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Lecture du livre de Greta

Le prophète du progrès fit une idole : sa hauteur était d’à peine plus d’un mètre cinquante, elle était grassouillette et portait des nattes. Le prophète l’appela Greta. Il la plaça devant toutes les caméras du monde, devant tous les objectifs, et devant tous les micros. L’idole parlait, et chacun de ses mots était un austère appel au repentir et à l’acceptation de la mort. Des centaines de jeunes gens déclaraient ne plus vouloir sortir de leur jardin, résolvaient de ne plus manger que du soja importé d’Amérique, et refusaient de s’instruire le vendredi par esprit de frugalité. On décida de faire faire le tour du monde à l’idole, et on envoya des messagers à tous les décideurs du monde, pour qu’ils viennent rendre hommage à l’idole. Dans tout pays, les satrapes, les intendants, les gouverneurs, les conseillers, les trésoriers, les légistes, les magistrats, et tous les fonctionnaires de provinces s’exécutaient. A chaque mot de l’idole, on poussait des cris, on s’arrachait les cheveux, on faisait des serments devant le dieu du progrès, et on tressait des lauriers à l’idole en offrande. Quand vint le tour de la France, les satrapes, les intendants, les gouverneurs, les conseillers, les trésoriers, les légistes, les magistrats, et tous les fonctionnaires de provinces se rassemblèrent autour de l’idole que le prophète avait dressée, et se tinrent devant elle. Un héros cria avec force : « Puissants de France, on vous le commande comme aux gens de tous les peuples, langues, nations ! Au moment où vous entendrez le son de la flûte, de la harpe, de la cithare, du cor, de la sambuque et de la cornemuse, et du synthétiseur, vous vous prosternerez et vous adorerez l’idole que le prophète du progrès vous a donnée pour affermir votre foi. Quiconque ne se prosternera pas et n’adorera pas sera jeté au moment même au milieu de la fournaise de feu ardent. » Là-dessus, au moment où tous entendirent le son de la flûte, de la harpe, de la cithare, du cor, de la sambuque et de la cornemuse, et du synthétiseur, ils se prosternèrent et adorèrent l’idole. Certains, pris d’une ardeur supérieure, se flagellèrent, d’autres appelèrent à flageller le peuple.

A l’instant même, des zélotes du progrès s’approchèrent du prophète, prirent la parole et dirent : « Ô Prophète ! Vis à jamais ! Toi-même, tu as donné l’ordre que tout homme qui entendrait le son de la flûte, de la harpe, de la cithare, du cor, de la sambuque et de la cornemuse, et du synthétiseur, et ne se prosternerait pas et n’adorerait pas serait jeté au milieu de la fournaise de feu ardent. Il y a des députés qui viennent de contrées moins progressistes ; ces hommes-là, ô prophète, n’ont pas eu d’égard pour toi. Ils ne servent pas ton dieu et n’adorent pas l’idole que tu as dressée. » Alors le prophète, avec colère et fureur, ordonna d’amener ces députés, et ils furent amenés en présence du prophète. Le prophète leur dit : « Est-il exact que vous ne servez pas mon dieu et que vous n’adorez pas l’idole que j’ai dressée ? C’est pourtant pour votre salut et celui de la planète que j’ai ordonné cela, afin que de votre pénitence devant les oracles de l’idole procède un plus grand bien. Maintenant, êtes-vous prêts, lorsque vous entendrez le son de la flûte, de la harpe, de la cithare, du cor, de la sambuque et de la cornemuse, et du synthétiseur, à vous prosterner et à adorer l’idole que j’ai faite ? Si vous ne l’adorez pas, au moment même vous serez jetés au milieu de la fournaise de feu ardent, et quel est le dieu qui vous délivrera de ma main ? » Alors les députés répondirent : « Ô prophète ! Nous n’avons pas besoin de te répondre quoi que ce soit à ce sujet. Si cela est écrit, nous serons délivrés de la fournaise de feu ardent et de ta main. Mais même si cela n’arrive pas, sache que nous n’adorerons pas l’idole que tu as dressée. »

Alors le prophète, plein de colère, changea de visage envers les députés qui osaient ainsi offenser la divinité, et il ordonna de préparer la fournaise. Mais l’idole rappela que le feu de bois produisait des particules fines, et qu’une fournaise de cette ampleur générerait un bilan carbone bien trop important, qui risquait de faire passer la France au-delà de son quota annuel ; que par ailleurs, c’était donner le mauvais exemple à toute la France assemblée que de polluer, même pour aussi noble cause que la persécution des adversaires du progrès. L’idole convoqua donc une réunion inclusive et participative en non-mixité pour trouver une solution. Chacun put parler, partager ses souffrances et son expérience de victime, proposer un mode de punition éthique et en rupture avec la culture de violence de l’état. Au bout de trois jours, tous les participants moururent d’épuisement, et l’idole resta seule, annonçant la tempête et le tremblement de terre comme punition divine.

Les députés sacrilèges repartirent donc libres, et ils louaient le Seigneur.

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