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[THÉÂTRE] : En attendant Bojangles

En 2016, un auteur nantais inconnu se présente à la maison d’éditions Finitude avec son roman intitulé En attendant Bojangles. L’anonymat d’Olivier Bourdeaut ne dure pas et le livre obtient sept prix littéraires. Quelques mois plus tard, Victoire Berger-Perrin adapte l’œuvre et la met en scène pour le 6e art. C’est en ce moment au théâtre de la Renaissance, porte Saint-Martin à Paris, jusqu’à la fin du mois de mai 2019.

Une histoire sans queue ni tête…

« Mais depuis quand a-t-on vu un livre avec une tête et une queue ? ». C’est dans un éclat de rire franc que l’un des personnages lâche cette réplique qui pourrait résumer l’histoire. L’histoire se déroule quelque part, à une époque plus ou moins contemporaine. Mais où et quand précisément ? Mystère. Et cela ne dérange pas le lecteur ou le spectateur, car la vraisemblance est présente. D’ailleurs, tant sur la forme que sur le fond, rien ne vient étonner le lecteur qui se plonge dans ce roman. L’auteur s’amuse avec les exercices de style, impose une narration décalée en alternant l’emploi des temps et ce charabia littéraire devient limpide à mesure que nous côtoyons les personnages farfelus : sous les yeux émerveillés de leur fils, un couple danse sur la musique de « Mister Bojangles » de Nina Simon. Lui s’appelle Georges, elle change de prénom tous les deux jours. Le fils est né dans une famille de cinglés, selon les dires de son institutrice, et sort le soir avec des sénateurs, des éditeurs et intellectuels de salon. Il fait la course dans le long couloir de l’appartement avec Mademoiselle Superfétatoire, un oiseau exotique sauvé et ramené d’un voyage par les parents.
Au fil des pages, les personnages excentriques s’animent et nous entraînent dans leur folie qui prend vie sous nos yeux et que nous retrouvons sur scène.

Une folie douce, que lui contait sa Maman…

« Je me suis toujours demandé comment les autres enfants faisaient pour vivre sans mes parents ». C’est sans doute la question que chaque enfant, aimé et aimant, se pose. C’est aussi la dernière réplique de la pièce dite avec candeur par le comédien qui joue le fils. Elle accompagne le baisser du rideau avec tendresse, pour ne pas brusquer le réveil du public. Ce dernier ne s’était pas endormi – impossible avec une telle dynamique de jeu ! – mais il rêvait. Oui, le public sort du songe à la fin de la pièce, comme pour marquer cette coupure entre la folie de la mère qui rythme l’histoire et le retour au réel.

Une pièce vivante…

À la lecture du roman, on s’émeut, on rit, on s’inquiète, les sentiments se mêlent. Certes Olivier Bourdeaut nous entraîne dans une folie douce et légère, enfantine et amoureuse, mais une folie qui ira trop loin.
Au théâtre, on pleure. Les larmes que nous retenions avec le livre, s’écoulent doucement, silencieusement devant la scène. Parce que les personnages qui « tutoyaient les étoiles » dans le livre nous sont tant familiers lorsqu’ils jouent et sont les témoins que le théâtre est un spectacle vivant, fait de chair.
Par ailleurs, la scénographie est belle et joue aussi sur les sensations. Le livre bouillonne de personnages secondaires, mais la mise en scène se contente des trois principaux et c’est avec des jeux d’ombre et de lumière, ou encore des musiques que les personnages invisibles s’animent. Ce choix scénique ajoute de la candeur à la pièce et appuie l’imaginaire conté par le fils.
Un bémol cependant se fait ressentir : le niveau de danse des comédiens. On supposait à la lecture qu’ils virevoltaient avec grâce et élégance, mais c’est au contraire lourd et maladroit.

Il reste quelques représentations et vous seriez fous de ne pas vous rendre au théâtre de la Renaissance.

Charlotte de Kerennevel

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