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[EX-LIBRIS] Maurras & Dutrait-Crozon : Si le coup de force est possible. Ré-actualisation [Partie III]

Partie 3 La préparation du coup

« Attendons et guettons, afin qu’au premier des indices favorables, quand l’énergie de la nature et de la rue se proposera, nos énergies et celles de nos proches soient en état de la capter et de l’utiliser »

Le bon moment

Savoir attendre le bon moment pour tenter le putsch est réellement l’un des sujets centraux de ce livre. D’après les auteurs, le moment opportun, les forces en présences, et les mouvements aléatoires sont aussi importants que l’organisation. Reprenons ici l’exemple du putsch d’Alger et du 1er Régiment Étranger de Parachutiste commandé par intérim par Hélie Denoix de Saint Marc. Sans la mort du lieutenant-colonel quelques temps auparavant et la permission du commandant, le putsch n’aurait pu avoir lieu. La thématique défendue par les auteurs correspond parfaitement à cet exemple : sans le le facteur aléatoire qui donne le pouvoir à un homme “qui en est”, il est quasiment impossible d’agir. C’est pourquoi le coup de force ne peut se prévoir à l’avance, mais au contraire être dans un coin de la tête pour agir à la première occasion. C’est également pour cette raison qu’un coup de force n’est jamais assuré : « si la réussite est douteuse, la défaite l’est tout autant ».

De plus, les auteurs soutiennent que ces « occasions [se montrent] de temps en temps », ils s’appuient — une fois encore — sur l’histoire, assurant que s’ils peuvent en trouver « depuis l’origine de la troisième République », alors il n’y a aucune raison que d’autres ne surviennent pas. Il s’en suit une liste de ces occasions : 1885, la foule s’assemble devant la Chambre de députés ; 1887, le recul du Congrès de Versailles à élire Ferry président, et cætera . Malheureusement, les auteurs ne définiront pas avec précision la notion d’occasion, se contentant de donner des exemples. En tentant de faire ce travail à leur place, voilà ce qu’il pourrait en ressortir : un mouvement populaire ou militaire, prenant place près des organes du pouvoir, ainsi qu’une très nette opposition au gouvernement ou au régime en place.

Essayons désormais de trouver quelques occurrences d’occasions dans la Ve république. Le sujet est hautement hasardeux mais il en vaut la chandelle. Évidemment, il y a le putsch des généraux à Alger sur lequel nous ne nous attarderons pas. La situation estudiantine de mai 68 peut s’analyser comme une occasion de coup de force qui aurait de certaines façons réussie. La Ligue trotskiste de France (sic) rappelle dans un article paru en 2008, que ces événements étaient une situation « pré-révolutionnaire » (sic). Si cette situation peut être qualifiée d’occasion, c’est surtout de par la mobilisation quasi immédiate d’une partie de la France à l’appel des syndicats. Mobilisation qui met bien en exergue la réelle fracture entre le gouvernement et le peuple. Cependant, cette occasion est assez biaisée par l’étendue et la disparité des revendications. D’aucuns feront la grève suite à la réponse musclée des forces de l’ordre face aux premières manifestations ; d’autres — comme Mitterrand — dénonce de Gaulle et son présumé coup d’état de 1958 ; d’aucuns —– comme les communistes et les anarchistes — tenteront de s’emparer du mouvement pour mener une “révolution”, et puis il y a aussi les grands gagnants : les libéraux-libertaires, qui nous empoisonnent encore aujourd’hui.
Il faut aussi noter que certains royalistes de l’Action Française prirent part à ces mouvements. Dans le livre de François Huguenin l’Action Française, nous pouvons lire : « La révolte de Mai 68 rencontrera les thèmes de contestation développés par le royalisme. Nombre d’entre eux […] s’y engouffreront », nous n’approfondiront pas ce qui a pu pousser les royalistes dans ce mouvement, nous n’en avons ni le temps ni la place.

Enfin, dans une certaine mesure, les manifestations contre le "mariage" homosexuel peuvent être considérées comme des occasions. En effet, on retrouve beaucoup de similitude avec une occasion : un grand nombre de personnes à Paris — qui plus est près des organes du pouvoir — et une forte opposition avec le pouvoir en place. Certes, la mentalité putschiste n’était pas au rendez-vous comme nous le verrons par la suite, mais il n’en reste pas moins qu’une telle foule, un tel mouvement, guidé et bien dirigé pourrait avoir une inertie suffisamment importante pour renverser un gouvernement.

Les trois auteurs affirmeront cependant que de tels mouvements de foules ne sont pas forcément impératifs : « Si du reste, l’état vibrant de l’opinion fait une préparation convenable, cela n’est pas absolument indispensable à toute hypothèse de “Coup” ». Ainsi, le calme peut-être le meilleur ami d’un complot bien préparé et ordonnée. Dès lors, l’effet de surprise pourrait conduire à un avantage tout aussi important qu’une foule. Si l’hypothèse pouvait paraître crédible au début du siècle dernier, elle semble aujourd’hui beaucoup moins réalisable. Pour gouverner un pays — aussi mauvais que soit le gouvernement — il lui faut toujours soit l’opinion, soit la légitimité. Or un coup de force « par complot » ne rassemblerait aucune des deux conditions, au contraire de celui qui, appuyé par le peuple aurait alors l’opinion — en tout cas une partie — avec lui.

De la propagande

Les auteurs accordent une place toute particulière à la propagande, et y consacrent un chapitre intitulé « Doit-on le dire ? », sous-entendu, doit-on parler ouvertement du coup de force ? En effet, pour eux la propagande devrait couvrir deux sujets : le premier et principal est l’idéologie politique défendue ; le second, plus subtil, est la possibilité même du coup de force. Évidemment, il ne s’agit pas de dire ouvertement qu’une tentative se déroulera en tel lieu et à telle heure. Mais il faudrait plutôt « organiser l’état d’esprit pour rendre possible et facile le coup […] ». Ils affirment par là même que l’État omnipotent est en situation de faiblesse face à cette propagande. En annonçant ouvertement « l’idée générale du « Coup », du coup à frapper n’importe comment par n’importe qui […] », l’État se trouve débordé, il est impossible pour lui de surveiller tout et rien à la fois : « ces mots dits et écrits n’apprennent rien à l’adversaire. Les maîtres de l’État savent depuis longtemps que leur point faible n’est que là. Mais ils savent aussi qu’il est au-dessus de leurs forces de remédier à cette faiblesse. »

Si Maurras et Dutrait-Crozon ciblent en particulier la presse, ils rappellent également l’importance de toutes les formes de propagande. Ce n’est pas un hasard si l’Action Française fut l’une des critiques les plus actives de son temps. Quelle est le visée idéologique de planter un “sapin” en forme de plug place Vendôme à Paris ? Cela participe à l’agression continue du peuple par le visuel pour l’empêcher de penser. Au contraire, l’AF défendait le classicisme contre le romantisme ; le beau contre l’abstrait ; la pensée contre l’émotion. L’art, les journaux, les blogs et les gazettes devraient défendre le même but : celui de faire réfléchir la population, et par la réflexion combattre la déchéance de la Fille aînée de l’Église. Pour cela, nous nous devons d’être présents sur tous les terrains.

De la crainte du gouvernement

Les auteurs affirment que la république se méfierait des coups de force et craindrait un retour du roi. Ils soutiennent leurs dires en citant « une feuille républicaine, admirablement informée des coulisses de notre État, Le Petit Marseillais » qui met en exergue la peur du gouvernement lorsque Son Altesse Royale le duc d’Orléans rentre en France : « Le préfet de police a veillé très tard et n’est rentré chez lui que lorsqu’il a eu la certitude que le duc d’Orléans n’avait pas pénétré dans Paris. » Si la cause royaliste faisait craindre un coup, nous pouvons difficilement en dire de même aujourd’hui. Néanmoins, quelques indices montrent que l’État actuel craint les émeutes ou une tentative de coup de force. Prenons par exemple le fait que le gouvernement ait décidé de monter une division de réservistes à Paris. Cette mesure fut prise début 2013 en plein “débat” sur le mariage homosexuel. Les manifestations “bleu-blanc-rose” ont démontré au pouvoir que le peuple de France — et en particulier la jeunesse — n’était pas morte devant sa télévision, mais entendait bien se battre contre la décadence de la France. Cette division est actuellement sous l’ordre du Gouverneur Militaire de Paris, gouverneur nommé par le conseil des ministres. Ces réservistes pourraient ainsi facilement se transformer en milice aux ordres du gouvernement…

Hubert d’Abtivie

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