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Le poncif n°2 a son corollaire : « La nouvelle messe en français permet à tous les catholiques de comprendre et de participer au rite. Traduire c’est ouvrir. »
Mais traduire c’est aussi trahir.
L’argument du passage salutaire au français est souvent invoqué, avec, au passage, d’assez lourdes allusions quant à l’obscurantisme infâme des temps antérieurs qui empêchait le fidèle de voir qu’on le manipulait. Dans le Credo, il est dit que l’Église est « Une » : c’est dire qu’elle doit réaliser l’Unité. Ceux qui, en dehors de l’homélie (toujours en français cela va de soi) et des lectures (épître et évangile du jour pouvant aussi être lus en latin avant d’être lus en français), défendent l’usage systématique du français pendant la messe ont donc une vision bien étriquée du catholicisme : il faut choisir entre gallicanisme et catholicisme, qui sont deux termes absolument incompatibles. En effet, en grec κατὰ ὅλος (kata holos) signifie étymologiquement – à condition d’exploiter toute la richesse sémantique de la particule – : « ce qui du haut vers le bas recouvre l’étendue tout entière » et, partant, on obtient καθολίκος, « catholique », lequel adjectif se dit précisément « de ce qui venu du ciel épouse l’univers ». Si vous faites le choix d’un Credo en français par exemple, vous renoncez à l’universalité.
Or, l’universel, dans la nouvelle messe, est compromis : non seulement elle n’est pas suffisamment codifiée pour qu’on ait la même messe en tous lieux de la terre, mais elle est en outre célébrée dans la langue vernaculaire de chaque pays ; si je vais au Brésil ou en Allemagne, je ne comprendrai absolument rien à la messe parce que je ne connais ni le portugais, ni l’allemand, alors que, pourtant, je me trouverai parmi mes frères catholiques dans une messe romaine. Est-ce normal ? Le catholicisme n’aurait-il qu’une prétention nationale ? Anglicanisme, gallicanisme, germanisme ? Non, un catholique devrait pouvoir assister au même rite partout dans le monde, de même que chez les musulmans la prière se fait en arabe, de Constantine à Singapour. Où est-il le temps où le Saint-Sacrifice, de Quito à Tokyo, était célébré dans la même langue ? Encore une fois, c’est le protestantisme qui a inauguré le culte en langue vernaculaire. Certes, tout le monde ne connaît pas le latin (encore que, à raison d’une fois par semaine, la messe se comprenne très rapidement), mais il reste que, même si la prière n’est pas comprise par le fidèle, elle reste tout à fait valide, et même plus puissante, puisqu’elle est récitée dans la langue officielle et liturgique de l’Église qui, si elle n’est pas la langue des origines, demeure la langue du « Sens » et du Sens seul et unique. Chateaubriand, dans son sublime Génie du Christianisme, résume avec brio tout ce que nous venons de dire :
« On reproche au culte catholique d’employer, dans ses chants et ses prières, un langue étrangère au peuple, comme si l’on prêchait en latin, et que l’office ne fût pas traduit dans tous les livres d’église. [...] Nous croyons qu’une langue antique et mystérieuse, une langue qui ne varie plus avec les siècles, convenait assez bien au culte de l’Être éternel, incompréhensible, immuable. Et puisque le sentiment de nos maux nous force d’élever vers le Roi des rois une voix suppliante, n’est-il par naturel qu’on lui parle dans le plus bel idome de la terre, et dans celui-là même dont se servaient les nations prosternées pour adresser leurs prières aux Césars ? [1] »
Quant à la soi-disant « ouverture », nous vous demandons si le fait d’être passé du latin au français a véritablement permis aux fidèles une meilleure compréhension des Écritures et de la Tradition quand, nous semble-t-il, c’est tout le contraire qui s’est produit. [2] La Nouvelle Messe est bien la Tour de Babel de la Nouvelle Église. Jean XXIII dit d’ailleurs à ce propos dans son Veterum Sapientiae :
« La langue de l’Église doit non seulement être universelle mais immuable. Si en effet les vérités de l’Église catholique étaient confiées à certaines ou à plusieurs langues humaines changeantes dont aucune ne fait plus autorité que l’autre, il en résulterait une telle variété que le sens de ces vérités ne serait ni suffisamment clair ni suffisamment précis pour tout le monde. »
De même, nous ne reviendrons pas en détail sur les nombreuses erreurs de traduction qui se introduites dans le nouveau missel. Pourquoi n’avoir pas utilisé, d’ailleurs, les traductions préconciliaires, qui existaient déjà et étaient parfaites ? Ainsi entend-on de plus en plus souvent un Gloria dont la traduction est fausse et incomplète : la « paix aux hommes de bonne volonté » (pax hominibus bonae voluntatis) devient la paix « aux hommes qu’il aime » (c’est-à-dire tous les hommes). Pareillement, dans le Sanctus , le Sanctus Dominus Deus Sabaoth, dont le dernier mot hébreu est traditionnellement traduit par "Dieu des Armées", est de plus en plus traduit par "Dieu de l’Univers", ce qui ne signifie pas la même chose. Consubstantialem Patri est parfois traduit « de même nature que le Père », ce qui est une grave déficience par rapport à la précision du latin « consubstantiel au père ». Pareillement, les catholiques conciliaires n’ont plus droit à la formule qui suit le Confiteor, à savoir l’Indulgentiam, qui permet de donner l’absolution pour les péchés véniels que même les meilleurs d’entre nous commettent. Ces exemples sont légion.
Ces erreurs et suppressions sont-elles volontaires ? On reconnaît aujourd’hui au sein même de la Curie romaine que des abus ont été commis par certains prélats ultra-progressistes voire modernistes. La révolution liturgique est aujourd’hui largement pondérée et l’on revient aux traductions dont on disposait déjà. Cependant, il faudra demeurer vigilant : certaines paroisses résolument modernistes maintiennent les abus. Il existe donc un conflit entre le Sens et certaines traductions. Ainsi, veillez tout particulièrement à ce que les références aux doctrines de la Messe spécifiquement catholique (Saint-Sacrifice, prêtre sacrificateur, etc.) soient présentes : par exemple, de l’Offertoire du rite traditionnel, seules deux prières ont été conservées dans certaines interprétations du nouveau culte. Et remarquez encore une fois que les prières qui ont été supprimées sont celles que Luther avait liquidées en son temps, car, comme il disait lui-même, « elles sentent le sacrifice qui pue l’oblation » (Luther).
Enfin, on pourrait déplorer, en tant que traditionalistes, que les lectures de l’Écriture, en plus d’être empruntées à des retraductions œcuméniques, s’inscrivent sur un cycle long de trois ans, plutôt que sur le cycle court d’un an comme dans la messe traditionnelle le prévoit. Pourtant, ce cycle annuel est primitif, ayant été établi par le pape Saint-Damase au IVe siècle. Dans ce dernier cycle d’un an, les lectures écoutées chaque année deviennent pour le catholique une part de sa conscience, comme une seconde nature, consubstantielle à l’Écriture et conforme aux cycles naturels des saisons. Au contraire, le cycle basé sur une fréquence triennale n’est pas assez frappant pour exciter la mémoire d’assimilation.
NB. Si vous n’avez pas de missel romain (celui de vos grands-parents, de vos arrière-grands-parents et de vos ancêtre est bien sûr valide et valable), vous le trouverez en vente dans toutes les bonnes paroisses de Paris, de Saint-Eugène Sainte-Cécile à Saint-Nicolas-du-Chardonnet en passant par le Centre Saint-Paul.
Le PréambuleEt prochainement sur le R&N :Une conclusion ?
[1] Chateaubriand, Génie du Christianisme, Paris, GF-Flammarion, 1966, t.II, Quatrième partie, Livre premier, Chapitre III, p. 59.
[2] Nous dirons même plus, pour rendre hommage à Brassens, que : ils ne savent pas ce qu’ils perdent, tous ces fichus calotins, sans le latin, sans le latin, la messe nous emmerde ! http://www.wat.tv/video/tempete-dans-benitier-oo7v_2gvjf_.html
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