prochain. De quoi songer à l’avenir de sa famille politique, dont l’unité risque de ne pas lui survivre, entre une gauche sectaire qu’il faudra combattre et un FN de plus en plus incontournable. Parmi les hypothèses, Ivan Rioufol suggère un retour à l’orthodoxie : « si la droite échoue, il faudra qu’elle fasse son examen de conscience. Cela voudra dire qu’elle n’a pas su s’intéresser aux électeurs. Elle n’aura pas été suffisamment audacieuse et devra revoir ses fondamentaux, s’ouvrir davantage à droite. Ensuite, si la droite perd, elle devra se poser la question de savoir si les centristes ont été un poids, une sorte de mauvaise conscience permanente. »

11 mars 2012 Bougainville

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