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C’est un petit point sur la carte du département. Les Lucs-sur-Boulogne. Un village vendéen que rien ne distingue des autres. Rien, sinon le souvenir tragique qui hante encore les environs.
Chaque guerre sainte a ses sanctuaires.
Le visiteur, que le hasard ou la curiosité auront éloigné des grands axes ou des attractions touristiques, frappe à la porte de la chapelle du Petit-Luc. Personne ne lui répondra. La chapelle, construite à la fin du XIXe siècle, semble vide.
Poussant la porte, le badaud n’est cependant pas seul. A l’intérieur, il lit les noms des 564 paroissiens - dont 110 enfants - mis à mort sur ces lieux le 28 février 1794. La clarté du marbre blanc, sobre et pur, contraste avec les flammes et la fumée qui dévastèrent le village ce jour-là.
Ces flammes, le visiteur les aperçoit encore, sur les vitraux de l’église Saint-Pierre, à un jet de pierre de la petite chapelle. Ces vitraux, comptant parmi les plus fameux de la Vendée militaire, sont les témoins d’un odieux massacre qui vit périr, sous la lame des Bleus, 564 innocents dont le seul crime était d’être Vendéens.
Le plan d’extermination de « la race rebelle de brigands vendéens », selon l’expression du conventionnel Bertrand Barère, était arrêté. Restait à l’appliquer. Quatre colonnes infernales avaient pour mission de parcourir le pays insurgé de long en large pour s’y rencontrer en son centre, après avoir fait un désert des terres qu’elles avaient foulées.
En refusant la République, les Vendéens avaient fauté, et toute la région devait expier cette faute. Les Blancs, bien sur, devaient être neutralisés et massacrés jusqu’au dernier. Ils ne représentaient pourtant plus guère de menace militaire pour la Convention, le gros de l’Armée catholique et Royale ayant été taillé en pièces à l’issue de la Virée de Galerne : d’abord au Mans puis à Savenay, le 27 décembre 1793.
Ce ne sont donc pas des combattants mais des populations que la Convention a décidé d’exterminer. Hommes, femmes, enfants, peu importe.
La terre de Vendée elle-même devait être purgée du mal contre-révolutionnaire qui l’avait souillée. Les vendéens patriotes – c’est-à-dire républicains – n’allaient pas non plus échapper au grand nettoyage. Tout un territoire – plus grand que l’actuel département de la Vendée – devait être calciné, soldats comme civils, hommes comme bêtes, et récoltes comprises.
L’historien de la Vendée, Emile Gabory, résume : « La Vendée catholique, la Vendée " morte", est souillée dans son tombeau ; la Vendée républicaine et vivante est outragée, humiliée, flagellée. Turreau a passé. »
Ce 28 février 1794, les Lucs sur Boulogne furent frappés par la Colonne de feu du général Cordellier.
Premier à en faire les frais, l’abbé Voyneau, du Petit-Luc. Allant au devant des soldats républicains pour tenter de faire échec aux exactions, il fut littéralement taillé en pièce par les Bleus qui l’éviscérèrent vivant. Ses ouailles se réfugièrent dans l’église pour se sauver.
Las ! La furie des thuriféraires de l’Egalité ne s’arrêta point au porche du lieu sacré. Enfermés dans l’église, plus de 500 civils furent brûlés à l’intérieur, et les survivants hachés par le sabre de la Liberté.
Une fois les Colonnes passées, l’abbé Barbedette, curé de la paroisse du Grand-Luc, vint sur les lieux, au milieu des cadavres innombrables, afin de déterminer leur identité. Il établit un document exceptionnel, le Martyrologe des Lucs. Grâce à lui, les générations futures ne pourraient ignorer la nature et l’ampleur de ce massacre qui, pour la Vendée militaire, est un véritable Oradour-sur-Glane avant l’heure.
Les flammes se sont envolées, la plaine a refleuri. Mais la terre des Lucs n’oublie pas la grande blessure du 28 février 1794, qu’elle a pansée en apparence.
La Complainte des Lucs nous interpelle :
« Habitants de cette terre, n’entendez-vous pas
La rumeur d’une prière monter sous vos pas ?
Tous les échos de vos rues sont pleins de sanglots
Laboureurs sous vos charrues dorment des héros »
La Vendée se souvient. Les Lucs sont devenus un grand lieu de mémoire.
Philippe de Villiers, l’homme remarquable qui dirigea longtemps le département de la Vendée et lui redonna sa fierté, fit bâtir le Mémorial de Vendée en 1993, à l’occasion du bicentenaire du soulèvement vendéen. A ses côtés, le dissident soviétique Alexandre Soljenitsyne prononça un discours mémorable, établissant un parallèle saisissant entre la Révolution française et la Révolution bolchévique. En écho aux grandes flambées révolutionnaires, brûle entre les murs du Mémorial une petite flamme, celle du souvenir.
Au milieu des reliques de la Grande Guerre de 1793, scapulaires ornés du Sacré Cœur, faux, chapeaux rabalets et ostensoirs en carton des prêtres réfractaires, l’émotion est intense.
A deux pas, l’Histoire est à l’œuvre : en 2003 fut érigé l’Historial de la Vendée. Les grandes heures du département y sont mises à l’honneur. Le visiteur peut y découvrir une terre riche en souvenirs et en grands hommes.
De Richelieu à De Lattre, en passant par Charette et La Rochejaquelein, la Vendée a fait vibrer la France.
Aux Lucs, son souvenir est éternel, et les prières bien vivantes.
« Quand le vaillant Barbedette revint des combats,
Dans sa paroisse muette, régnait le trépas ;
La douleur saisit son âme, et tout angoissé,
Il revit l’atroce drame qui s’était passé.
Mais, comprenant la victoire de tous ses enfants,
Il fit léguer à l’histoire leurs noms triomphants ;
Tous ces noms que chacun porte chez nous, dans l’honneur,
A tous, qu’ils ouvrent la porte du divin Bonheur !
Ainsi moururent nos pères, au jour de jadis,
Afin que leurs fils espèrent dans le Paradis.
Pour mériter leur suffrage, sachons imiter
Leur intrépide courage, leur fidélité.
Les petits gars de Vendée ont versé leur sang,
Comme ceux de la Judée, pour Jésus naissant.
Tout en chantant leur histoire, Vendéens, prions
Pour qu’un jour la même gloire couronne leurs fronts »
Extrait de la Complainte des Lucs
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