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Sommes-nous des bêtes ?

20 février 2012 Benjamin

Aujourd’hui, dans la pensée commune, émerge un énième paradoxe de notre société. En effet, d’une part on élève les bêtes au même rang que les hommes, leur prêtant des intentions et des pensées qu’ils ne peuvent avoir. Et d’autre part, on nie la spécificité de l’être humain, affirmant qu’il n’est qu’un animal, fruit de l’évolution et donc seulement plus développé que les autres animaux. Mais finalement ce paradoxe s’explique simplement par la perte de la connaissance de l’homme. Ne sachant plus ce qu’il est, il se confond avec les autres animaux (les bêtes), et pense se retrouver en eux.

Et personne ne semble choqué par cela, tant cela s’insinue discrètement, notamment dans le vocabulaire. Ainsi, parler d’assassinat d’une bête ne gêne plus grand monde, parler de droits des animaux encore moins, et le respect des animaux est même loué par le plus grand nombre, ce qui nous allons bientôt le voir, ne repose que sur une ignorance, ou bien un grossier abus de langage. Mais malheureusement, cela ne se limite pas au langage ; les conséquences sont énormes, car si l’homme ne se connaît plus, comment parviendra-t-il à bien vivre ? Les enjeux d’une telle question sont donc pleinement éthiques, car ils concernent la vie de l’homme au niveau personnel comme au niveau de la société.
Qu’en est-il donc de la différence entre les bêtes et les hommes ? Et peut-on fonder notre conduite sur les comportements des bêtes ?

Qu’y a-t-il de spécifiquement humain ?

L’homme est un animal rationnel. Cette définition énoncée par Aristote est la plus simple et la meilleure que l’on puisse énoncer car elle donne la caractéristique essentielle de l’Homme : sa raison. Et c’est justement la raison, avec la volonté, qui différencie l’homme de la bête. De la raison découlent toutes les caractéristiques propres à l’homme, dont sa liberté. Sa raison lui permet de conceptualiser, donc de comprendre la réalité qui l’entoure, et d’en parler. Les autres animaux n’ont pas, eux, la faculté d’abstraire du monde qui les entoure des concepts, donc ils ne le comprennent pas vraiment, et en aucun cas n’en parlent. Ceci paraissait être du bon sens jusqu’à récemment, mais aujourd’hui, le doute plane. En effet, les études faites sur les animaux sont de plus en plus poussées, et pour peu que les journalistes exagèrent ce que le scientifique avait sous-entendu, et on nous parle d’intelligence des animaux, et autres absurdités de ce genre. Absurdités en effet car le comportement des animaux est sans commune mesure avec la conduite des hommes. Les animaux ont un instinct qui les guide, ils suivent ce que leurs sens indiquent, et ils ne peuvent ni n’ont besoin de réfléchir. Ils sont en quelque sorte programmés, si l’on peut utiliser ce terme technique pour parler d’êtres vivant. Mais pour les plus développés, on observe un certain apprentissage, une certaine transmission du savoir, et des échanges entre les individus. Mais là encore, les différences avec les hommes sont radicales. L’apprentissage est le fruit de l’imitation et de la mémoire, mais sans qu’il y ait la moindre intention d’enseigner ou d’apprendre. Quant aux échanges entre les individus, ils sont très limités. Il n’y a aucune évolution naturelle car là aussi, c’est l’instinct qui règle les réactions à avoir, et donc les cris à pousser. Les animaux fonctionnent par signaux, auxquels ils répondent par une action soit prédéterminée par l’instinct, soit déterminé par la mémoire lorsque ce signal a déjà été produit par le passé. C’est ce qui se produit quand on dresse des animaux : on leur donne l’habitude de répondre d’un manière donnée à un signal donné. Mais le sens de l’action à faire, son but, n’est pas atteint par l’animal, ni la logique du lien entre le signal et l’action à faire. Par exemple un chimpanzé pourra désigner un triangle vert pour désigner une pomme, si on l’a habitué à recevoir une pomme lorsqu’il désigne le triangle vert. Mais le chimpanzé ne pourra pas savoir pourquoi il reçoit une pomme dans ces conditions. Il la reçoit et se contente de cela. Et l’on pointe ici une autre caractéristique du « langage » animal : il est égocentré. L’animal voit les choses par rapport à lui. Il ne pourra jamais signifier quelque chose qui n’est pas en rapport avec lui.

On voit donc le gouffre entre les animaux et les hommes. La différence n’est pas qu’une différend-ce de degré, mais bien une différence fondamentale entre la nature de l’homme et celle des animaux. L’homme seul possède la raison, tandis que c’est l’instinct qui guide l’animal.

Notre morale peut-elle découler du comportement des bêtes ?

Des travaux ont donc été faits sur le comportement des animaux, et notamment sur leur comportement social. À la base, il s’agit d’un travail scientifique visant à mieux connaître les animaux, d’un point de vue assez spéculatif. Mais certains y ajoutent la prétention de tirer des conséquences pour les hommes. C’est à dire qu’implicitement, on pense que la nature est bonne, donc qu’il faut l’imiter. On oublie ici que la nature de l’homme est radicalement différente de celle des autres animaux. Et on affirme que l’homme, pour être moral, doit imiter les animaux, et notamment les singes qui sont ceux dont le patrimoine génétique nous est le plus proche. On a là encore la même erreur qui consiste à dire que la morale, qui est proprement humaine, existait déjà chez les animaux, en étant seulement moins développée.

Mais ceci est finalement du à une ignorance de ce qu’est la morale. Sur quoi se fonde en effet l’affirmation que les animaux ont un début de comportement moral ? Sur le simple fait qu’ils ont un comportement social. Cela revient à dire que la moralité est directement liée à la vie sociale. Certes, l’homme ne pourrait vivre en société s’il n’était pas moral, mais le comportement social lui-même est différent. En effet, les animaux vivent en groupes pour préserver leur intérêt personnel et l’intérêt de l’espèce. Seul l’intérêt les motive et les rassemble. Car seuls, ils ne survivraient pas, et leur espèce non plus. Au contraire, la morale humaine va parfois, et même souvent, contre l’intérêt personnel, et même contre l’intérêt de l’espèce dans certains cas. Par exemple prendre en charge une personne qui ne pourrait vivre seule (donc dépendante) est exigent et cela va contre l’intérêt de celui qui la prend en charge car il s’occupe moins de lui. Et pour l’espèce, cela n’apporte pas d’intérêt non plus et c’est même un poids pour la société… Pour trouver le véritable fondement, il faut partir de la nature même de l’homme, et nous avons justement vu précédemment qu’elle n’était plus évidente aujourd’hui, ce qui explique que l’on ne sache plus ce qu’est la morale.

L’homme est donc doué de raison et de volonté, ce qui lui permet de poser des actes libres. Chaque homme est donc intrinsèquement différent, unique d’un point de vue dépassant la matière. Et ceci fait sa dignité. Toute personne humaine est digne, et doit être considérée en elle-même avec respect. Chaque personne a le droit d’être reconnue comme une personne du fait même de sa nature, et donc comme égale en dignité à nous même. Et donc le comportement social n’en est qu’une conséquence, et l’on ne peut pas réduire la moralité à cela.

Peut-on alors parler de respect des animaux ? Pas le moins du monde. Le respect qui s’appuie sur la dignité de l’homme est donc spécifiquement humain. L’étendre aux autres animaux n’est pas un progrès de la moralité de l’homme (comme l’a été notamment l’abolition de l’esclavage, rendant leur dignité à des être humains) mais bien une négation ne celle-ci. Mais que l’on ne se trompe pas sur mes intentions. Ne pas avoir de respect pour les animaux ne signifie pas ne pas les aimer. Nous ne pouvons pas moralement leur faire du mal, pour deux raisons. Tout d’abord vis-à-vis de l’espèce qui doit être préservée dans la mesure où elle est utile pour l’homme, mais également vis-à-vis de l’homme lui-même qui ne peut faire de mal gratuitement sans en ressortir blessé, moins humain. Nous pouvons et même devons aimer les animaux, mais sans les mettre à une place qu’ils ne peuvent occuper, ce qui ne fait de bien ni à nous, ni à eux.

Mais le plus dangereux dans tout cela sont bien les conséquences pratiques qui en découlent. Si la morale se fonde sur un socle commun à tous les animaux, alors elle se fonde sur la sensibilité. Ceci conduit dans notre société à une hypertrophie de la sensibilité, et donc à un certain oubli de la raison. Ceci expliquant en partie pourquoi on peut souvent se plaindre du fait que beaucoup ne réfléchissent plus ou ne savent plus réfléchir. Ils ne sont peut-être pas les seuls responsables.

Sommes nous donc des bêtes ? Point du tout. Mais restons vigilants à ne pas le devenir…

20 février 2012 Benjamin

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