Les prisonniers

Sur la planète un peu cabossée,
A l’infini ils pouvaient marcher,
Pour ne jamais revenir en arrière,
Eternellement faire le tour de la terre.

Dans l’imaginaire propre et cloisonné
Des hommelets de l’unique pensée,
Les rêves mort-nés tournent en rond,
Sans pour s‘échapper trouver d’horizon.

Pourtant des hommes avaient avancé
Sur des chemins de brande embroussaillés,
Contourné des canyons, traversé les déserts,
Descendu sur des radeaux les rivières.

Mais dans les esprits abandonnés,
De bonnes graines jamais ensemencés,
Les idées résonnent à l’unisson
Des moulins à paroles de bon ton.

Si par quelques grandes enjambées,
Par de puissants réacteurs propulsés,
Des tubes métalliques réduisent la sphère
A la dimension d’une boule de verre,

Les parangons dans un caveau esseulé,
Aux grilles cadenassées et rouillées,
Ont fait le deuil de leur abandon,
Et se décomposent sans plus de passion.

Plus que jamais comme aux siècles passés,
L’on voudrait trouver un autre côté,
Imaginer un ailleurs au-delà des mers,
Partir à la conquête de nouvelles terres.

Dans l’excitation maladive et la technicité,
Se perd l’énergie vitale de la créativité,
Alors les gourous prospèrent à foison,
On oublie les essentielles révélations.

Des servitudes vivrières à peine libérés,
De l’inutile nous sommes prisonniers,
Incapables d’abandonner la matière,
De léviter de la glèbe primaire.

Jean de Baulhoo
Livret de poésie de France
Nouvelle Pléiade 2012

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