Un policier à décorer dans l’ordre du mérite budgétaire, avec palme

Le 30 juillet 2013, en début de nuit, quelques veilleurs debout ne lâchent rien place Vendôme. Dès qu’ils se rapprochent du Ministère de la prétendue Justice, les forces de l’ordre s’agitent un peu et vont et viennent de leur camionnette au porche du Ministère.

Les veilleurs veillent, certains fument en même temps. L’un d’eux laisse tomber son mégot sur le sol, l’écrase sous sa semelle et le ramasse pour le déposer dans une boite métallique qui sert de cendrier. Le mégot n’a pas été en contact avec le sol plus de deux secondes mais pour un policier zélé, le crime de nature écologique est commis : il dresse une contravention de 35 euros. Un autre veilleur debout de sexe féminin sera elle aussi verbalisée, mais je ne l’ai pas vue directement commettre son abominable forfait, ni chronométrer la durée de séjour du reste de cigarette sur le sol : je n’ai pu que lire la contravention qui lui a été remise.

Mes quelques réflexions sur ce que j’ai vu

Remonte le souvenir d’une très vieille discussion avec un ami – elle date d’avant la chute du rideau de fer – qui m’expliquait qu’Amnesty International était l’allié objectif des communistes parce que les détenus politiques n’existaient pas au-delà du Rideau de Fer : tous étaient des condamnés de droit commun dans des pays où, pour simplifier, ce qui n’était pas autorisé était strictement interdit. Au vu d’une application aussi rigoriste de la loi, qui pourra décemment soutenir que la sanction infligée au veilleur debout n’était pas la tentative (d’ailleurs infructueuse) de réprimer l’expression paisible d’une opinion, certes constitutive d’une lèse-bien-pensance ayant les faveurs du pouvoir en place ? Alors n’oublions jamais qu’un pouvoir à vocation totalitaire (1) camouflera toujours la répression des idées contrevenantes sous des prétextes anodins et fallacieux, et (2) n’a pas besoin d’un coup d’état pour parvenir au pouvoir : des élections suffisent.

Je n’ai pas les compétences qui seraient requises pour gérer l’allocation des ressources policières afin d’optimiser leur efficacité (l’ordre public est maintenu) et leur efficience (les moyens pour maintenir cet ordre public sont justement proportionnés et confinent le risque d’inefficacité dans une probabilité acceptable). Mais le déploiement de force constaté Place Vendôme incite le citoyen lambda que je suis à douter : n’y avait-il pas le 30 Juillet 2013 à Paris en début de nuit de plus grand désordres publics que les deux mégots ayant brièvement séjourné sur le sol de la dite place ? La quantité de policiers affectés était-elle proportionnée à la « menace » que représentent les quelques sentinelles pacifiques veillant tant bien que mal sur le peu de démocratie qui nous reste ?

J’ignore quelles sont les motivations personnelles du policier ayant dressé la contravention, je ne souhaite que mettre en lumière les effets de cette façon d’exercer la mission de la Police. Quelle confiance les citoyens qui assistent à ce genre de détournement arbitraire de l’autorité peuvent-ils accorder à une telle police ? Avant d’être respectés, il conviendrait que les policiers soient respectables, et ce genre de comportement ne risque pas de plaider en leur faveur.

Fan de Vespasien en matière de Finances Publiques, je souscris au « mieux vaut taxer le vice que rançonner la vertu ». Je trouve donc normal que des sanctions pécuniaires soient infligées pour les incivilités, infractions et délits, à due proportion de la gravité des faits commis. Mais là, je suis admiratif : 35 €uros pour deux secondes de stationnement illicite d’un mégot sur l’espace public ! M. Moscovici, pour combler les trous du budget que votre impéritie et celle de vos très nombreux prédécesseurs ont fait béer au-delà de toute mesure, encouragez ce genre de pratique ! Mieux encore, supposez que 50% des cigarettes d’un paquet sont écrasées sur le sol public et multipliez allègrement le prix de la contravention (35 €) par la quantité de cigarettes d’un paquet (20) par ces 50% - cela vous fait 350€ de recettes nouvelles que vous pourriez obtenir pour chaque paquet fumé en France ! Mais ne soyez pas ingrat, faites décorer ce policier qui en a indirectement soufflé l’idée !

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