[CAUSERIES JAPONAISES] Conformité solaire et rythmes naturels

Causeries Japonaises

XVII - Conformité solaire et rythmes naturels

Certains détails à première vue insignifiants ont pourtant une influence fondamentale sur nos vies entières et soulignent distinctement le fonctionnement des sociétés. La France ne respecte même pas les rythmes naturels à l’homme. Ce simple fait, invisible et indiscernable tant que l’on vit chez nous, devient limpide après quelques temps de séjour au Japon. Le changement d’horaire, arbitraire, qui est imposé chez nous est en effet une absurdité complète du point de vue de nos rythmes naturels et de l’anthropologie. L’argument de consommation énergétique ne tient pas longtemps, qu’il soit vrai ou faux, car ce déphasage volontaire avec la nature montre simplement le déracinement généralisé des individus.
En vivant au Japon, on comprend dans sa chair les conséquences de ce décalage européen sur le soleil. Pour la première fois, il est possible de vivre à un rythme naturel tout au long de l’année. Les récriminations de nos parents ou grand-parents contre les changements d’heure, inutilement fatigants et éreintants tous les jours en hiver comme en été, auraient certes pu nous faire prendre conscience du problème. Mais, sans avoir fait l’expérience de vivre naturellement, il est difficile d’en saisir toute la substance.

Pour être brutal, le déphasage institutionnalisé des sociétés européennes consacre et encourage laxisme, paresse et mépris de la nature. Il serait intéressant de faire de études à propos des conséquences sociales sur les mœurs et sur les habitudes de ce déphasage. À voir le Japon, en tout cas, certains faits peuvent être relevés sans trop risquer l’erreur.
Le Japon, qui porte bien son nom de « pays du soleil levant », est une contrée où l’aube arrive toujours très tôt. Pendant les jours d’ensoleillement les plus longs de l’année, en été, le soleil se lève vers quatre heures – quatre heures et demie du matin. Pendant les journées les plus courtes, le soleil pointe le bout de son nez peu après sept heures. Réciproquement, le soir tombe toujours tôt : en hiver vers trois heures au pire, et en été vers vingt et une heure et quelques au mieux. Il n’arrive jamais, comme en France, que le soleil puisse être encore là jusque tard dans la nuit en été, ou que l’on doive systématiquement se lever avec la nuit en hiver.

Et quelles conséquences ce déphasage peut avoir sur nos vies ! En France, il pousse à se lever tard et à se coucher tard. Ce fait a d’ailleurs ceci d’extraordinaire qu’il montre que même la société qui veut nier la nature ne le peut pas en réalité : ce qui est naturel à l’homme est de se lever avec ou après le soleil, qui réveille naturellement le dormeur le matin. Les Français, par conséquent, sont forcés par l’idiotie contre-nature à se faire violence pour se lever avant le soleil une grande partie de l’année, pendant les mois d’ailleurs les plus durs pour le corps et l’esprit, avec le froid et la nuit. À ce propos, au Japon, il n’existe pas de stores mais seulement des rideaux épais qui laissent opportunément filtrer la lumière et réveillent naturellement les Japonais le matin. Quelle idée de vouloir ignorer le soleil ! De la même façon, le soir, les Français sont tout autant forcés, en été, de se coucher tard, car il leur est quasiment impossible de se coucher avant le soleil. Cela est profondément injuste pour les gens qui désirent à la fois épouser le rythme naturel de leur corps dans les cycles quotidiens de sommeil – c’est-à-dire tout le monde a priori, sauf à vouloir se contraindre à une sorte d’auto-scarification – et travailler en accord avec eux-mêmes. Il est absolument scandaleux que l’horaire officielle déphasée soit alignée sur les gens aux mœurs déréglées. Que ces derniers méprisent les rythmes de la terre et leurs propres rythmes, on ne peut rien y faire, mais que ces dérèglements soient implicitement officialisés par la folie humaine est impardonnable ! Finalement, avant la dénaturation du mariage, il y avait déjà eu la dénaturation des rythmes naturels. Le dérèglement et les mauvaises vies sont devenues à notre insu le nouveau modèle. Et merci la télévision...

Être en phase avec la nature commence par suivre le rythme des saisons – par exemple dans la consommation des légumes ou, de façon plus poétique, dans l’émerveillement devant le changement d’aspect des paysages – mais surtout des rythmes quotidiens qui sont inscrits en nous. Pourquoi donc notre société est-elle devenue incapable d’accepter ce genre d’évidences fondamentales qui ne devraient pas même être sujettes à discussion ?
Les gens qui aiment la vie déréglée n’ont simplement jamais connu une vie véritablement réglée, d’où peut-être la difficulté à vouloir suivre les règles et les contraintes de la nature qui, même niée, est toujours là. Souffrances inutiles que de nier l’existant...

Obéissons donc à la nature et à ses rythmes !

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