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Mon précédent éditorial avait choqué quelques bonnes âmes toutes disposées à nous faire profiter de leurs lumières prudentielles. Admettons, admettons que nous acceptions d’entendre leur complainte bourgeoise pour réitérer l’erreur de nos parents et laisser filer une société qui n’a de cesse de montrer ses écueils. Admettons que les mécanismes qui prévalent aujourd’hui dans la constitution des lois dites sociétales ne soient pas un crime assez grand commis contre l’Homme et contre la France pour que nous ne nous retranchions jamais du conformisme et des bondieuseries modernistes. Encore faudrait-il, pour que nous n’ayons pas été trompés, que ces sages et prodigues conseillers se livrent à la même dénonciation de la violence d’une machinerie économique pratiquement convertie à la haine de l’humain et finalement à la brutalité incarnée par tant de discours de la bien-pensance. Las, il faudrait que leurs lumières se laissent toucher par la souffrance des petits et des faibles, dès lors que ceux-ci ne sont ni à naître, ni embryons mais bien des êtres de chair jetés dans le chômage et l’exploitation, cela, décidément, est beaucoup trop chrétien pour les intéresser !
Je n’ai pas croisé grand nombre de Français en guenilles lors des manifestations d’opposition à la loi Taubira, j’ai en revanche entendu beaucoup de catholiques heureux d’affirmer, dans leur suffisance très charitable, que le combat pour la famille était le seul digne d’être mené. Quand on se penche sur la composition sociale de nos manifestations, on a l’impression que les catholiques courent un danger éminent, celui de devenir une classe sociale au stricte sens marxiste. Un comble tout de même alors que la haine du vieux Karl est rabâchée à tours de bras dans les cercles autorisés, sans aucune finesse d’ailleurs, puisqu’il est entendu que c’est bien le marxisme qui explique les stratégies de l’oligarchie afin d’asservir les peuples et finir de briser notre civilisation. Karl Marx, en effet, doit inspirer Soros, Goldman Sachs, le FMI et l’ONU...
Nous sommes révoltants. Nous sommes révoltants car nous voudrions parler au pays réel du haut de nos citadelles ou au mieux du sommet de nos clochers et lui expliquer que la France meurt du cancer de l’assistanat. Nous sommes révoltants car nos papes nous gueulent notre indigence à longueur d’encycliques et que nous continuons à annoncer une révérence ébahie avant d’aller emplir nos assurances vies heureusement placées sur des marchés qu’on voudrait opaques alors que leur cynisme n’est que trop transparent. Et c’est ainsi que l’épargne de ceux qui s’indignent de la réaction violente finit par expliquer Lampedusa et le massacre économique des pays les moins avancés. Ils vous répondront que nous fleurons là avec le tiers-mondisme afin de se soigner à peu de frais, jusqu’à ce que le grand remplacement ait fini d’amener au plus près de nos quartiers les masses allogènes victimes des libéralités de la mondialisation financière.
A refuser de prendre en compte la réalité des structures qui interdisent à l’Homme d’accomplir sa Nature nous versons dans l’idéologie prisée des gauchismes. Prenez l’opuscule Pas client distribué aux députés de l’assemblée Nationale par l’association Zero Macho, L’auteur y décrit pendant trente pages le quotidien et la biographie de femmes plongées dans la pauvreté la plus ignoble. Obscènes, de telles descriptions saisissent le lecteur et lui font comprendre à quel point la violence économique peut asservir l’Homme dégradant jusqu’aux solidarités les plus naturelles, les plus charnelles. Mais comme l’auteur est bien-pensant le voilà qui explique le ressort de l’expansion de la prostitution : la domination fasciste du mâle sur la femme. La graisse de l’idéologie lui aura interdit d’accepter la terrible réalité des effets de la précarisation et de l’explosion de la cellule familiale sur les destins. Nous participons du même réflexe odieux quand nous voulons faire de la souffrance du pauvre le sujet d’une glose au lieu d’interroger notre responsabilité directe, immédiate, dans la vieille tradition européenne de l’hère dont les dehors pitoyables cachent parfois des flammes divines.
Nous devons apprendre à nous laisser toucher. Les littéraires pourront relire les magnifiques Mémoires de Dirk Raspe de Drieu ou simplement les Yeux du pauvre de Baudelaire, pour être plus présentables. Les réalistes n’auront qu’à aller dans la France des Bonnets rouges et entendre les larmes des ouvrières de Gad chassées par des Roumains ou plutôt par un système économique et technocratique qui a fait de la déportation de populations un facteur d’économie d’échelles. Les politiques, quant à eux, pourraient se demander comment NKM peut affirmer que le métro est un endroit de charme et Laurent Wauquiez représenter la droite sociale en serinant les assemblées du discours cramoisi sur le cancer de l’État providence, cancer à ce point ignoble qu’il permit à la France de retrouver son unité au sortir de la seconde guerre mondiale. Il faudrait surtout que nous soyons assez braves pour entendre le lamento d’un pays réel au bord de l’implosion.
Mais pour apprendre à nous laisser toucher nous devons absolument nous départir de la terrible conviction que nous serions supérieurs au reste du pays. Croire que nous proposons un corps de valeurs et d’organisations qui visent au bien commun ne peut être une force qu’à condition que nous nous efforcions de nous plonger au plus profond des maux de notre société. La théorie du genre comme l’euro artificiellement fort, le mariage homosexuel comme la financiarisation, la christianophobie comme l’insulte des pauvres participent du même poison antifrançais qu’il s’agit de combattre intégralement. Se couper artificiellement des effets de la violence économique revient à perdre le crédit et la confiance qui sont les pivots de l’efficacité politique.
Si nous voulons parler à toute la Nation, nous ne pourrons faire l’économie de cette nouvelle conversion. Sans l’extension du domaine de la compréhension des drames contemporains nous ne pourrons que nourrir notre communautarisme. Nous serons la France bien élevée, les gentils garçons en drapeaux roses pressés de siroter à La Motte-Picquet et nous n’aurons rien à proposer à notre monde que des idéaux cosmétiques qui n’auront jamais senti le douloureux calice des maux d’un pays abandonné aux marchés et aux communicants. Drieu, sans doute, avait bien résumé le drame de nos réflexes : « L’usage de la lumière, dans cette apothéose de confort social était une orgie de mensonges perpétrée par un débauché de petit tempérament. »
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