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Il n’est pas rare d’entendre, ici ou là, à droite et à gauche, dans nos paroisses ou sur les ondes radio, des individus très sûrs d’eux-mêmes et grands connaisseurs des voies impénétrables proférer avec assurance qu’il n’y a nulle raison de s’inquiéter à propos du présent synode des évêques. C’est alors qu’ils croient étayer leurs propos en se référant à l’Esprit Saint et à son action sur nos esprits et dans l’Église.
Une argumentation doucereuse, charmante à première vue, mais qui fait fi de nombreuses réalités. Et c’est ici que nous touchons au fumeux. À les écouter, les oracles d’un synode des évêques seraient vérités d’Esprit Saint, et donc enseignements infaillibles. Ils lui accordent des qualités que même un concile général ne saurait avoir (mais, là aussi, beaucoup de contre-vérités et de fausses idées circulent, généralement par manque de connaissances en matière d’histoire de l’Église), le mettant au même niveau que la magistère extraordinaire, qui est, quant à lui, véritablement infaillible...
Il y aurait beaucoup à dire au sujet du code de droit canonique promulgué par le pape Jean-Paul II en 1983, car il représente en soi un thème d’analyses et de débats sans fin. Quoi qu’il en soit, nous sommes obligés de nous appuyer sur cette source canonique, dans la mesure où c’est la seule à évoquer et normaliser le synode des évêques, institution très récente.
Le synode des évêques est une institution considérée, dans l’usage, comme étant une, et se conjuguant en assemblées générales « ordinaires » et « extraordinaires », ainsi qu’en « assemblées spéciales » (concernant généralement un point du globe en particulier, comme le Moyen-Orient en 2010 ou les Pays-Bas en 1980, première session de ce genre d’ailleurs). La première assemblée générale ordinaire du synode des évêques a eu lieu en 1967. En tout, il y a eu 13 assemblées de ce genre. Sa première assemblée générale extraordinaire date de 1969, suivie d’un seul autre événement du même genre, en 1985, avant le rendez-vous de l’année dernière et de ce mois-ci. Les assemblées spéciales, inaugurées en 1980 donc, ont été 10 de ce type.
Le synode des évêques a été créé dans le sillage du concile Vatican II, par le pape Paul VI, au moyen du motu proprio Apostolica sollicitudo, le 15 septembre 1965 très précisément. Le texte est cependant relativement flou, et il faut attendre le dimanche 22 septembre 1974 pour que le même souverain pontife, à l’occasion d’un Angelus, en donne une définition publique, claire et concise : « C’est une institution ecclésiastique que nous avons établie après le concile Vatican II, en interrogeant les signes des temps, et surtout en cherchant à interpréter en profondeur les desseins divins et la constitution de l’Église catholique, afin de favoriser l’union et la collaboration des évêques du monde entier avec ce Siège apostolique, à travers une étude commune des conditions de l’Église et la solution concordante des questions concernant la mission de cette dernière. Il ne s’agit pas d’un concile, ni d’un Parlement, mais d’un synode d’une nature particulière. »
Il est évident que la signification donnée à une institution inédite par son fondateur est essentielle pour la mettre en lumière. On trouvera cependant cette explication paulinienne encore assez floue, surtout en ce qui concerne la dernière phrase - même s’il n’est déjà pas si mal de savoir ce que n’est pas le synode des évêques : ni un Parlement, ni un concile. Mais diverses interprétations pourraient être données à propos « d’un synode d’une nature particulière ».
Fort heureusement, le code de droit canonique de 1983 vient à notre secours.
Le synode des évêques fait l’objet du chapitre II du livre II du CIC, livre consacré au « peuple de Dieu ». Il suit un chapitre traitant à la fois du Pontife romain et du « collège des évêques », et précède une section consacrée aux « cardinaux de la Sainte Église romaine ». Suivront encore la curie romaine et les légats. Ce positionnement est très révélateur.
Quoi qu’il en soit, le synode des évêques est traité en sept canons, dont les premiers sont naturellement les plus importants. Le canon 342 donne la définition et l’objet du synode des évêques : « Le synode des évêques est la réunion des évêques qui, choisis des diverses régions du monde, se rassemblent à des temps fixés afin de favoriser l’étroite union entre le Pontife romain et les évêques et d’aider de ses conseils le Pontife romain pour le maintien et le progrès de la foi et des mœurs, pour conserver et affermir la discipline ecclésiastique, et aussi afin d’étudier les questions concernant l’action de l’Église dans le monde. »
Le canon 343 donne des limites très claires au synode des évêques : « Il appartient au synode des évêques de discuter des questions à traiter et d’exprimer des souhaits, mais non de trancher ces questions ni de porter des décrets, à moins que, dans des cas précis, il n’ait reçu pouvoir délibératif du Pontife romain à qui il revient alors de ratifier les décisions du synode. »
Le canon 344 renforce encore les prérogatives pontificales : « Le synode des évêques est directement soumis à l’autorité du Pontife romain à qui il appartient : 1° de convoquer le synode chaque fois que cela lui paraît opportun, et de désigner le lieu où se tiendra l’assemblée ; 2° de ratifier le choix des membres à élire selon le droit particulier, de désigner et de nommer d’autres membres ; 3° de fixer en temps opportun, selon le droit particulier et avant la célébration du synode, la matière des questions à traiter ; 4° de préciser l’ordre du jour ; 5° de présider le synode par lui-même ou par d’autres ; 6° de conclure le synode, le transférer, le suspendre et le dissoudre. »
Le canon 345 précise les trois manifestations que peut prendre le synode des évêques : « Le synode des évêques peut être réuni en assemblée générale qu’elle soit ordinaire ou extraordinaire pour traiter des questions concernant directement le bien de l’Église tout entière, ou bien en assemblée spéciale pour étudier les affaires concernant directement une ou plusieurs régions déterminées. »
Le canon 346 donne détails sur chacun de ces trois types de sessions. Ne retenons que ce qui nous intéresse pour ce mois-ci : « § 2. Le synode des évêques réuni en assemblée générale extraordinaire pour traiter d’affaires qui demandent une décision rapide, se compose de membres dont la plupart, évêques, sont désignés par le droit particulier du synode en raison de l’office qu’ils remplissent ; d’autres sont nommés directement par le Pontife romain ; y viennent aussi quelques membres d’instituts religieux cléricaux élus selon ce même droit. »
Les canons 347 et 348 évoquent l’organisation du synode des évêques, en cas de vacance du Siège apostolique, ou plus ordinairement pour la composition et le rôle de son secrétariat général et de son conseil de secrétariat.
Le canon 342 montre très clairement, à travers l’expression « aider de ses conseils » que le synode des évêques n’est qu’un instance consultative. Cette dernière est convoquée à l’instigation du Siège apostolique, et il en est de même pour le choix de ses participants (pour les plus éminents, théoriquement du moins). On remarquera que le but du synode des évêques est de maintenir et de faire progresser la foi et les mœurs, de conserver et d’affermir la discipline ecclésiastique, et de parler de l’action de l’Église dans le monde (dont elle n’est pas). Aussi, toute assemblée du synode des évêques qui irait dans un sens progressiste (c’est-à-dire de relâchement), s’invaliderait d’elle-même, ipso facto, allant par le fait même à l’encontre de ce qui fait et son essence, et sa raison d’être. Ce raisonnement peut être poussé plus avant : cette invalidation peut advenir après coup, si des semences de relâchement et de danger pour la foi ne sont pas repérables dès la production de ses textes finaux. Ce serait d’ailleurs pour les fidèles un devoir de faire savoir cela en cas d’erreur de l’assemblée (car certains de ses membres font tout pour la faire pencher dans ce sens), et un péché que de ne pas le faire. C’est une matière dans laquelle le sensus fidei est appelé à s’exercer. Il est à peu près impossible que tout soit bon à jeter : il faudra donc peut-être réaliser un tri entre ce qui est juste et ce qui est mauvais. C’est d’ailleurs là ce qu’il y a de plus pernicieux, quand le faux est mélangé au vrai pour mieux s’imposer.
Le canon 343 retire d’ailleurs tout pouvoir normatif au synode des évêques, qui n’est plus qu’une espèce de think tank ecclésiastique. Ses pouvoirs délibératifs ne peuvent être acquis que par une promulgation papale, et les textes ratifiés quitteraient en fait la sphère du synode des évêques pour devenir des émanations du magistère pontifical en tant que tel, dans la mesure où le synode des évêques est une nouveauté que les siècles n’ont pas investie de confiance.
Le canon 344 inféode d’ailleurs le synode des évêques au souverain pontife, lequel en assume toute la responsabilité, dans tous les sens du terme.
On remarquera avec profit que le synode des évêques n’a été institué qu’en tant que prolongement de l’hypothèse de la collégialité. Cette dernière est particulièrement controversée, et pourrait fort bien être un jour jetée aux orties. Rien ne dit, en effet, que les actes du synode des évêques soient supérieurs au moindre acte de gouvernement d’un évêque dans son diocèse : bien au contraire, la pratique bimillénaire de l’Église semble donner sa préférence à l’autorité épiscopale personnelle. Malheureusement, ne nous voilons pas la face : le démocratisme ambiant et la philosophie contemporaine mettent toujours plus en valeur la « volonté générale » dont toute assemblée, qu’elle soit politique, ecclésiastique ou association, est désormais un reflet, avec surajout de rapports de forces tels qu’ils ont eu été théorisés par Karl Marx et d’autres théoriciens politiques révolutionnaires. Le même mécanisme est à l’œuvre avec les conférences épiscopales nationales, dont la légitimité est là aussi plus supposée que réelle ou authentique. On voit bien ces luttes d’influence à l’œuvre, avec la pression médiatique, le « coming out » d’un certain Charamsa, un livre de Béatrice Bourges ou un autre ouvrage plus progressiste encore signé par 26 « théologiens » au grand mépris de la foi catholique.
En bref, il serait dommageable d’accorder trop d’importance à ce qui n’en mérite pas et semble revêtu de moins d’autorité que les vieux synodes provinciaux des siècles passés, lesquels se traduisaient le plus souvent en actes de gouvernement épiscopal dans chaque diocèse, concernaient des régions précises, et pouvaient donc être vraiment adaptés aux situations. La présente assemblée générale extraordinaire a d’ailleurs ceci d’incroyable qu’elle prétend résoudre des difficultés morales de manière universelle alors que celles-ci sont à l’évidence très particulières, répondant à des causes et des motifs localisés. Le premier impératif pour y répondre reste cependant... la foi. Ce seul fait rend le synode des évêques quelque peu importun, et peut faire paraître sa convocation assez douteuse. Puissions-nous donc avoir la même intransigeance qu’un saint François d’Assise, qui n’était assurément pas un « homme de dialogue » mais un « signe de contradiction », la session actuelle s’étant ouverte le jour de sa fête !
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