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Le Saint Père et la liturgie, selon l’abbé Iborra

Lu sur Notre-Dame des Neiges, un extrait du N°1468 de "L’Homme Nouveau", sous la plume de l’Abbé Eric Iborra :


Loin d’être un aspect anecdotique de la vie de l’Eglise, la liturgie - comme l’a d’ailleurs proclamé le dernier Concile - en est plutôt le centre. La liturgie est en effet le lieu où le Verbe est accessible par-delà l’épaisseur de l’histoire : par la liturgie s’actualise la présence de Celui qui est le médiateur et le contenu de la Révélation, l’interlocuteur divin par excellence. Par la liturgie, nous pouvons être rendus participants du dialogue intratrinitaire entre le Père et le Fils, trouver notre véritable « demeure » en tant que chrétiens.

C’est la communauté liturgique aussi qui permet d’avoir une vision plus juste de la Révélation et de son support, l’Ecriture. Il n’y a, en effet, pas de compréhension possible des Ecritures en dehors de la communauté qui les a produites et qui, dès lors, est seule apte à les interpréter. Dans l’acte liturgique [expliquera Benoît XVI], les verba multa des livres bibliques deviennent le Verbum unum, à la fois parole et nourriture dans l’Eucharistie.

La liturgie est ainsi un lieu théologique, sinon le lieu théologique par excellence. Elle est ce qui fait que la doctrine chrétienne ne dégénère pas en idéologie mais fructifie en confession.

L’existence chrétienne est cultuelle : elle consiste à rendre à Dieu un culte raisonnable, une logikè latreia, un culte selon le Logos. Rendre un culte à Dieu, c’est vivre selon le Logos fait chair, selon le Christ qui s’offre au Père dans l’acte central de sa vie, le sacrifice de la Croix. Le culte de l’Eucharistie est ainsi au centre de la vie chrétienne.

La beauté du geste de Dieu qui offre son Fils et la beauté du geste du Christ qui s’offre - avec nous tous - à son Père doit transparaître dans la beauté du culte. Pour Ratzinger, la beauté n’est pas de l’ordre du subjectif. Elle a un fondement dans l’être, elle est rationnelle, elle est « selon le Logos ».

Ses écrits sur la liturgie occupent une place importante dans son oeuvre, et par leur diversité, et pas leur qualité. Par l’attachement aussi qu’il leur porte : il a voulu que le premier tome à paraître de ses Oeuvres complètes les contienne. 
Toucher à la liturgie, c’est toucher à la relation vitale entre le chrétien et Dieu. C’est pourquoi [le Cardinal Ratzinger] a très rapidement déploré le tour pris par l’application de la Constitution conciliaire sur la liturgie. Il voit dans la "créativité" liturgique issue de certains milieux l’expression d’une mainmise qui hypertrophie la dimension anthropologique en la déséquilibrant au détriment de ses dimensions cosmologiques (dans laquelle elle doit s’insérer) et théologique (qui en est le fondement). La communauté finit par s’autocélébrer, reproduisant « la danse des Hébreux autour du veau d’or », par pâtir d’un néocléricalisme qu’autorisent souvent les multiples possibilités laissées au choix du célébrant par les livres réformés, néocléricalisme qui touche autant le clergé que les laïcs.


Ratzinger milite aussi pour une redécouverte de l’orientation. La liturgie eucharistique se célèbre face à l’Orient, face au Christ ressuscité symbolisé cosmiquement par le soleil levant, à la rigueur par la croix posée sur l’autel. La "participation active des fidèles" voulue par le mouvement liturgique de l’entre-deux-guerres, se réalise avant tout par l’union des fidèles à l’action qu’accomplit le Christ représenté sacramentellement par le prêtre. Cette participation requiert une certaine séparation d’avec l’agitation et les habitudes du monde ; elle suppose un silence intérieur propice à l’union et à la conversion.

Elle a besoin du chant dans ce qu’il a de meilleur, pour sublimer la parole - toujours prompte au verbiage - et de retrouver le chant secret qui gît au fond des choses, la louange muette du cosmos dans laquelle elle a à s’insérer pour la récapituler et l’offrir.
C’est ainsi que la pensée théologique de Ratzinger est éminemment christocentrique et ecclésiale en même temps que pratique, c’est-à-dire visant la sanctification des chrétiens. Elle se méfie de l’esprit du temps qui cherche soit à séculariser la transcendance du salut dans des réalisations utopiques et souvent destructrices (du joachimisme au marxisme ou à l’écologisme), soit à étouffer toute vie intérieure par le matérialisme pratique du consumérisme et de l’hédonisme subjectiviste érigé en unique norme de vie qui aboutit au relativisme éthique, destructeur de la société. [...]

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