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Crédits photographiques : Gonzague B.
par Monsieur l’abbé Iborra
Anno Domini MMXIII
La fête du S. Cœur de Jésus vient clore la suite de ces belles solennités qui prolongent le temps pascal. Elle est pour ainsi dire le dernier resplendissement de cette queue de comète qui accompagne de sa clarté le noyau éblouissant de notre foi : la mort et la résurrection du Seigneur, célébrées à Pâques. Si la Fête-Dieu renvoie en effet au Jeudi Saint avec le rappel de l’institution de l’Eucharistie, c’est au pied de la croix, au Vendredi Saint, que nous convoque le culte du Sacré-Cœur. Loin d’être des cordicoles, des idolâtres d’une théologie du muscle cardiaque, comme les en raillaient leurs adversaires jansénistes, encyclopédistes et rationalistes, les jésuites – qui en avaient été les propagateurs – avaient su exprimer – sans jeu de mots – le cœur de la spiritualité chrétienne en un symbole universellement parlant : siège de la force, de la constance et de l’amour, signe d’une foi pénétrée de charité, ce Cœur qui, précisément note S. Jean, a été transpercé et duquel ont coulé l’eau et le sang, exprime, sans mièvrerie ni sensiblerie, tout le pathétique du drame divin du salut. Symbole éloquent de l’amour qui va jusqu’au bout et même au-delà, puisqu’il est déchiré alors que Jésus est déjà mort, il est le signe de la fidélité absolue de Dieu à son Alliance, du rachat par l’Epoux immaculé de l’épouse souillée par le péché comme tant de mystiques médiévaux l’avaient pressenti : S. Bernard, S. Gertrude, S. Mechtilde, S. Catherine de Sienne pour n’en citer que quelques uns. Symbole qui aussi va à la rencontre des vues pénétrantes des Pères des premiers siècles qui contemplaient dans cette eau et ce sang la source jaillissante de la grâce, et en particulier de la grâce sacramentelle, grâce du baptême et grâce de l’eucharistie. Ezéchiel l’avait prophétisé : du côté du Temple jaillira une source qui, devenue torrent, s’en ira assainir les eaux stériles de la Mer Morte et donnera à la vie de foisonner à nouveau.
La transfixion du Cœur du Christ sur la croix est le signe de la surabondance de l’amour de Dieu pour les pécheurs. Tout était achevé, pouvait-on penser, lorsque Jésus avait incliné la tête et remis l’Esprit. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis : Jésus venait de donner sa vie en sacrifice pour les péchés de la multitude. Tout était donc achevé. Et pourtant la Providence divine, se servant de la cruauté des hommes, montra que Dieu allait encore plus loin que la mort dans la livraison de son Fils entre les mains des pécheurs : il permit que fût ouvert ce Cœur, symbole de son amour pour le monde, pour que soit manifestée la surabondance de son amour de Père ; symbole aussi de son intimité avec le Fils, pour que cette intimité fût donnée en partage à tous ceux qui contempleraient un jour ce Cœur.
La transfixion du Cœur de Jésus révèle les flots de miséricorde qui jaillissent des entrailles de Dieu pour ses enfants égarés, et en même temps, elle indique la voie pour accéder à cette intimité trinitaire. L’ouverture du Cœur du Christ est d’abord le signe que le salut se communique à celui qui s’approche de lui dans l’amour, et qu’il se communique par l’Esprit Saint qui infuse en nos cœurs la grâce sanctifiante. Nous lisons en effet en S. Jean : Jésus, debout, s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive, celui qui croit en moi ! » Comme dit l’Écriture : Des fleuves d’eau vive jailliront de son cœur. Il disait cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui (Jn 7, 37-38). Mais si le Christ déverse à pleins flots la miséricorde divine sur ceux qui le contemplent transpercé, il invite les mêmes à entrer dans son Cœur, comme la colombe du Cantique qui vient se blottir dans les fissures du rocher. Car ce rocher, c’était déjà le Christ dira S. Paul (1 Cor 10, 4). Ce rocher fendu, qui rappelle celui que frappa Moïse au désert et qui laissa s’écouler l’eau qui allait étancher la soif du peuple et le sauver ainsi de la mort. La blessure du Cœur est la porte d’entrée dans le mystère de l’amour de Dieu pour les pécheurs auquel le Christ veut nous faire participer et dont S. Paul a exploré la longueur et la largeur, la hauteur et la profondeur comme l’épître nous le rappelle. Et à cet égard le culte du S. Cœur trouve son prolongement et son couronnement dans l’institution de la fête de la Divine Miséricorde, sur les instances de S. Faustine Kowalska. Il est la visibilité, dans la chair du Fils, du dessein rédempteur qui anime la Trinité tout entière. Dessein auquel nous sommes invités à prendre part : en entrant dans le Cœur transpercé, nous sommes appelés à coopérer au salut de nos frères, pas seulement à nous reposer en lui. C’est ce que Jésus fait comprendre à S. Marguerite-Marie : Donne-moi ce plaisir de suppléer aux ingratitudes des hommes autant que tu pourras en être capable. Le regard de l’homme qui se tourne vers Dieu dans l’adoration rencontre celui de Dieu qui, riche de miséricorde, se penche vers nos frères prostrés, gisant à l’ombre de la mort. Pie XII, dans l’encyclique qu’il a consacré à ce mystère, Haurietis aquas, commente : Le culte du Sacré-Cœur de Jésus, dans sa nature intime, est le culte de l’amour dont Dieu nous a aimés par Jésus, en même temps qu’il est l’exercice de l’amour que nous portons nous-mêmes à Dieu et aux autres hommes (HA 70).
Le culte du Sacré-Cœur est ainsi un résumé saisissant du double commandement de l’amour dont l’Eucharistie est sacramentellement le signe le plus éloquent. C’est pourquoi, Jésus demanda à S. Marguerite-Marie de faire célébrer une fête particulière le vendredi dans l’octave du S. Sacrement pour honorer son Cœur, en communiant ce jour-là, et en lui faisant réparation d’honneur par une amende honorable. La participation à l’œuvre du salut, accomplie une fois pour toutes par le Christ Tête au Calvaire, mais continuée dans l’histoire par son Corps ecclésial, s’exprime par l’esprit de réparation attaché au culte du Sacré-Cœur, esprit qui a présidé à l’érection de la basilique du Vœu national à Montmartre, comme vous le savez tous. Voici le Cœur qui a tant aimé les hommes et qui n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour ; et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes. La Passion du Christ se poursuit dans son Corps total qu’est l’Eglise, et cela durera jusqu’à la fin des temps comme l’a expressément rappelé le Catéchisme de l’Église Catholique. Réparer, cependant, c’est faire siens les sentiments qui furent ceux du Christ Jésus, c’est s’unir à la Miséricorde, en ne faisant plus qu’un avec Celui qui en est la source et l’instrument, le Christ lui-même. C’est, comme le dit S. Thérèse de l’Enfant-Jésus, se tenir en esprit au pied de la Croix.
L’image du Cœur transpercé en lequel l’âme vient se réfugier pour y être transformée exprime la vitalité et la fécondité de cet amour partagé, de ces épousailles de l’âme avec le Verbe, comme disait S. Bernard, où se réalise l’union des volontés, et qui s’opère dans l’eucharistie et dans son prolongement qu’est l’adoration. Eucharistie et charité, S. Sacrement et S. Cœur : le lien, finalement, c’est le prêtre. Le sacerdoce, en effet, disait le S. Curé d’Ars, c’est l’amour du Cœur de Jésus. Que le prêtre, en contemplant le S. Cœur et en tenant dans ses mains le S. Sacrement, se souvienne, dans son désir de répandre la Bonne Nouvelle, que seul l’amour est digne de foi. A un monde qui doute de pouvoir aimer en vérité, à un monde calculateur et égocentré, le Christ, dans ses mystères que célèbre l’Eglise, vient rappeler la vocation qui est adressée à tout homme : image d’un Dieu trinitaire, communion d’amour, l’homme ne trouvera le bonheur que s’il accepte de se risquer et de se perdre, à l’image du Fils de Dieu qui se livre pour nous. L’image symbolique du Cœur de Jésus nous indique la voie du bonheur, aussi bien en ce monde que dans l’autre. Elle l’indique à chaque homme en particulier, elle l’indique aussi aux sociétés et c’est pourquoi frapper notre drapeau du Sacré Cœur, c’est rappeler que le christianisme est la seule voie par laquelle une société politique peut s’accomplir avec bonheur, c’est rappeler aussi que ce que l’on demande à une société politique, ici-bas, c’est de s’effacer en servant la destinée surnaturelle, transcendante, de chacun de ses membres...
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