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Le 20 février dernier, nous pleurions le cent-vingtième anniversaire de la funeste encyclique Inter innumeras sollicitudines. Sur les bons conseils de son secrétaire d’Etat, le cardinal maçon Rampolla, Léon XIII demande à tous les catholiques français « d’accepter ces gouvernements, et de ne rien tenter pour les renverser ou pour en changer la forme » puisqu’ « on peut affirmer en toute vérité que chacune d’elles (les formes de gouvernement) est bonne, pourvu qu’elle sache marcher droit à sa fin, c’est-à-dire le bien commun pour lequel l’autorité sociale est constituée. » Bien évidemment, le Saint Père n’est pas devenu républicain d’un trait de plume. Il s’agissait de stratégie. Et quelle stratégie....
Au baron de Montagnac qui, en 1894, lui expliquait qu’il ne pouvait abandonner sa tradition qu’il avait reçue des siens, Léon XIII lui répondit qu’il fallait « abandonner les traditions pour le moment, un petit moment seulement ». Ce petit moment dure désormais depuis 120 ans. Belle réussite. Léon XIII explique ensuite à son interlocuteur quel est son plan :
« L’adhésion qu’il faut que les catholiques fassent à la République n’est que provisoire. Ce qui fait que les catholiques sont exclus de tout, c’est qu’on les croit monarchistes. Quand les catholiques seront entrés dans la République, ils arriveront à tout, aux places et aux sièges électoraux, et alors ils seront les maîtres et ils renverseront la République qu’ils remplaceront par une royauté s’ils le veulent. Car, voyez-vous, personne ne désire plus que moi la chute de la République. »
Ce doux rêveur de Léon XIII a tout simplement perdu une bonne occasion de se taire et l’intrusion de Rome dans la politique française a été désastreuse. Ni l’Eglise, ni le pays, n’en ont rien retiré de bon. Car 120 ans après, le provisoire dure toujours et les catholiques sont toujours exclus de tout bien qu’ils ne soient plus monarchistes et souvent bien qu’ils ne soient même plus catholiques, ou qu’à moitié. Ils n’arrivent toujours à rien, sauf à se taire, sont bien loin d’être les maîtres et de renverser la République. Echec total donc, erreur stratégique qui, et c’est bien le plus grave, a conduit à une défaite intellectuelle. Le catholicisme politique, faute de ne plus avoir de principes stables auxquels s’adosser, s’est effondré très rapidement jusqu’à atteindre les abîmes de la démocratie prétendument chrétienne.
L’esprit du Ralliement, cet esprit défaitiste, sournois et malfaisant, cette stratégie à peine digne du café du commerce, continue pourtant de porter beau dans le catholicisme français. « Il faut se résigner à ce qui est nécessaire » Cette phrase de Léon XIII pourrait être prononcée par une bourgeoise chargée de perles jouant à se faire peur place de la Concorde. Les principes importent peu, et le bien-pensant catholique ne les connaît plus. Bien trop compliqués, inapplicables, inadaptés à la vie moderne. Le rallié de 1892, le bien-pensant que Bernanos fustige tant dans La Grande peur que dans Les Grands cimetières sous la lune ou dans La France contre les robots, ce vile bien-pensant est toujours là. Il est partout. Il fulmine pendant cinq ans contre les gouvernants qui lui imposent des lois iniques, il vocifère, jure que l’on ne l’y reprendra plus. Il met l’animation dans les salons, on hésite presque à l’inviter dans les dîners mondains de peur que son activisme quasi révolutionnaire n’en perturbe le bon déroulement. Il brandit ses trois points non négociables qui, en dépit de leur appellation, ne viennent pas du Cardinal Rampolla. Attention, le vote catholique sera un vote sanction.
Mais lorsqu’approche l’orgasme démocratique quinquennal, toutes ces imprécations dignes de Léon Bloy s’évaporent devant la puissance des stratégies. Le communisme guette, ses sbires ont déjà le couteau entre les dents, prêts à faire rendre gorge aux puissants. Oh, le catholique bien-pensant n’est pas un puissant et ses maigres économies ne sont guère menacées par le terrible bolchévique. Mais il aimerait bien en être. Et comme il a quelques restes de bonne éducation, il croit qu’il fait partie de l’élite dirigeante qui serait menacée. Il ne rêve que d’appartenir à cette ploutocratie qu’il dénonce – mollement bien sûr – et qu’il devrait combattre sans relâche. A défaut d’être jamais accepté par cette élite mondialisée et apatride qui voue une haine ancestrale et doctrinale au catholicisme, le bien-pensant catholique cherche à la défendre, piétinant tous ses principes, espérant qu’elle lui jette quelques miettes du gâteau, ou qu’elle le laisse survivre comme idiot utile. De manière congénitale, il soutient le système. Il sera même le dernier soutien de ce système qui ne cesse de bafouer tous ses principes. Tel Charlus jouissant d’être battu par des repris de justice, il se fait piétiner, fouetter et écarteler par la République des frères mais il aime cela, il en redemande. Cardinal, il préférera toujours Rampolla à Sarto. Tous les sept ans, puis tous les cinq ans, il répète à l’envi qu’aucun candidat n’est suffisamment catholiquement pur pour mériter son vote. Quand la République, bonne mère, tolère un candidat osant remettre en cause quelques uns de ses principes, le bien-pensant catholique devient pointilleux et guette le moindre faux pas. Lui d’ordinaire si magnanime quant à la moralité de ses représentants s’intéresse tout un coup à la vie conjugale du candidat. L’apprenti cathare ne donnera son vote qu’à un bon catholique, déjà canonisé, père de famille nombreuse, récitant à la virgule près le Catéchisme de l’Eglise catholique etc. Enfin, entendons-nous, lorsque les terribles rouges approcheront des 3% d’intention de vote, que les chars nord-coréens franchiront le Rhin, notre tartuffe sera bien plus magnanime envers ceux qui lui sont pourtant tant éloignés. Pourvu qu’ils ne touchent pas, ou pas trop, à sa rente. Et il votera comme tout le monde (enfin le beau monde) car c’est déjà si difficile d’être catholique le dimanche, qu’il serait fâcheux d’apparaître en sus comme complice des rouges qui feront chuter la rente. Et si, le 6 mai au soir, le gitan qui campe à l’Elysée fait mentir les sondages, le fidèle disciple du Cardinal-Frère sera, tel Léon Blum, partagé entre « un lâche soulagement et la honte ».
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