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[EXCLUSIF] FRANC-MACONNERIE : de nouveaux éléments à propos de la conférence de victimisation du GODF

NDLR : Les deux infiltrés à la conférence du GODF de la semaine dernière sont revenus vers nous avec un compte-rendu plus étoffé que celui que nous avons déjà publié, ainsi que des photos exclusives. Avec leur accord, nous vous publions le tout dans son intégralité.

Nous sommes le samedi 25 octobre 2014. C’est déterminés que nous arrivons à Lille afin d’assister aux conférences publiques organisées par le Grand Orient de France sur le thème de « l’anti-maçonnisme » ; nous nous disons que nous pourrons peut-être enfin apporter un témoignage objectif sur ce qui se dit en loge de la dissidence catholique et prendre le pouls de l’Ennemi.

Quand nous nous présentons à l’entrée de la loge de la rue Thiers, nous remarquons tout de suite que deux hommes montent la garde et inspectent l’extérieur ; nous sommes repérés dès l’entrée de la rue et deux participants (sans doute maçons) semblent nous signaler à ces hommes qui, malgré tout, ne pourront pas nous empêcher d’entrer. Dès la porte passée, nous subissons une vérification d’identité afin de bien vérifier que nous sommes inscrits. Ce qui devait être une « conférence publique », prouvant que les maçons « n’ont rien à cacher », s’avère en réalité être une réunion « discrète » (comme la société qui l’organise) où tout le monde n’est pas le bienvenu. Nos noms, inscrits sur une longue liste, sont alors biffés d’un trait de stabilo. La procédure d’inscription fut très sélective ; mon camarade (sans doute connu pour ses activités dissidentes) n’a pu s’inscrire que grâce à mon adresse mail. La procédure nécessita de donner préalablement notre nom, nos adresses et numéros de téléphone, ce que nous fîmes. Après quelques coups de fils, nous réussîmes à passer sous leurs fourches caudines et pûmes finalement nous présenter ; plus moyen alors de nous refuser l’entrée. Malgré cela les deux hommes (accompagnés d’un autre à l’allure plus policée) nous gardèrent à l’œil ; nous comprîmes vite que ces derniers étaient sans doute de la police (ou d’un « service » quelconque), ce qui révèle par ailleurs une forme de collaboration entre le GODF (association privée) et l’État.

Nous montons donc à l’étage et, après être passé par une antichambre où les portraits des maçons prestigieux sont exposés, nous entrons dans le temple et nous installons au deuxième rang, sur une série de chaises installées à même le damier.
La conférence se présentera comme une sorte de séance ou de « tenue » ouverte au public ; les maçons sont d’ailleurs très nombreux (près de 6 loges ont répondu au rendez-vous et la salle est pleine à craquer, des chaises sont d’ailleurs rajoutées). Les Frères de l’obédience locale sont assis à leur place. Malgré le nombre, nous ressentons vraiment cette impression étrange qu’ils sont « entre frères » et qu’ils se connaissent tous. Nous sommes très vite repérés comme éléments hostiles du simple fait de notre apparence et de notre attitude non complaisante.

Ce qu’il faut bien appeler les deux barbouzes de l’entrée s’installent (bien entendu) juste à côté de nous. Ils passeront l’intégralité de à la conférence à nous fixer. Ils nous suivront partout jusque dans les toilettes (situées dans ce que les maçons appellent la « salle humide », où se préparait également la sauterie post-conférence ; à l’intérieur, une table richement garnie avec champagne et petits fours, un bar et une cuisine équipée font penser à un véritable restaurant). Nous avons d’ailleurs droit à un nouveau contrôle d’identité à la sortie des WC – la raison est que nous n’avons « pas le profil ». Un homme aux cheveux blancs tirés en arrière d’un âge certain interroge mon camarade (où a-t-il travaillé, pour quelle raison est-il là ?...) ; il prend sa carte d’identité et note toutes les informations recto-verso sur un papier. Il conclut narquoisement l’entretien par un « à bientôt » qui en dit long...

Après de longues minutes où nous pouvons admirer l’agencement du temple (l’ensemble fait d’ailleurs faux et même un peu miteux ; les statues et les colonnes sont en plâtre et s’effritent, une impression de fin de règne en somme...), les interventions commencent bientôt et Daniel Keller prend place à côté du président du chapitre de Lille qui, lui, siège sur une sorte de trône situé en dessous de « l’œil de la providence » inscrit dans un triangle ; les conférenciers interviennent sur ce qu’ils appellent la « résurgence de l’anti-maçonnisme ».

Plusieurs observations générales peuvent être faites sur l’ensemble des interventions :
1 - Les intervenants sont des maçons et s’adressent à des maçons avec des codes maçons ; derrière ce qui s’avère être une monumentale opération d’enfumage, d’autres informations ont donc pu être glissées sans que nous, profanes, ne puissions les comprendre.

2 - Ces conférences ne visent absolument pas à contrer les arguments des anti-maçons ou à expliquer pourquoi ils ont tort ; le bien fondé des positions maçonniques et l’iniquité des adversaires est un postulat a priori ; le ton sera d’ailleurs celui de la victimisation permanente, les maçons étant d’après eux un groupe innocent ne cherchant depuis toujours que le bien de l’humanité et qui furent injustement persécutés en tous temps et en tous lieux jusque dans les pays où ils sont les plus puissants (États-Unis, Angleterre)

3 - L’argumentaire est uniquement factuel et historique ; jamais la question de la doctrine maçonnique n’est évoquée, ni la question du rôle que la maçonnerie a joué au nouveau national et mondial dans l’adoption des plus terribles lois anti-catholiques et anti-naturelles (sans compter les persécutions que subirent par exemple les Cristeros au Mexique) ; cela est présenté une fois de plus comme « une vue de l’esprit ». Néanmoins, l’existence d’un puissant « lobby maçonnique » est évoquée d’une certaine manière dont la compréhension est réservée aux initiés durant la conférence (à propos de l’Angleterre notamment qui vota une loi interdisant la maçonnerie dont l’exécution fut rendue impossible grâce à l’action de ce lobby).

Voici un bref résumé, le plus neutre et factuel possible, de ces trois conférences :

L’anti-maçonnisme au XVIIIe siècle : naissance d’un mythe moderne : le complot des francs-maçons par Daniel MORFOUACE
(Professeur de philosophie à l’École Supérieure du Professorat et de l’Éducation de l’Université d’Artois, il a dirigé l’ouvrage collectif Changer la République ? Changer de République ? et a contribué au Dictionnaire de la laïcité.)

Pas de surprise, on évoque le livre de Augustin Barruel Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme et ses insuffisances ainsi que son manque de rigueur factuelle (sans jamais évoquer d’ailleurs le rôle significatif joué par les loges et les sociétés de pensée dans la Révolution pointé du doigt par l’historien Augustin Cochin au début du XXe siècle, historien qui fut réhabilité par François Furet dans son livre Penser la Révolution française). On évoque uniquement les martyrs de la F.:M. : pendant la Révolution et la quasi-disparition des loges à l’aube du XIXe siècle. On insiste sur le côté mondain et inoffensif de la F.:M. : du XVIIIe siècle (« tout le monde veut en être ») qui compte nombre d’ecclésiastiques et où on ne trouverait aucune hostilité à la monarchie (on ne dit bien sûr rien du « droit divin »). D’après ce conférencier, les débuts de l’anti-maçonnisme ne datent pas de la condamnation papale de 1738 (bulle In eminenti apostolatus specula de Clément XII qui fut, je cite, « sans effet en France où le nombre des ecclésiastiques maçons ne cessa de croître » - ce qui en dit long sur le degré d’influence et les capacités de subversion des loges à la veille de 1789) mais bien du livre de Barruel qui « inventerait » le complot maçonnique.

L’antimaçonnisme antirépublicain, du XIXe siècle aux persécutions de Vichy par Yves HIVERT-MESSECA
(Professeur honoraire et docteur en histoire. Ses travaux, au carrefour de l’histoire et de la sociologie, portent notamment sur la franc-maçonnerie et le protestantisme français pendant les XIX-XXe siècles)

Après les secousses de la Révolution, la Franc-Maçonnerie se transforme en un pouvoir « installé » qui devient le pilier des différents régimes qui se succèdent et qui n’est d’ailleurs pas spécialement républicaine avant les années 1870. Le conférencier avoue une complète fusion de de la maçonnerie et de l’État sous l’Empire napoléonien puis une collaboration (plus ou moins poussée, intéressée et sincère) avec les différents régimes (Restauration, Monarchie de Juillet, IIe République, Second Empire) jusqu’à la IIIe République où la maçonnerie « devient républicaine » (« sur 20 000 maçons en 1870, 10 000 anciens vont partir à la fin de l’empire et 12 000 nouveaux [NDLR : républicains] vont entrer »). Le clergé devient lui farouchement anti-maçon à ce moment-là sous l’effet du Syllabus de Pie IX, ce qu’il n’aurait pas été avant. L’Affaire Dreyfus ne fait que renforcer la défiance envers la F.:M. : et l’associe à l’antisémitisme. Léo Taxil est évoqué pour discréditer les accusations de satanisme portées contre les rituels théurgiques et mystiques pratiqués par les hauts grades des obédiences (l’existence de ces hauts grades et de ces pratiques mystiques n’est d’ailleurs pas niée).
Apogée de l’anti-maçonnisme en France sous le régime de Vichy qui interdit totalement la F.:M. : et persécute les maçons. Les années 1940 sont désignées comme la « période noire » de l’histoire de la Franc-Maçonnerie où, à l’exception du Royaume-Uni, de la Suisse et de la Suède, la F.:M. : est interdite partout en Europe (elle est même passible de mort en Espagne franquiste). La Libération marque le retour en force du pouvoir des Francs-maçons.

L’Antimaçonnisme contemporain : résurgences et mutations, par Jiri PRAGMAN
(Journaliste, il a fondé le Blog Maçonnique (www.hiram.be) et a notamment publié L’Internet est-il maçonnique ? et L’antimaçonnisme actuel. Il collabore à Franc-maçonnerie magazine et est à l’initiative de Masonica, la Journée du Livre maçonnique de Bruxelles.)

L’intervention en question fut cette fois-ci sans aucun intérêt. La victimisation de la maçonnerie atteint son comble. Le conférencier se contente d’une simple dénonciation des sites internet et caricatures « complotistes » diverses (qu’il projette d’ailleurs à l’écran sous les yeux effarés de l’assistance maçonne et amusés des nôtres) à seule fin de faire passer les anti-maçons pour des idiots (Dora l’Exploratrice faisant un triangle, Dollar plié...).

Les liens avec l’antisémitisme et l’antisionisme (Dieudonné) sont évoqués comme une source d’inquiétude particulière. (NDLR : la bande-dessinée Les bobards du Franc-Maçon est citée).

Les accusations de satanismes sont balayées sur un ton humoristique sans que jamais elles ne soient démenties (une question portant d’ailleurs sur les accusations de satanisme ne trouvera pas de réponse après la conférence).

Des plaisanteries sont faites sur l’Église catholique et Paul VI qui, disent-ils en rigolant, « était le seul non Franc-Maçon » sur une une photo.

Nous avons droit à la fin des interventions à un compte-rendu de Daniel Keller, grand maître du GODF (qui a d’ailleurs porté une attention très poussée à nos personnes durant les conférences, nous observant presque autant que les deux barbouzes). Avec lui commencent (enfin) les références politiques explicites ; la Franc-Maçonnerie, c’est la République, elle est son pilier idéologique et doit conduire l’Humanité vers le Progrès et un monde où l’homme est affranchi de toutes les autorités dites « illégitimes ». La formule « Hors de la République point de salut » est d’ailleurs utilisée tandis que l’anti-maçonnisme est lui purement et simplement qualifié « d’hérésie ».

On ne doute pas que ces formules religieuses aient un véritable sens pour un homme ayant atteint le grade qui est le sien (33e degré ?) ; la spiritualité maçonnique nous apparaît dans toute sa radicalité et toute son intolérance.
Le récent renouveau de l’anti-maçonnisme associé à l’antisémitisme et l’antisionisme inquiète néanmoins Daniel Keller bien qu’il insiste sur le fait que « 2014 n’est pas 1930 ».

Les conférences terminées, nous nous attendons, en tant que participants tout à fait en règle, à pouvoir jouir des mêmes privilèges que les autres et à participer à « l’agape » (la collation informelle) devant suivre les interventions. Il n’en sera pas le cas. Sans aucune raison valable, nous ne fûmes pas conviés à « l’apéritif convivial » qui succéda aux conférences mais fûmes jetés dehors manu militari. A peine l’escalier descendu, on nous demande (à nous seuls) de prendre nos affaires et de partir tout de suite. Le ton employé avec nous n’est plus celui d’une institution n’ayant rien à cacher et accueillant des profanes curieux mais celui d’un groupe ayant un temps toléré en son sein des invités non désirés et cherchant à s’en débarrasser. L’homme aux cheveux blancs nous redit « à bientôt »... Une fois dehors, l’un des hommes nous ayant surveillé nous met en garde sur les éventuelles conséquences d’une divulgation de ce que nous avons vu ou entendu ce soir. « Les gars, si vous êtes malins, balancez pas les photos tout de suite. » Nous voilà prévenus.

Les Brigands du Roy

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