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Robert Ménard : « Le “ni gauche ni droite” est une erreur »

Robert Ménard, co-fondateur de l’association Reporters sans frontières, est maire de Béziers (Hérault).
Il a bien voulu répondre aux questions du Rouge & Le Noir.

R&N : Quel est le périmètre, souhaitable d’une part, réalisable de l’autre, de la “droite française” dont vous souhaitez faire de Béziers la capitale du 27 au 29 mai prochains ?

Robert Ménard : Le périmètre le plus large ! Pourvu que l’on soit d’accord sur un point fondamental : il y a urgence à prendre le pouvoir. Cela n’exclut donc que ceux qui le veulent ou les quelques-uns qui préfèrent s’enfermer dans le témoignage ou la provocation.

Que l’on se sente proche du FN, de Philippe de Villiers, des Républicains, de Nicolas Dupont Aignan, je crois que sur l’essentiel, et notamment l’identité, nous sommes d’accord. La question pour 2017 est donc : qu’allons-nous faire de cette convergence théorique ? Allons-nous laisser un Juppé venir au pouvoir ? Sommes-nous incapables de peser ?

Voilà pour le souhaitable. Pour ce qui est du réalisable, nous en saurons davantage après le rendez-vous de Béziers. Nous sommes à un an de l’élection. Par définition, tout est possible. Même le meilleur.

R&N : Pourquoi avoir choisi comme slogan pour cette manifestation « Pour ne pas attendre 2022 » ?

Robert Ménard : En réaction à une sorte de résignation que je sens gagner de nombreux gens de droite. L’incapacité du FN à prendre une région en décembre dernier, la place de Juppé très haut dans les sondages, tout concourt à décourager certains de nos amis, à penser que 2017 est déjà perdu.

Or, je pense, au contraire, que la victoire est possible. Encore faut-il changer de stratégie. Majoritaires idéologiquement, nous devons réaliser la synthèse pour l’être politiquement. Seul contre tous, le FN ne peut rien, sinon s’en remettre à de graves circonstances. Quand on voit que Hollande est unanimement rejeté mais que, dans les sondages, il bat Marine Le Pen ou n’est battu que de très peu, cela en dit long sur le chemin qu’il y a à parcourir.

Pourquoi « pour ne pas attendre 2022 » ? D’abord, parce que, si rien ne change, les obstacles seront les mêmes à ce moment là qu’en 2017. Ensuite, parce qu’en cinq ans, par la simple mortalité, la France aura perdu plusieurs millions de citoyens, alors que, dans le même temps, via les naturalisations et l’arrivée à l’âge adulte de nombreuses personnes ayant acquis notre nationalité sans jamais la demander, le rapport de force électoral sera considérablement aggravé.

Certes, je sais que nombre de musulmans votent à droite. Mais il ne faut pas se dissimuler que leur immense majorité vote pour la gauche. Plus leur poids démographique sera important, plus les hommes politiques de la droite sans convictions « gauchiront » leurs positions pour ne pas s’aliéner ces votes. C’est une course contre la montre.

R&N : Marine le Pen, président du Front national, affirme que ce dernier n’est pas un parti de droite. Êtes-vous d’accord et, si oui, ce positionnement ambigu est-il soutenable à moyen terme ?

Robert Ménard : Ce n’est pas l’opinion de ses électeurs. Dans leur immense majorité, ceux qui votent Le Pen se positionnent à droite. Par ailleurs, il faut distinguer le positionnement idéologique et le politique. Se dire ni de droite ni de gauche, c’est un petit jeu à la Macron. Je ne pense pas que Marine Le Pen soit sur cette ligne...

Il me semble, en l’espèce, que le « ni droite ni gauche » traduit une sorte de confusionnisme, plus ou moins organisé, qui, laissant planer toutes les ambiguïtés possibles, permet toutes les postures imaginables. Plus prosaïquement, on a l’impression de pouvoir ratisser plus large.
Or, c’est une erreur. D’un point de vue politique, au regard du fonctionnement de la Ve république, refuser d’être de droite, c’est se condamner à rester sur la dernière marche avant le pouvoir. La chose pouvait se concevoir quand le FN était à 10 % ou même à 20. L’isolement ne permettait pas un rapport de force favorable. A 30 %, le rapport de force devient possible. Encore faut-il le préparer. Encore faut-il savoir tendre la main. Encore faut-il comprendre qu’il y a plus d’avantages à prendre le risque de s’ouvrir qu’à rester dans la quiétude d’un splendide isolement.

R&N : Il n’y aura que deux candidats encore en lice au second tour de l’élection présidentielle de 2017. Si l’un d’entre eux appartenait à la gauche institutionnelle, conviendra—t-il de donner pour consigne de le battre à tout prix ?

Robert Ménard : Faire battre Manuel Valls par Alain Juppé ne me semble ni une obligation morale ni un impératif politique. Ce qu’il faut à tout prix, c’est se battre pour éviter cette fausse alternative.

R&N : Au moment de votre naissance, à Oran, votre famille était installée en Algérie depuis plus d’un siècle. Les rapports entre l’Algérie et la France auraient-ils pu évoluer différemment ou le divorce était-il inéluctable ?

Robert Ménard : Je veux croire que dans le champ des possibles existait une voie qui aurait permis aux Européens de rester sur leur terre natale sans se retrouver dans la situation d’un Israël assiégé par les masses arabes. Mais faire cohabiter sur un même sol deux civilisations différentes est très difficile. L’une domine toujours l’autre. L’équilibre ne peut être que momentané et donc de simple apparence. La démographie l’emporte toujours. Et la démographie, en démocratie, c’est le pouvoir !

Alors, s’il y a le cœur, il y a aussi la raison. A bientôt soixante ans de distance, l’Algérie française est une mémoire à conserver et un honneur à défendre. C’est aussi, peut-être, un avertissement : voilà ce qui arrive aux peuples minoritaires !

R&N : Vous avez indiqué que vous ne célébreriez pas de mariage entre personnes de même sexe, tout en précisant que, vous définissant comme légaliste, vous n’aviez pas d’objections à ce que vos adjoints se substituent à vous pour y présider. Si ces mariages sont valables, les droits créés par eux en faveur des intéressés ne s’opposent-ils pas, dans une vision légaliste, à l’abrogation de la loi qui les avait rendus possibles, du moins pour les unions existantes ?

Robert Ménard : Les droits liés au mariage homosexuel peuvent parfaitement être accordés par un contrat juridique. Dans la question du mariage, la question des droits est subsidiaire. Personne n’est allé manifester pour interdire à un homosexuel de léguer ses biens à un autre homosexuel.

L’enjeu est sur un plan supérieur. C’est de la signification du mariage qu’il s’agit, et avec elle, la nature de notre société. Qu’est-ce qu’un mariage ? Qu’est-ce qu’une famille ? Trente ans de déconstruction sociologique d’une minorité d’intellectuels doivent-ils détruire 2.000 ans de civilisation ?

Il faut donc abroger la loi. Il le faut non du point de vue d’une morale, chrétienne ou pas, mais parce que la société a besoin du mariage, a besoin de la famille, et que, dans les deux cas, il y a une norme et que c’est cette norme qui consolide et pérennise la société.

R&N : Vous avez pris l’initiative de faire célébrer une messe à l’ouverture de la Féria de Béziers. Cela traduit-il selon vous que le catholicisme n’est pas, en France, une religion comme les autres ? Les pouvoirs publics doivent-ils en tenir compte ?

Robert Ménard : Le catholicisme n’est pas une religion « comme une autre ». C’est la religion de la France. Elle forme sa personnalité. Ce n’est pas une question de foi, mais de culture et de civilisation.

Ce devrait être le rôle de l’État, notamment par les ministères de la Culture et de l’Éducation, de mettre en place une politique de transmission des valeurs culturelles de la France, et donc du catholicisme.

Naturellement, l’État en place ne le fera jamais. Celui de 1905 voulait changer la religion de notre peuple. Celui de 2016 veut changer le peuple. Il y a une continuité dans la destruction qui échappe à la plupart des Français. Elle n’en est pas moins bien réelle. Sur le long cours, tout se tient. Ce sont toujours les mêmes forces qui, sous des vêtements différents, s’affrontent.

R&N : L’affichage du catholicisme comme religion de la majorité des Français traduit-il surtout un volontarisme identitaire ? Ou admettez-vous que la dimension proprement spirituelle est déterminante dans le destin d’une nation ?

Robert Ménard : Je crois que l’aspect identitaire joue un rôle majeur dans le rapprochement d’une partie grandissante des Français avec la religion de leurs ancêtres. Cela étant, il est évident qu’un peuple soudé par une même spiritualité, porté par une même force mystique, peut affronter toutes les épreuves sans frémir. La Pologne catholique a pu être occupée par le communisme durant quarante ans, elle a tenu bon. Nous sommes, nous, occupés par les forces matérialistes, et l’on voit dans quel état est notre pays. La religion, comme toute conscience identitaire, est un anticorps, un élan vital, un instinct de survie.

Propos recueillis par Baudouin de Mitry

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