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Conservateur, donc traditionaliste !

Ceux qui ne tiennent aucun compte de leurs ancêtres en tiendront bien peu de leur postérité.” (Edmund Burke)

Etre conservateur, c’est formidable ! Encore faut-il savoir ce que l’on souhaite conserver. Le confort ? La forme du gouvernement ? L’identité ? L’homogénéité du corps social ? Les moeurs ? Vu de France, le terme même de conservatisme n’est pas toujours bien vu. Y compris à droite. Dans Les grands cimetières sous la Lune, Bernanos ne disait-il pas « Qui dit conservateur dit surtout conservateur de soi-même » ?

Pour savoir ce qu’un honnête homme doit conserver, une réponse existe. C’est le traditionalisme. Le sujet étant vaste, nous nous concentrerons sur la postérité de la pensée d’Edmund Burke (au sujet duquel un excellent article est disponible sur votre gazette)

La conservation n’est pas une crispation

En politique, la tradition ne saurait être réduite à une révérence crispée envers ce qui est ancien, par rapport à ce qui est moderne. Conserver la tradition, c’est avant tout conserver les droits traditionnels, hérités de nos pères ; par opposition aux "droits de l’Homme" abstraits conçus par les philosophes des Lumières. Or, pour conserver ces droits traditionnels, l’homme politique doit être prêt à certains changements, lorsque cela est nécessaire. Edmund Burke, père du conservatisme, disait à ce propos qu’ "un Etat incapable de quelques changements est incapable de se conserver".

La tradition est une transmission

Le conservateur n’est donc pas l’ennemi du changement en tant que tel ; il est avant tout sceptique vis-à-vis du Progrès, surtout lorsque ce progrès est révolutionnaire.
En effet, le conservateur traditionaliste est conscient de son humble place dans l’Histoire des hommes. Il sait qu’avant lui, ont existé des siècles de civilisation humaine. Son attachement à la tradition (en latin, la traditio est la transmission) est une position tout à fait rationnelle.
Cette transmission de valeurs, de moeurs, de civilisation est au centre du conservatisme authentique. Burke déclare encore, dans Réflexions sur la Révolution de France : "La société, en effet, est un contrat... mais un contrat entre ceux qui sont vivants, ceux qui sont morts, et ceux qui sont à naître".

Tradi ou réac ?

Reste à déterminer ce qui appartient ou non à la tradition. A l’époque où Burke écrit, il est évident que les idées néfastes des Lumières ont fait florès depuis déjà longtemps, et que la société française a rompu avec son passé. Les idées des philosophes peuvent alors êtres considérées comme faisant partie d’une certaine tradition française. Un retour vers l’ordre ancien ressemblerait alors à une révolution, à une rupture. Là-dessus, laissons la parole à un autre géant de la contre-révolution, Joseph de Maistre : « La contre-révolution ne sera pas une révolution contraire mais le contraire de la Révolution. »
Si le réactionnaire et le conservateur sont de proches cousins, voire des frères, le réactionnaire veut revenir à l’ordre passé ; le conservateur burkéen, lui, s’attache avant tout à conserver ce qui est bon et à rejeter ce qui est mauvais.

Le traditionalisme américain : de Burke à Kirk

Le conservatisme traditionaliste s’est particulièrement implanté aux Etats-Unis (particulièrement chez les catholiques), où l’héritage du britannique Burke est toujours vivace, deux siècles plus tard.
De l’autre côté de l’Atlantique, ce mouvement intellectuel de droite (les nouveaux conservateurs, à ne surtout pas confondre avec les néo-conservateurs) a connu une renaissance à partir des années 1950, sous l’impulsion de Russel Kirk, auteur de L’esprit conservateur. Selon Kirk, qui se situe dans le sillage du grand Edmund Burke, la Révolution américaine n’est pas une révolution, car elle ne marque pas de rupture ; Au contraire, l’indépendance acquise par les Insurgeants grâce à l’aide des Français se situe dans la continuité de la déclaration des droits de 1689 (Angleterre), laquelle complète la bien plus ancienne Magna Carta. Vue ainsi, la Révolution américaine est conforme à une tradition donnée, et promeut des droits traditionnels, incarnés et concrets, contre droits abstraits et progressistes (liberal rights, en anglais).

La prudence, antidote contre le poison de l’idéologie contractualiste

Le conservatisme traditionaliste défendu par Russel Kirk s’oppose au rationalisme (mais pas à la raison), à l’égalitarisme et à l’utilitarisme ; Plus largement, le traditionalisme pourfend l’idéologie. Il a en horreur les Révolutions : la française comme l’industrielle. La bureaucratie n’est pas en reste.
Anti-idéologue, le traditionalisme promeut au contraire "la politique de la prudence". Surtout, le penseur traditionaliste est conscient que l’Homme a ses propres limites. La création d’un homme nouveau est vouée à l’échec : ainsi, les traditionalistes rejettent-ils avec force les théories contractualistes avancées par les progressistes (liberals). L’homme n’est pas une créature parfaite. Il ne peut bâtir le paradis sur terre. Enfant d’une civilisation construite par ses aïeux, il doit la transmettre à ses enfants en en gardant le meilleur.

Face aux utopies du monde moderne, le traditionaliste dispose d’un atout par rapport à ses pairs. Au milieu d’un Occident déraciné, malade d’idéologie et de manque de repères, il sait se tourner vers ce qu’il y a de plus brillant dans les oeuvres de ses ancêtres, afin de savoir qui il est, ce qu’il doit faire et ce qui sera bon pour sa nation à l’avenir.

Il sait conserver avec raison.

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