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D’un pharisaïsme moderne

Samengrelo est notre contributeur orthodoxe et néanmoins brillant !

D’un pharisaïsme moderne


Le calendrier liturgique orthodoxe place dans le Triode de Carême l’Évangile du Pharisien et du Publicain. Sous le délicieux accent grec du prêtre qui remplaçait notre recteur, parti en vacances alors, j’ai entendu à nouveau cette lecture, qui m’a permis de considérer avec plus de lumière un certain nombre de problématiques politiques et éthiques actuelles.

Chacun a pu être confronté à un moment ou un autre aux propos d’un « chrétien de gauche », ou même d’un gaucho tout court s’essayant à l’exégèse biblique. En résumé, toujours la même ligne de conduite, le Christ nous appelle à délaisser les richesses matérielles pour nous donner à l’autre et ne pas vivre pour notre propre plaisir. Et c’est tout. Certains vont même jusqu’à vous démontrer avec obstination que l’on ne peut pas avoir le cœur tranquille tant qu’on n’a pas rejoint le NPA ou la LO pour chercher à mettre à bas le monde de l’argent. À côté de cela, il semble que licence soit donnée pour : supporter le mariage homosexuel, l’avortement, la contraception faite impératif catégorique de la sexualité, et s’en prendre régulièrement à l’Église comme vilaine institution pas belle et pas assez « simple ». Voir, par exemple, les propos indigents d’une certaine Christine Pedotti, fondatrice éclairée de la « Conférence ‘Catholique’ des Baptisés de France », qui organise en ce moment un conclave de 72 femmes (le nombre d’apôtres qui furent touchés par l’Esprit Saint le jour de la Pentecôte, voyez déjà pour qui ces dames se prennent) pour « compléter le demi-conclave qui aura lieu au Vatican ». Et qui s’est même permis la friandise de soutenir le mariage gay au nom du fait que ce sont les « patriarches religieux » qui s’y opposent.

Voici donc, dans le désordre, les grands thèmes qui opposent de manière récurrente un « christianisme de gauche » et un « christianisme conservateur ». Mais honnêtement, l’un ne vaut pas l’autre. Le monde n’est pas simple, parce que le Seigneur ne l’a pas fait tel. Il y a plusieurs choses sur lesquelles le Christ nous parle et nous révèle une Vérité exigeante, et l’on ne peut faire l’économie de l’une d’elles parce qu’elle nous dérange. Ainsi, ne peuvent être qualifiés de chrétiens ces évangélistes américains fort pieux qui font travailler des esclaves dans leurs mines africaines, mais je vois mal comment peuvent l’être, de leur côté, les défenseurs de l’avortement. Pas le même problème, me répondra-t-on.

Justement !

Il est si facile aujourd’hui de critiquer et de vomir l’argent-roi. L’Occident entier en a fait une de ses valeurs politiques principales, et c’est à celui qui en sera le plus dur contempteur. Dès lors, même si le Christ nous y appelle, il nous est impossible de nous contenter d’une telle attitude pour prétendre vivre en chrétiens, en tant que c’est souvent au nom de principes humains que l’on adopte cette attitude. Alors que dès qu’on parle de l’avortement, de l’ordination des femmes ou autre de ces sujets sur lesquels l’Église tient un discours opposé à celui de notre temps, on trouve une myriade de gens pour venir nous expliquer que l’Église ne devrait pas avoir cette position, que c’est du pur conservatisme qui révèle un « malaise » entre les forces vives du monde chrétien et la « hiérarchie ». Et qu’en conséquence directe, le Pape devrait vider le trône et laisser chaque paroisse croire à ce qu’elle veut. Comme si Jésus n’avait pas lui-même instauré son Église, donné à plusieurs hommes la possibilité de délivrer des Sacrements et fait d’eux ceux qui devraient établir l’Église dans le monde sur l’autorité qu’ils tenaient de Lui. Comme s’Il avait dit "Tu es Pierre et sur cette Pierre, je ferai peut-être un pique-nique à l’occasion". Mais cela, les « chrétiens de gauche » ne veulent pas en entendre parler, trop acharnés qu’ils sont à se complaire dans l’image qu’ils se renvoient de pourfendeurs de l’immoral tel qu’ils se le définissent eux-mêmes.

Autre épisode biblique fameux, le passage où Jésus chasse les marchands du temple nous enseigne surtout, au-delà de la condamnation du profit en toute chose, que rien n’est plus grave que ce que l’homme met entre Dieu et lui-même. Ainsi d’une morale humaine qui vient s’interposer entre Dieu et l’homme, et qui veut imposer à tous un ordre de valeurs autre que celui que Dieu a créé.
En regard de cela, quelle attitude infiniment plus humble que celle qui consiste à, malgré les certitudes assénées à tous les coins de rue, adhérer sans renâcler aux enseignements de l’Église sur l’éthique sexuelle. Quel abandon véritable que de s’autoriser à renoncer à ses propres raisonnements parfois viciés, pour faire confiance à une institution dont nous admettons qu’elle a reçu la parole du Christ en héritage. Oui, vraiment, le publicain qui se mortifie, et qui reconnaît être tout petit, sans calcul devant Dieu, sort du temple justifié.

Au contraire, celui qui se satisfait d’une morale qu’il s’est construite à l’aune de sa propre personnalité, et qui prétend en plus l’imposer à ceux qui l’entourent pour mieux assoir sa légitimité en lui-même, est un pharisien.

Il en est, parmi les « chrétiens de gauche », certains qui, à force de récupérer pour leur propre compte une certaine part des enseignements divins et de refuser de s’incliner devant même ce qui ne leur plaît pas d’autre part, ne redescendront pas justifiés.

Samengrelo

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