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Le pape étant infaillible et la nouvelle messe ayant été instituée par le pape, cela suffit, dit-on, à la rendre valide.
Rappelons que l’infaillibilité est soumise, du point de vue du droit canon, à la condition d’une allocution prononcée ex cathedra par le souverain pontife en personne. Cette condition n’a pas strictement été remplie par le précédent concile s’agissant des conclusions de Vatican II.
Mais c’est assurément là un point crucial. L’argument de l’infaillibilité pontificale est souvent mobilisé pour légitimer la validité de la messe nouvelle formule. Mais l’argument est spécieux à sa manière : le dogme de l’infaillibilité pontificale fut proclamé par le pape Pie IX en 1870, lequel pape n’est pas vraiment réputé pour son progressisme (cf. l’encyclique Quanta Cura et son Syllabus fustigeant les quatre-vingt erreurs modernes parmi lesquelles la laïcité, l’hérésie du modernisme, le libéralisme, le socialisme, le rationalisme, le darwinisme, la franc-maçonnerie, la liberté d’opinion et de culte, etc.). Alors quelle position adopter ? Y a-t-il une rupture entre les papes infaillibles d’avant le Concile Vatican II et les papes infaillibles d’après le Concile Vatican II, y a-t-il rupture entre les 260 papes d’avant ce dernier concile, et les 5 papes qui l’on suivi ? Cette question est aussi absurde que de demander si la Vérité peut changer d’une époque à une autre. Il est évident que dans ce cas, c’est la Tradition qui doit primer, qui doit trancher. Certains répondront : « Mais la Tradition, c’est le Pape ! » C’est faux : la Tradition n’appartient à personne, et nul, fût-il pape, n’a le droit d’y changer quoi que ce soit.
Il y a bien sûr la solution simple de l’obéissance bornée, leitmotiv des conciliaires acharnés qui condamnent fermement les 260 papes d’avant le concile et qui vantent les bienfaits d’une Eglise révolutionnaire. Nous ne parlerons pas d’eux. Mais il y a surtout ceux qui refusent de collaborer avec un mouvement qui, sans être schismatique, est du moins « extraordinaire » : la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X selon laquelle l’obéissance à l’Église suppose l’obéissance à Son enseignement traditionnel, lequel inclut la doctrine des Pères de l’Église. Encore une fois : que faire ? Choisir la Tradition absolument ou consentir à une dose de modernité ?
D’après la doctrine catholique officielle de saint Thomas d’Aquin, l’obéissance est une vertu morale qui se tient sur une ligne de crête entre un défaut (la désobéissance de celui qui refuse de se soumettre aux ordres légitimes) et un excès (la servilité de celui qui se soumet aux ordres illégitimes). Pour ceux qui prennent la peine de s’informer de ce qu’est la doctrine de l’Église, alors l’enseignement du concile apparaîtra dans toutes ses imperfections et contrastera avec la perfection qui est exigée du fidèle. Telle est la perfection de la Foi catholique, correctement comprise, c’est-à-dire non comprise sentimentalement, mais comprise comme celle à qui chaque Catholique doit obéissance, sous peine de péché mortel.
Un dernier exemple peut être mobilisé pour souligner les déficiences du Novus Ordo et pour interroger l’intérêt du dernier concile. Pourquoi y a-t-il eu un concile ? Cet exemple concerne les paroles de la Consécration elles-mêmes. Ces paroles, dans la messe, sont les plus sacrées, car elles sont attribuées par la Tradition au Christ Lui-même, et c’est par leur intermédiaire que les saintes Espèces sont « produites », c’est-à-dire deviennent vraiment Corps et Sang du Christ. Or, ces paroles deviennent en français – et paradoxalement – plus obscures qu’en latin. On est passé de « CAR CECI EST MON CORPS » (traduction littérale) à « ceci est mon corps livré pour vous » (traduction œcuménique). Pareillement, on est passé de « CAR CECI EST LE CALICE DE MON SANG, ALLIANCE NOUVELLE ET ÉTERNELLE, MYSTÈRE DE LA FOI, VERSÉ POUR VOUS ET POUR BEAUCOUP EN RÉMISSION DES PÉCHÉS » à « car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’alliance nouvelle et éternelle, (Ø) qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés ».
Mais que dit le catéchisme du Concile de Trente ? « Nul ne pourra élever de doutes sur cette forme (...) toute autre forme ne saurait être admise ». Paul VI, en introduisant ces nouvelles formes, les a appelées « les paroles du Seigneur » plutôt que « les Paroles de la Consécration », ce qui met l’accent sur l’aspect narratif et seulement historique du Rite plutôt que sur son aspect proprement propitiatoire. Qu’un individu, fût-il pape, puisse « désirer » que les paroles du Christ soient autres que ce qu’elles sont est absolument inconcevable et anti-traditionnel. Il semblerait pourtant que, pour les innovateurs du concile, les paroles du Christ lui-même ne soient ni sacrées, ni saintes, ni inviolables. Quiconque croit en la puissance de la forme (que constituent les paroles sacramentelles) hésitera à la bricoler d’une façon ou d’une autre, pour quelque raison que ce soit. Aux yeux de la théologie, de la doctrine et de la Tradition, son utilisation est considérée comme sacrilège. Or, la seule raison invoquée pour ce changement fut « la concordance avec l’Écriture » – comme Luther en son temps, encore une fois. C’est d’ailleurs le même argument invoqué aujourd’hui par les Charismatiques qui trouvent dans la Bible les justifications de leurs pratiques malsaines et délirantes : les « louanges », que légitime prétendument le Psaume 150, et qui concrètement aboutissent à ceci, niveau zéro de la musique derrière les catholiques de Glorious ; de manière générale, c’est d’assez bonne tenue, et nous n’évoquerons pas les délires de ceux qui se mettent à « parler en langue »… En bref, toutes ces dérives sont dues à une lecture littérale de la Bible : Sola Scriptura. Mais, dans le Catholicisme, l’Écriture n’est pas une plus grande source de Révélation que la Tradition ; or celle-ci n’a jamais fait mention de ce genre de fantaisies.
Dans le De Sacro Altaris Mysterio, le pape Innocent III affirme que « cette forme correcte des paroles du Christ Lui-même a été reçue par les Apôtres, et [que] de ces mêmes Apôtres, l’Église l’a reçue. » Saint-Pie X, bien plus tard, dit également dans le Ex quo nono qu’« il est bien connu que l’Église ne dispose d’aucun droit d’innover quoi que ce soit dans la substance des sacrements. » Personne ne peut douter que l’Église conciliaire se soit instituée contre la Tradition, contre les décrets des conciles antérieurs, et notamment contre le catéchisme du concile de Trente en changeant la forme du sacrement de la sainte Eucharistie. Le fait qu’elle n’avait pas le droit d’agir ainsi ne devrait même pas être ouvert à la discussion.
En conclusion, l’obéissance vraie requiert que l’on respecte l’enseignement selon lequel on doit refuser d’accepter tout sacrement dont la validité est mise en doute, parce qu’agir autrement est commettre un sacrilège, en tant qu’il viole ce qui est sacré, car la nouvelle messe est pleine d’irrévérence envers ce qui est sacré, « ce qui est une injure faite à Dieu et possède la nature du sacrilège » (saint-Thomas, Somme, IIa-IIæ, Q. 99, a. 1).
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