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Le débat sur la théorie du genre est de retour, mais de quoi parle-t-on exactement ? Même les catholiques, qui ne sont pas infaillibles, s’y perdent, ou se contentent de clichés et d’articles vindicatifs dans Famille Qui Traîne.
Alors que nous allons revenir dans la rue dimanche, en partie pour protester contre cette théorie du genre, essayons d’y voir clair. Il est de notre devoir de ne pas imiter nos adversaires, qui calomnient plus que de raison. Cathos, gardons-nous de cesser de penser !
A l’origine de la controverse actuelle : la « Journée de retrait de l’école » (JRE), lancée en décembre 2013, qui invite les parents à garder leurs enfants à la maison, un jour par mois, pour obtenir « l’interdiction de la théorie du genre dans tous les établissements scolaires ».
Les JRE ne sont pas le fait de la Manif pour tous, mais de la cinéaste franco-algérienne Farida Belghoul, ex-membre des étudiants communistes, figure de la Marche des Beurs de 1984, et, depuis récemment, proche d’Alain Soral. Son auditoire dans les banlieues a permis de sensibiliser les parents musulmans, qui forment le gros des mécontents. D’où la perplexité de l’Éducation nationale, qui s’attendait à de prévisibles catholiques conservateurs.
Le régime a de quoi s’inquiéter. L’opposition au LGBTisme n’est jamais aussi forte que lorsqu’on y mêle les enfants et l’éducation : en Californie, le référendum qui annula le mariage gay en 2008 fut dopé par une vidéo efficace, suggérant que les écoles apprendraient aux petites filles que « les princesses peuvent se marier avec des princesses ».
En France, la mobilisation des musulmans au sein de la Manif pour tous fut limitée, mais elle exista, parce que beaucoup craignaient précisément de subir le LGBTisme à l’école publique, plus que de voir légaliser le mariage gay, qui, disent-ils, ne les concerne pas.
Sautant sur l’occasion, Jean-François Copé s’est déclaré« choqué par la théorie du genre », provoquant la réaction de l’impayable Najat Vallaud-Belkacem : « On ne parle aucunement de sexualité ! »
C’est du théâtre : le gouvernement essaie d’enfermer le débat dit « sociétal » dans un rassurant affrontement droite-gauche. Quant à Copé, il n’est choqué que de ce qui lui est momentanément profitable. Précisons que c’est Luc Chatel, un libéral qui lui est proche, qui a introduit le premier l’idéologie en cause dans un manuel de SVT de 1re, quand il était ministre de l’Éducation Nationale en 2011.
Depuis le début, Vincent Peillon, Vallaud-Belkacem et consorts répètent le même argumentaire : la théorie du genre n’existe pas, c’est un fantasme d’extrémistes, on parle juste de l’égalité garçons-filles. La tactique est assez habile, car il est difficile de définir ce qu’on entend derrière la notion de « genre ».
Le journaliste de l’Immonde Samuel Laurent, fidèle lecteur du R&N, s’est chargé de fustiger les « intox sur la théorie du genre ».
Les anti ont réussi assez brillamment à amalgamer deux notions très différentes. Il y a d’un côté les « gender studies », issues des Etats-Unis, qui sont un paradigme universitaire (…). D’un autre côté se trouve la politique de lutte contre les inégalités hommes-femmes que mène le gouvernement
Notre ami n’a pas tort. La notion de « genre » développée par certains chercheurs n’élimine pas toute considération sur le sexe. Il est légitime d’étudier l’impact des conventions sociales sur les stéréotypes femmes-hommes, et de mettre en cause les stéréotypes. Les « études de genre » comportent par ailleurs, comme toute pensée novatrice, des éléments stimulants pour la réflexion.
Votre serviteur a pour parent un universitaire réputé au Canada, Bernard Saladin d’Anglure. Spécialiste des Inuits, il écrivit dès 1992 dans la revue La Recherche un article intitulé « le troisième sexe ». Il démontre à travers ses recherches que les Inuits déterminent parfois le sexe de l’enfant avant sa naissance, au nom de leurs croyances chamaniques. Un garçon biologique peut être élevé en fille, et ce, jusqu’à sa puberté. A ce stade, la nature reprend ses droits, et il « redevient » garçon, en conservant les acquis de son éducation féminine. Ce « troisième sexe » social a des impacts réels. Ainsi, la plupart des Inuits représentant leur peuple auprès du gouvernement canadien sont des hommes « ex-filles » : plus fins, plus aptes à l’écoute et au dialogue… (rôôôh le cliché, n’est-ce pas ?)
Profitons-en pour saluer les femmes qui, parmi les cathos, n’ont pas honte d’être ambitieuses, de vouloir poursuivre des carrières, et qui souhaitent concilier vie de famille et vie professionnelle. A condition qu’elles ne se prennent pas la tête encore plus (rôôôôh, allez j’arrête).
Saint Maximilien Kolbe disait : « Sois attentif à la part de vérité qui se cache, comme un trésor qui t’appartient, au cœur de l’erreur de l’autre. » Tout ne se réduit pas à la biologie, comme l’explique le Père Antoine Guggenheim, du Collège des Bernardins : « ce n’est pas la naissance seulement qui nous fait homme ou femme. C’est aussi l’éducation, et toute la vie. (…) finalement, cette idée d’achèvement de notre être sexué est quelque chose d’assez chrétien. »
Ceci étant dit, il y a des données indispensables pour structurer la réflexion : la différence des sexes et l’asymétrie des corps sexués. Si on le conteste, on entre dans l’idéologie, et c’est là que commencent nos problèmes.
Une certaine lecture des études de genre dérive du féminisme radical, et affirme que les femmes, brimées par la domination masculine, doivent obtenir la même place et le même « pouvoir » que les hommes. A cette lutte contre la domination masculine, la Queer Theory de la sympathique Judith Butler ajoute la lutte contre la domination « hétérosexuelle », et professe pour y remédier de nier la différence sexuelle, et de la rendre interchangeable.
Cette idéologie à double versant, qui veut tout déconstruire, et qui, finalement, nie tout un pan de l’anthropologie, a des adeptes et des relais connus, qui travaillent à influencer la politique gouvernementale en ce sens. On peut le vérifier aisément, à travers des rapports d’organes d’État, comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui préconise l’introduction de « l’identité de genre » dans le droit français. Ou encore le film Tomboy, que l’on essaie de présenter à l’école, pour modifier le regard des enfants sur le sexe biologique (une petite fille joue au garçon pour séduire une copine).
Hier, Luc Chatel diffusait un ouvrage dont un chapitre s’intitulait : Devenir homme ou femme. Aujourd’hui, Vincent Peillon jure que, concrètement, l’école n’enseigne pas l’indifférenciation sexuelle. Chiche, on le prend au mot.
Voyons le « Quiz » proposé aux étudiants sur le site de l’ONISEP, qui leur est dédié : le grief féministe radical, victime de la phallocratie et des comportements imposés, est très présent.
Parmi d’autres, l’académie de Clermont a réalisé à l’intention des équipes pédagogiques un petit guide qui permet de bien comprendre le message transmis. Rien d’inacceptable en apparence, au contraire, le message, fondé sur l’égalité des chances, est construit, censé, et même intéressant.
Puis, dans le prolongement, les activités pédagogiques proposées aux enfants. Là, pour le coup, c’est très caricatural et critiquable, du style : « mettez en évidence les préjugés sur les mamans qui font le ménage à la maison ».
Le programme « ABCD de l’égalité », qui irrigue la politique gouvernementale actuelle, est de la même veine. En apparence, le travail proposé est souvent excessif, parfois intéressant dans sa volonté de faire réfléchir sur les constructions culturelles. Ce qui n’empêche qu’il faut réaffirmer que, leur intérêt étant anthropologique, ces considérations n’ont absolument pas leur place à l’école maternelle.
De plus, le risque est réel que les radicaux de la Queer Theory ne se servent d’analyses valables que pour pousser à la déconstruction de ce que nous sommes, en imposant d’autres comportements. Le soupçon envers Vincent Peillon et ses sbires est alors légitime, et la vigilance est de mise. Sans jeter le bébé de la réflexion avec l’eau noirâtre de Judith Butler.
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