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Commençons par le commencement. La ville de Marseille a été fondée il y a 2 600 ans par des Grecs qui voulaient y installer un comptoir commercial. Comme c’est le cas pour toute ville importante dans l’antiquité, Marseille a son mythe fondateur, sa légende : celle de Gyptis et Protis. Hérodote, Aristote, Justin, Trogue-Pompée ou encore Strabon évoque cette histoire ou, tout au moins, permettent de confirmer la date de l’arrivée des Grecs dans la baie du Lacydon (l’actuel Vieux-Port). Chercher à dégager le vrai du faux n’apporterait pas grand-chose car le mythe de la fondation d’une ville, plus encore que sa réalité, est l’origine de son esprit, de son identité. L’histoire de Romulus et Remus permet de comprendre en partie la mentalité romaine quand la vérité historique ne fait que prouver que les Romains étaient des gens comme les autres. La part de légende est ce qui permet à une ville, à une population de se développer, de grandir, de se dépasser, de marquer l’histoire.
Intéressons-nous alors à l’étonnante histoire de Gyptis et Protis. Précisons qu’elle est le seul mythe fondateur construit autour d’une histoire d’amour, et non d’un meurtre (parricide, fratricide, régicide…). La cité grecque de Phocée, située en Asie mineure sur un trop petit territoire, cherche des lieux, tout autour de la Méditerranée pour y fonder des comptoirs commerciaux. Les Phocéens sont alors un peuple de pêcheurs et de pirates (activité noble à l’époque). Suite au récit enflammé de navigateurs phocéens à propos de la rade de Marseille par laquelle ils étaient passés, la cité décide d’y retourner pour y fonder une ville. Deux pentécontores, navires de cinquante rameurs, commandées par Simos et Protis partent de Phocée pour la Gaule.
Sur la route, ils s’arrêtent dans la Rome naissante où ils rencontrent le roi Tarquin. Puis ils repartent pour la Provence. Arrivant dans la baie du Lacydon, Simos et Protis sont surpris de voir qu’aucun fleuve ne se jette ici, atout pourtant essentiel pour la fondation d’une ville. Cependant, charmés par les lieux, ils mettent pied à terre.
Ils sont accueillis par des autochtones. Ce sont des Ségobriges, un peuple celto-ligure qui a choisi pour roi un homme du nom de Nanus (ou Nannus ou Nann, cela dépend des témoignages). En bons Gaulois, ils sont en permanence en conflit avec les autres tribus locales. On considère que les Ségobriges étaient installés sur les hauteurs des collines d’Allauch, d’où ils pouvaient voir arriver leurs ennemis. Pour cette première rencontre, le roi Nann est heureux d’inviter les visiteurs grecs aux noces de sa propre fille, la princesse Gyptis, qui devaient avoir lieu le jour-même. Selon la tradition, la princesse choisit le jour de son mariage l’heureux élu en lui apportant une coupe de vin [1]. Evidemment, la belle Gyptis, sous le charme exotique du navigateur grec, renonçant à tous ses prétendants, porta la coupe à Protis. Le roi Nann, pour célébrer cette union, offrit aux Phocéens [2] un lieu pour fonder leur ville qu’ils appelleront Massalia [3].
Les Phocéens se sont parfaitement mêlés aux Ségobriges et ont combattus à leur côté pour défendre Massalia de leurs voisins, envieux du développement rapide et conséquent de la ville. Voilà comment est née la plus vieille ville de France. Cette fondation, faite du mélange de la culture grecque et de la culture celte, a toujours donné aux Marseillais le sentiment d’être un peuple à part, fier et libre. De là naît l’esprit d’indépendance, si présent à Marseille, qui fera perdre la tête aux Romains et aux Carthaginois pendant les guerres puniques et qui surprend encore de nos jours le reste de la France.
Aujourd’hui, tout Marseillais, quelle que soit son origine ethnique, se sait héritier de l’histoire d’amour de Gyptis et Protis et de 2600 ans d’histoire. Un club de supporteurs de l’OM, la Brava Massalia, déploie régulièrement des banderoles en grec dans le virage sud en mémoire des origines de la ville. Ayant subi, cette saison, des violences de la part de supporteurs turcs, en Ligue des Champions, suite à la sortie de drapeaux grecs, le peuple marseillais a répondu le match suivant par un superbe : « Ne renions pas l’origine de notre ville ! »
[1] Certains disent que la coupe devait contenir de l’eau.
[2] Vraisemblablement la colline de Marseilleveyre.
[3] Massilia est le nom romain. En provençal, la ville s’appelle Marsiho.
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