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Cachez-moi cette Vendée que je ne saurais voir

Vitrail de la Chapelle du Cimetière des Martyrs, Forêt de Vezins (49)
16 janvier 2013, séance tardive au Sénat. Le débat porte sur le mode de scrutin aux élections cantonales. Au cours de ce débat, sorti d’on ne sait où, un sénateur socialiste, Jean-Pierre Michel, prend à partie M. Retailleau, sénateur de la Vendée (et président du conseil général), en ces termes :
Pendant un quart d’heure, M. Retailleau s’est livré à des considérations politiciennes. Les Vendéens ont combattu la République !” » Et de renchérir ensuite : “J’ai été choqué par le logo qu’a retenu le département de la Vendée. Je partage la conviction de Clemenceau, la Révolution ne se découpe pas en tranches de saucisson, mais elle est un bloc !

Passons sur l’incongruité d’une telle transition, et sur l’absence de lien quelconque entre la réforme d’un mode de scrutin et la forme d’un logotype départemental.

En quoi diable le (bel) emblème du département de la Vendée choque-t-il le sénateur socialiste de la Haute-Saône ? Est-ce pour un motif artistique ? Si oui, alors c’est l’hôpital qui se fout de la charité (jetez donc un coup d’œil au logotype de la Haute-Saône si vous en avez le courage).

Non, assurément, c’est bien un motif idéologique qui guide ce « pétage de plombs » du parlementaire, puisqu’il établit d’emblée un rapprochement entre ledit emblème et l’insurrection de 1793 en Vendée militaire contre la Convention. C’est donc bien la mémoire du soulèvement dont il est ici question. Pour mémoire, le logotype du Conseil général de Vendée est une version stylisée du "double coeur" (les Coeurs entrelacés de Marie et de NSJC). Le rappel au scapulaire orné du Coeur Sacré, porté par les insurgés de l’Armée catholique et royale, est évident. Un tel choix se justifie par le poids qu’a pris la Guerre de Vendée tant dans l’historiographie que dans la conscience collective des territoires jadis gagnés par l’insurrection. C’est une question d’identité.

M. Michel, notre bon sénateur, déclare avoir été choqué à la vue de cet emblème jadis utilisé par des paysans luttant contre la République.
A l’instar de Clémenceau, Jean-Pierre Michel considère que la Révolution est un bloc, et que se soulever contre la Terreur, c’est se soulever contre la Révolution toute entière. Donc, si la Révolution est un bloc, la Terreur ne saurait être distinguée des autres épisodes de la Révolution.

Soit, mais dans cette hypothèse, le sang des nombreux innocents massacrés lors de la Terreur constitue une tâche indélébile sur la Révolution, puisqu’on ne saurait distinguer la Terreur du reste. Or, le sénateur socialiste, que l’on imagine cultivé, curieux et indépendant des lectures partisanes de l’Histoire, ne peut ignorer le caractère intrinsèquement odieux de la répression menée par la Convention, en particulier en Vendée militaire. Des lois d’extermination furent rédigées par la Convention, et appliquées à la lettre par de zélés généraux (Turreau notamment, dont le nom est gravé sur l’Arc de Triomphe) constituant des colonnes infernales pour “exterminer la race rebelle des Vendéens”, selon le mot de l’enflammé Baptiste Barère.

Vitrail de l'église de Montilliers (49)

Des historiens réputés tels R. Secher, S. Courtois, ou encore l’illustre P. Chaunu ont mis en lumière la volonté exterminatrice décidée au plus haut niveau de l’Etat contre de simples paysans. Le seul dessein de ces derniers était le maintien de la liberté religieuse, alors menacée par la politique de la Terreur. S’ils ont pris les armes au nom du Roi, c’est parce qu’ils ne pouvaient être républicains. Naturellement, la masse réveillée par le tocsin nécessitait des chefs accoutumés au métier des armes, donc essentiellement des nobles. Ainsi est né, dans les esprits des républicains, par le biais de Michelet et consorts, l’image tenace et erronée d’un soulèvement nobiliaire piloté par les émigrés, ces derniers instrumentalisant des paysans illettrés et fanatisés par les prêtres réfractaires. Mais cette conception de gauche ne tient pas, car elle se heurte à la réalité historique. Ce que la Gauche, digne héritière des Révolutionnaires, ne veut pas voir, c’est que les Vendéens se sont battu pour la Liberté.

Manquer ainsi de respect à l’emblème de la Vendée, c’est se rendre complice de l’idéologie destructrice de Robespierre et de Barère ; d’ailleurs, M. Michel joue-t-il les vierges effarouchées lorsqu’il emprunte une « rue Robespierre » ? L’emblème de la Vendée, parfaite illustration d’un fait clef de son Histoire, choque ce bon monsieur, mais être un thuriféraire de la Terreur ne semble point l’offusquer outre mesure. Occulter la vérité faisait partie du plan de la Convention, corollaire à la stratégie des Colonnes infernales. C’est ce que Reynald Secher nomme le « mémoricide ».

Les propos de M. Michel (et de toute une partie de la Gauche, en atteste le communiqué officiel du Parti de Gauche relatif au génocide vendéen) constituent en outre un manque de respect envers les nombreux vendéens morts pour la France en 1914-1918, puis lors du second conflit mondial. Parmi eux, de nombreux descendants de "génocidés", qui avaient cet emblème ancré au plus profond d’eux-mêmes. Comme leurs compatriotes, ils ont fait leur devoir dans la boue des tranchées, avec le taux de mortalité le plus élevé de l’Hexagone lors de la Grande guerre. A titre d’exemple, rappelons l’épisode mythique de la Tranchée des baïonnettes. Le 11 juin 1916, à Douaumont, 57 soldats français du 137 régiment d’infanterie sont enterrés vivant dans leur tranchée par l’explosion d’un obus ; leurs baïonnettes émergeant du sol symbolisent la résistance héroïque des défenseurs de Verdun. On ignore cependant si les circonstances de cet épisode sont un mythe ou un fait avéré, mais l’essentiel est ailleurs. Ces 57 hommes étaient des vendéens, leur régiment venait de Fontenay-le-Comte, dont le terroir fur profondément marqué par les Guerres de Vendée. Nombres de ces soldats étaient descendants de Blancs ou de victimes des Bleus. Cela ne les a nullement empêché de mourir pour la France en 1916.

Il est malheureux, en 2013, d’entendre à la Haute Assemblée des discours manichéens masquant le caractère sanguinaire de la Terreur, faisant fi de tout regard objectif sur les évènements, et jetant le déshonneur sur une population et son héritage. Quelle réponse M. Michel apporter aux Français qu’un tel traitement de l’Histoire sidère ? A l’heure où l’Histoire officielle de la Révolution se fissure, où les tabous tombent et alors que le Roman de Charette de Philippe de Villiers est un immense succès de librairie, il est évident que les Français attendent des arguments plus étayés que les palabres du 16 janvier.

Rappelons, en dernier lieu, qu’une proposition de loi portant reconnaissance du génocide vendéen a été cosignée il y a quelques jours par des députés UMP (dont M. Luca), FN (Marion Maréchal-Le Pen) et non-inscrits (Mme Besse et M. Moreau, députés de la Vendée). Certes, c’est la troisième fois en moins de six ans qu’une telle proposition voit le jour. Certes, une telle initiative est vouée à l’échec. Certes, les lois mémorielles sont intrinsèquement perverses puisqu’il n’appartient pas aux parlementaires d’écrire l’Histoire. On retiendra seulement que 2013 marque le 220e anniversaire de la mort du Roy et du soulèvement vendéen, et qu’il est plus que temps que se fissure le mythe inviolable et absurde de la grande Révolution vue comme mère de la Liberté et de l’Egalité. Ou bien rajoutons y « la Mort » !

Comme disait Charles Péguy : "celui qui sait la vérité et ne gueule pas la vérité se fait le complice des escrocs et des faussaires".

Merci à Nouvelles de France d’avoir relayé cet incident sur son site et de participer ainsi au nécessaire travail de réinformation.
Mont des Alouettes, Les Herbiers (85)

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